Les actions ouvrières deviennent plus courantes à Dubaï, frappée par la récession

Écrit par Stephen Jones, La Grande Époque
01.02.2011

  • Des travailleurs étrangers à Dubai(Staff: KARIM SAHIB / 2010 AFP)

DUBAÏ – Les autobus sont arrivés au camp de travail poussiéreux pour embarquer et transporter 5000 ouvriers à un site de construction à proximité. Toutefois, pendant près de deux semaines aucun des travailleurs n'est monté à bord.

L'impasse dans le conflit de travail entre l'employeur, Arabtec, et les ouvriers mal payés a finalement pris fin le 26 janvier, alors que la police est intervenue pour arrêter 70 meneurs de la grève.

À Dubaï, frappée par la récession, des actions ouvrières du genre sont de plus en plus courantes. Le problème s'est exacerbé alors que les plus petites firmes de construction sont incapables de payer leurs employés pendant des mois.

Puisque plusieurs travailleurs sont obligés de remettre leurs passeports à leurs employeurs lorsqu'un cadre fuit le pays pour échapper à une peine de prison qui accompagne normalement une faillite, des dizaines de milliers de personnes demeurent sans recours.

«Ces cas sont beaucoup trop courants», explique l'employé d'un consulat d'un pays sud-asiatique désirant conserver l'anonymat. «La protection pour eux est limitée, mais elle s'améliore.»

Les hommes qui construisent la majorité des gratte-ciel étincelants et des résidences ultra modernes à Dubaï vivent la plupart du temps dans des camps de fortune dans les zones industrielles étouffantes de la ville.

Les logements, appelés de manière informelle les «camps de travail», sont habituellement des dortoirs rudimentaires où huit hommes se partagent une pièce.

Durant l'hiver, il arrive souvent que les précipitations font déborder les fosses septiques, alors les camps deviennent un risque pour la santé. Durant l'été, lorsque le mercure atteint 49 oC, les camps peuvent devenir des tombeaux s'ils sont dépourvus d'air conditionné.

Les ouvriers gagnent en moyenne aussi peu que 220 dollars US par mois, mais l'argent qu'ils font parvenir à leurs familles représente 24 % des 50 milliards de dollars en envois de fonds vers l'Inde annuellement.

Human Rights Watch (HRW) critique depuis longtemps le traitement des travailleurs aux Émirats arabes unis et ceci a forcé la main des autorités.

Dans un nouveau rapport, annoncé lors d'une conférence de presse à Dubaï le 26 janvier, HRW souligne les avancées, mais indique que plus doit être fait.

Une nouvelle section a été créée au sein de la police de Dubaï pour inspecter les pratiques dans le milieu du travail à court terme. Le 25 janvier, la section a annoncé avoir été en mesure de rapatrier 850 travailleurs qui n'avaient pu quitter le pays puisque leur employeur ne leur avait pas donné de billets d'avion de retour. Finalement, la compagnie s'est vu ordonner de débourser les 231 000 dollars US requis.

L'action de la semaine dernière était la deuxième en autant de mois. En décembre, près d'un millier de travailleurs ont utilisé leurs autobus pour bloquer un rond-point animé dans une zone industrielle de la ville et se sont assis dans la rue en silence en guise de désobéissance civile.

En l'espace de deux heures, quatre véhicules antiémeutes sont arrivés et une panoplie d'hommes encagoulés et équipés de matraques en sont descendus. Cependant, il n'y a eu aucun affrontement et la police a été en mesure de s'assurer que les demandes des travailleurs soient satisfaites.

Ça ne se termine pas toujours aussi bien. En 2008, plus de 3000 ouvriers ont été arrêtés dans l'émirat voisin de Ras al Khaimah suite à une manifestation où ils avaient attaqué le personnel de sécurité.

Une partie du problème vient du fait que les travailleurs qui sont amenés dans le golfe sont souvent dupés par des agences de recrutement sans scrupules en Asie du Sud.

Les contrats qu'ils signent avant de quitter leur pays sont souvent remplacés par une version beaucoup moins alléchante lorsqu'ils arrivent aux Émirats.

Le 26 janvier, le ministre des Affaires indiennes d'outre-mer, Vayalar Ravi, a déclaré en conférence de presse à Dubaï qu'un système d'enregistrement en ligne serait mis en service afin de garantir que les travailleurs ne soient plus victimes de stratagèmes.

Dans la phase initiale de signature de contrat, ce dernier devra être enregistré en ligne, permettant d'être consulté par les autorités en Inde et aux Émirats, a-t-il expliqué.

HRW a déjà critiqué les représentants indiens pour leur négligence envers leurs propres compatriotes dans les Émirats, ne voulant pas affecter les envois de salaires en Inde.

«Pendant trop longtemps le gouvernement indien a simplement traité ces travailleurs comme une source de salaires provenant de l'étranger, sans se soucier des mauvais traitements et de l'exploitation dont ils sont victimes», a écrit Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient au HRW, dans une lettre ouverte publiée le 1er novembre 2010.

Version originale : Labor Protests Become More Common in Recession-Hit Dubai