Funkytown-Une ville qui manque de funky

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque
01.02.2011

  • Tino (Justin Chatwin) et sa copine Tina (Romina D’Ugo)(攝影: / 大紀元)

Dans les années 1970, Montréal était sur la «map»! À l’ère disco, la métropole canadienne de l’époque était une destination parfaite pour s’éclater dans les boîtes de nuit aussi glamour qu’à New York. Mais cette fugace période a été comme un party bien arrosé duquel on se réveille avec un gros mal de tête. Funkytown de Daniel Roby (La Peau blanche) reconstitue les années disco avec un seul élément manquant : le disco.

Funkytown est un chassé-croisé de sept destins sur la trame de fond de l’engouement des années 1970, des Jeux olympiques de Montréal et du premier référendum. Bastien Lavallée (Patrick Huard), personnage librement inspiré d’Alain Montpetit, est un animateur à succès à la radio et à Télé-Métropole. Jonathan Aaronson (Paul Doucet), personnage librement inspiré de Douglas «Coco» Leopold, est un animateur à succès, collègue de Bastien et homosexuel affiché. Gilles Lefebvre (Raymond Bouchard) est l’agent d’artistes magouilleur et propriétaire du Limelight, LE bar disco de l’époque. Daniel Lefebvre (François Létourneau) est le fils de Gilles. Mimi (Geneviève Brouillette) est une star de gogo déchue. Adriana (Sarah Mutch), une top-modèle ambitieuse. Tino (Justin Chatwin), un danseur italien confus quant à son orientation sexuelle.

Le film a ses qualités, mais aussi une lacune criante : l’absence de l’ambiance disco! Oui, on voulait se concentrer sur l’aspect sombre de cette période d’excès; oui, c’est la débandade qui est au cœur du sujet. Cependant, c’est un peu banal de faire un film sur une descente aux enfers si les personnages n’ont pas été au paradis avant. La chute libre de certains personnages aurait eu beaucoup plus d’impact sur le spectateur si on avait senti qu’ils avaient vraiment perdu quelque chose.

Installant l’ambiance et les enjeux, la première partie de Funkytown (film avec un budget de 8 millions de dollars) réussit timidement à faire ressortir l’effervescence de Montréal à cette époque. Les partys du Limelight sont aussi tièdes qu’une soirée dansante dans un camping de Cowansville. Il aurait été primordial de tourner au moins une scène importante de party pour que le spectateur sente un peu les vibrations 70. Au lieu de cela, on nous offre des soirées de bar avec des angles de caméra en direction de quelques figurants immobiles qui arrivent difficilement à nous faire croire à un Limelight rempli par plus de 1000 personnes, comme c’était le cas à l’époque. Le personnage de Sophie Cadieux mentionne même à un certain moment que David Bowie estime que le Limelight est aussi éclaté que le fameux Studio 54 de Manhattan, ça devait être morne à New York…

En revanche, la descente aux enfers de plusieurs personnages, mais surtout de Bastien, est très bien amenée et on prend le temps d’y arriver. C’est environ à partir de la moitié, que le film commence à intéresser. La conclusion ? dont le rythme est ralenti et la musique prend le dessus sur les dialogues ? est efficace, même si elle aurait été mise en valeur avec un contraste de rythme marqué par un début frénétique.

La grande attention portée aux détails de la reconstitution (mode, marque de bière, publicités, émissions télé, matériel audio-visuel, etc.) ainsi que le parallèle entre la chute du disco et les bouleversements socio-économiques coïncidant avec le premier référendum ajoutent à la crédibilité du climat social de l’époque illustré dans Funkytown.

Au niveau du jeu, disons-le tout de suite : il est tellement absurde de faire du doublage en français pour les conversations en anglais de Justin Chatwin (Dragonball, The Invisible) alors que celles de Paul Doucet, Raymond Bouchard et Patrick Huard sont sous-titrées! Le doublage sur les dialogues de Chatwin (qui en plus réussit péniblement à faire croire qu’il sait danser) détonne désagréablement avec le reste des conversations et rend son interprétation totalement fade. Pour une des rares fois qu’un réalisateur fait un film bilingue au Québec, pourquoi en saboter une partie maîtresse par un doublage à faire grincer des dents?! Un mauvais choix difficile à comprendre…

En contrepartie, malgré l’omniprésence de Patrick Huard dans l’univers médiatique, il incarne son personnage avec conviction et est touchant dans certaines scènes. Raymond Bouchard est truculent dans son rôle d’agent d’artistes magouilleur et de père manqué propriétaire du Limelight. Il amène une touche d’humour désaltérante par sa malhonnêteté et son manque flagrant d’éthique. François Létourneau et Sophie Cadieux sont justes, comme toujours, mais ils sont en terrain très connu : des personnages qui ressemblent à d’autres qu’ils incarnent fréquemment.

Celui à qui on a laissé la liberté de s’amuser dans un beau terrain de jeu, c’est Paul Doucet. Son interprétation du personnage inspiré de Douglas «Coco» Leopold est très convaincante et nuancée, il ne tombe nullement dans la caricature. L’opposition entre la carapace de Jonathan qui est axé sur le glamour et sa fragilité fait de lui un personnage touchant d’une manière surprenante. Malgré deux grandes lacunes, et ne serait-ce que pour ce rôle de composition, Funkytown vaut la peine d’être vu mais peut-être en DVD.