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L'armée égyptienne doit agir promptement pour conserver la faveur populaire

Écrit par Cindy Drukier et Marco 't Hoen, La Grande Époque
13.02.2011
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  • Des Égyptiens célèbrent sur un char d'assaut au Caire après la démission du président Hosni Moubarak le 11 février 2011(Staff: MOHAMMED ABED / 2011 AFP)

Après avoir déçu en s'accrochant à la présidence, Hosni Moubarak a fait volte-face quelques heures plus tard en quittant le pouvoir le 11 février. Maintenant, le sort de l'Égypte repose entre les mains de l'armée. Même si cette dernière jouit d'un soutien populaire considérable, elle devra rapidement matérialiser ses promesses d'ouverture et de démocratie pour demeurer dans les bonnes grâces d'un peuple maintenant pleinement conscient de son pouvoir, estiment des spécialistes.

Alon Ben-Meir, professeur de relations internationales et d'études du Moyen-Orient à l'Université de New York, fait remarquer que l'arrivée de l'armée au pouvoir ne constitue pas une rupture avec l'ancien régime, alors qu'elle était depuis toujours la véritable force derrière Moubarak.

Néanmoins, elle se retrouve dans une position confortable. Puisque l'Égypte a un service militaire obligatoire, l'armée est perçue par beaucoup comme étant celle du frère, du meilleur ami, du voisin.

De plus, l'armée a renforcé son capital de sympathie durant les derniers jours en n'intervenant pas pour interdire les manifestations. À travers la crise, elle est demeurée en contact régulier avec les protestataires, leur exprimant qu'elle était là pour les protéger, eux et leurs droits.

«La décision la plus importante de l'armée a été de ne pas utiliser la force contre les manifestants […] de leur promettre que leurs droits devraient être rétablis», explique M. Ben-Meir. «En soi, c’était très important.»

Selon M. Ben-Meir, l'armée avait deux options durant la crise. Elle aurait pu décider de soutenir Moubarak coûte que coûte, et dans un tel cas être obligée d'utiliser la force contre les manifestants. Elle a plutôt décidé d'essayer de persuader son commandant en chef, le président Moubarak, de faire des concessions.

Moubarak a annoncé plusieurs de ces concessions le 10 février, dont la délégation du pouvoir au vice-président Omar Suleiman, la décision de réviser des articles de la constitution concernant la présidence et, bien sûr, le renouvellement de sa promesse de ne pas se présenter aux élections de septembre.

Malgré des concessions «sans précédent», selon M. Ben-Meir, elles étaient loin de rencontrer l'exigence fondamentale des manifestants, soit le départ immédiat de Moubarak.

Maintenant que Moubarak est parti, l'humeur du pays sera liée de près à la manière dont l’armée gèrera la transition, à la vitesse avec laquelle elle annulera la loi des mesures d'urgence, et selon qu’elle réponde ou non aux attentes des Égyptiens.

Préparer des élections libres

Des élections sont actuellement prévues pour septembre, soit une courte période de sept mois pour qu'un pays prépare son premier vote libre et transparent. Selon M. Ben-Meir, il serait sage pour le gouvernement de transition de repousser la date à deux ou trois mois pour permettre aux formations politiques de l'opposition de mieux se préparer.

«Il y a une opposition, mais elle est très faible car Moubarak n'avait pas permis qu'elle s'organise. Maintenant elle aura l'occasion de le faire, sous le regard vigilant de l'armée», affirme-t-il.

Les Frères musulmans représentent actuellement le plus fort mouvement d'opposition, auquel l'armée est traditionnellement opposée. Cependant, si des élections libres ont lieu, il y a de fortes chances que l'organisation islamiste récolte des gains importants.

Même si l'organisation est officiellement interdite en Égypte, des membres des Frères musulmans se présentant comme candidats indépendants ont raflé près de 20 % des sièges du Parlement en 2005. Lors du vote de décembre dernier, ils n'ont remporté aucun siège dans une élection considérée truquée par le régime Moubarak.

Le degré d'influence que pourraient obtenir les Frères musulmans est une source d'inquiétude, explique Ken Gude, un gestionnaire du Center for American Progress à Washington.

«Les Frères musulmans sont loin d'être libéraux, mais ils participent pacifiquement au processus politique en Égypte depuis les 30 dernières années et ils représentent un grand nombre d'Égyptiens. Ils vont certainement jouer un rôle dans le prochain gouvernement en Égypte», estime M. Gude.

Depuis le début du soulèvement le 25 janvier, les Frères musulmans n'ont pas fait beaucoup de bruit. Bien qu'ils aient participé aux manifestations, ils n'ont pas occupé un rôle important et ils n'ont pas mis de l'avant un candidat présidentiel. Selon M. Gude, il s'agissait d'une «manœuvre sophistiquée» de leur part, puisqu'elle a empêché Moubarak de jouer la carte de la «peur d'une prise de contrôle des Frères musulmans» afin de justifier son maintien au pouvoir.

 

Ken Gude affirme qu'il sera intéressant de voir si les Frères musulmans pourront manœuvrer de la sorte jusqu'à la tenue des élections.

Cette confrérie est une grande organisation composée de nombreuses factions. Dans un nouvel environnement politique ouvert, il est probable que l'organisation soit affligée de «tensions internes».

Rashid Khalidi, professeur d'études arabes modernes à l'Université Colombia, croit que les craintes au sujet des Frères musulmans sont exagérées. Il dit ne pas avoir constaté un seul slogan musulman durant les manifestations.

«On s’est peut-être fait passer un sapin», mentionne M. Khalidi.

Ken Gude est en général optimiste concernant les développements. Il dit que l'armée a clairement indiqué que ce qui se passe est une «refonte complète du système politique plutôt qu'un changement superficiel».

«La beauté de cette situation est que tout repose maintenant sur le peuple égyptien. Il devra choisir quel forme prendra son prochain gouvernement […] et maintenant nous devons respecter cela», a-t-il dit.

Gary Du a contribué à cet article.

Version originale : Egypt's Military Must Show Quick Progress to Retain Support

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