Histoires de tissus, histoire d’un peuple

Écrit par Maya Mizrahi, La Grande Epoque
20.02.2011

  • Femmes Hmong. (Crédit : Brian Snelson)(攝影: / 大紀元)

Quand on se promène parmi les étalages du marché de nuit de Luang Prabang, la ville sacrée du Laos, c’est comme si on avançait dans une aquarelle très colorée, on y voit une large quantité de tissus et d’accessoires multicolores. Ceux qui, en particulier, attirent l’œil sont les tissus uniques faits main des Hmong.

L’origine exacte des Hmong n’est pas certaine. La première trace de leur existence remonte à 2700 av. J.-C., et décrit leur vie en Chine. A travers leurs légendes et leurs histoires, on pense qu’ils sont probablement originaires de la Mésopotamie. De là, ils ont migré progressivement en Chine continentale, à travers la Russie et la Mongolie. Plus tard ils ont dû continuer vers les régions montagneuses du sud de la Chine, au Vietnam, au Laos et en Thaïlande. Les Chinois les appellent «Miao», un nom qu’ils donnaient aux peuples immigrés et minoritaires. Les Hmong se sont nommés «les montagnards». Au XIXe siècle ils s’installent dans la région montagneuse du Laos où ils travaillent dans l’agriculture, d’abord pour les Chinois et ensuite pour les Français.

Un peuple doué pour les arts

Malgré leurs nombreuses migrations et les influences des différents pays qui les gouvernaient, les Hmong ont toujours préservé leurs coutumes, leur culture et leur art. Ils ont répété les mêmes chansons et cérémonies pendant des siècles mais ont été particulièrement reconnus pour leur habilité artistique. Les brodeuses Hmong brodaient sur chaque accessoire et habit des symboles traditionnels porteurs de significations cosmologique et religieuse.

Les femmes Hmong maîtrisent plusieurs techniques de travail. L’une d’elles consiste à superposer des morceaux de tissus. Elles utilisent des modèles géométriques et s’inspirent des éléments de la nature comme des animaux (escargots, éléphants, etc.), des éléments mythologiques (écailles de dragon, labyrinthe, étoile, etc.) et des objets de tous les jours (canne à pêche, roue, etc.). Encore aujourd’hui les chercheurs ne sont pas certains de la signification de ces motifs.

 

Une autre technique est le batik. Les femmes tissent un tissu avec des fils provenant de plantes. Elles utilisent ensuite du wax pour dessiner les figures qu’elles veulent. Puis elles colorent le tissu avec de la teinture préparée à partir de la plante Indigo. Le processus se termine lorsqu’elles enlèvent la wax: les motifs révélés sont blancs sur un fond à la couleur choisie. La technique est transmise en général à la femme, après son mariage, par sa belle mère.

Point culminant, le dessin figuratif

La vie des Hmong change au Laos sous l’occupation française. Elle suscite au début beaucoup de révoltes du côté des Hmong. Mais petit à petit, naît une coopération et les Hmong se voient confier des responsabilités dans l’armée française et accèdent à un certain statut social. C’est à cette époque que leur langue orale devient écrite. En 1954, l’occupation française se termine en Indochine et une guerre civile éclate au Laos entre les royalistes et les communistes. En 1961, les Américains combattant au Vietnam, demandent aux Hmong de se ranger à leurs côtés contre les communistes de la région. La guerre terminée, les Américains quittent la région et les communistes prennent le pouvoir au Laos. Des milliers d’hommes Hmong restent réfugiés dans leur propre maison. Quelques uns essaient de retourner dans leur village, d’autres fuient vers la Thaïlande. Au Laos, ils sont, encore aujourd’hui, persécutés et subissent la discrimination. Ceux qui sont arrivés en Thaïlande ont été enfermés en camps de réfugiés.

  • Les tissus uniques faits main des Hmong(攝影: / 大紀元)

C’est dans ces centres de réfugiés que commence à apparaître un style figuratif nouveau et original. Les femmes Hmong commencent à illustrer à travers des travaux de broderie colorés, leurs vies en tant que réfugiées. Chaque création est un témoignage personnel et elles signent par leurs noms. Ainsi l’histoire collective et culturelle des Hmong est transmise par une histoire personnelle. A la fin des années 1970, les dessins sont brodés avec une certaine spontanéité, à partir du besoin d’immortaliser la vie de tous les jours dans les camps, mais aussi les expériences difficiles ou agréables qu’elles vivent. Dans les années 1980, les motifs deviennent plus élaborés et sont dessinés sur les tissus avant d’être brodés. Plus tard, un lien cohérent se crée entre les différentes scènes illustrées.

Le style figuratif se développe d’un côté en vue de préserver l’identité et la culture Hmong et de l’autre pour raconter au monde le destin des Hmong du Laos.

Mais un moteur créatif important apparaît ces dernières années: le tourisme. Les créations des Hmong sont leur principale source de revenus et le statut des femmes Hmong change grâce à leur art.  

Aujourd’hui, une grande population de Hmong a immigré aux Etats-Unis et en France, mais beaucoup vivent encore sous la discrimination et l’exclusion en région laotienne.

Selon Kao Ly Yang, Hmong et docteur en anthropologie, «quelque soit le pays où nous vivons, qu’il soit à l’Est, au Sud-est ou à l’Ouest, quelque soit le nom que nous portons, qu’il soit «Miao», «Hmong», «Mong» (Moob), ou «Méo», nous devons nous souvenir et chérir notre héritage culturel commun, fait des sub-cultures, de divers dialectes, et des fragments de notre histoire que nous avons gardés en mémoire».

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