Surmonter les obstacles pour un soulèvement en Chine

Écrit par Sophia Fang, La Grande Époque
01.03.2011
  • Des policiers montent la garde à Pékin après un rassemblement de manifestants dans le secteur le 20 février 2011. (Staff: PETER PARKS / 2011 AFP)

Des militants pro-démocratie chinois évaluent la situation à la lumière des évènements dans le monde arabe

Des militants chinois pro-démocratie expatriés à San Francisco sont stimulés par les récents soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et ils se demandent si la Chine est prête pour sa propre révolution.

Ils se sont réunis à la mi-février lors d'un «Salon sur les affaires nationales» et ont étudié la situation. Parmi les participants se trouvaient des dirigeants étudiants et des survivants du massacre de la place Tiananmen du 4 juin 1989. Ils étaient au cœur des manifestations lorsque le régime chinois a fait appel à l'armée pour tirer sur eux. Plusieurs ont croupi en prison et ont, par la suite, quitté la Chine ou ont été expulsés.

Depuis, ils attendent une autre chance, espérant qu'un jour, le peuple chinois obtiendra ses droits et la démocratie.

Ce moment pourrait être maintenant, estiment-ils, ou – du moins – plus proche que depuis 1989. Selon eux, les soulèvements réussis en Tunisie et en Égypte, de même que les nombreuses manifestations à travers la région, suggèrent qu'une autre porte s'est ouverte pour que la démocratie s'étende à d'autres pays, y compris la Chine.

Des étincelles partout

Les participants au forum s'accordent pour dire que le régime chinois est extrêmement craintif qu'une «révolution du jasmin» se produise aussi en Chine et qu'il y a partout des étincelles qui pourraient mettre le feu aux poudres. Alors, pourquoi la Chine est-elle encore relativement tranquille?

Le consensus parmi les militants d'outre-mer est que le mouvement démocratique chinois manque de direction et d'organisation.

«Tous les problèmes [sociaux] en Chine n'ont pas causé d'explosion. Les étincelles sont partout, mais elles sont soit détournées ou désintégrées», a commenté Fang Zheng, qui a perdu ses deux jambes lorsqu'un char de l'Armée populaire de libération l'a écrasé en 1989.

«Durant les 22 années après le massacre de la place Tiananmen, le mouvement démocratique chinois s'est attardé sur [une plateforme] de réformes et de protection des droits et n'a pas appelé directement à une révolution comme l'ont fait les Égyptiens», a expliqué à NTDTV Feng Congde, ex-dirigeant étudiant de la place Tiananmen.

«Ce manque de direction n'aboutira jamais quelque part», a-t-il ajouté.

Feng a donné l'exemple de l'incident Qian Yunhui, le chef de village qui aurait été assassiné par des dirigeants locaux pour avoir lutté contre la saisie des terres des villageois, pour illustrer ses propos.

«Si les gens, au lieu de manifester pour le respect de leurs droits, avaient demandé un changement de gouvernement, le cas de Qian Yunhui aurait pu être l'étincelle qui aurait provoqué l'explosion.»

Lan Shu, un commentateur sur la Chine, a souligné que la révolution égyptienne était un mouvement sans dirigeant, mais avec un objectif clair de chasser le président.

Lan explique que le mouvement démocratique chinois a longtemps été troublé par l'idée préconçue que les conditions pour la démocratie ne sont pas encore mûres en Chine et que la Chine sombrerait dans le chaos en l'absence du Parti communiste chinois (PCC).

«Si les Égyptiens s'étaient demandé : “Qu'adviendra-t-il du pays si le gouvernement de Moubarak s'effondre? Personne ne s'occupera de nous; le pays va-t-il sombrer dans le chaos?”, alors Moubarak serait encore au pouvoir», a suggéré Lan Shu.

Ce dernier a rappelé aux Chinois d'exiger leurs droits établis par la constitution, tels que la liberté d'expression, d'assemblée, de presse et de religion.

«Est-ce que vous méritez tous ces droits? Si oui, alors exigez-les, peu importe le résultat.»

Le fusil

Le contrôle de l'armée par le PCC a également fait l'objet de discussions.

Le fait que les armées tunisiennes et égyptiennes n'aient pas ouvert le feu sur les manifestants a frappé l'imaginaire des Chinois qui se demandent comment l'Armée populaire de libération réagirait dans de telles circonstances aujourd'hui.

Wu Renhua, un autre participant du forum et un témoin du massacre de la place Tiananmen, a souligné la différence de mentalité entre les officiers égyptiens et chinois. Wu fait remarquer que de nombreux officiers égyptiens ont été formés à l'académie américaine de West Point, leur vécu et leur vision du monde sont donc entièrement différents.

Les officiers chinois sont éduqués dans les universités militaires chinoises. Un élément clé de cette éducation est l'endoctrinement dans les théories du PCC et dans la loyauté absolue aux diktats du Parti.

Wu Renhua a également soulevé le problème de l'organisation des gens pour descendre dans la rue. C'est un problème majeur considérant le contrôle des médias et d'Internet en Chine.

Médias sociaux

La Chine est le plus grand marché Internet avec plus de 400 millions d'utilisateurs. Toutefois, le contrôle d'Internet par le régime chinois est aussi le plus sophistiqué au monde, séparant les internautes chinois du reste du monde et supprimant les commentaires et le contenu jugés critiques du régime.

Facebook est bloqué en Chine, des sites similaires qui se plient entièrement au contrôle des autorités ont été mis sur pied. Renren.com et Kaixin Network sont parmi les plus populaires et regrouperaient plus de 260 millions d'utilisateurs, selon Voice of America.

La participation étroite de ces sites avec le régime les rend pratiquement inutiles pour faire circuler librement des informations et faire la promotion d'un changement politique. Un directeur du marketing pour Renren.com a récemment révélé, lors d'un forum sur les médias sociaux à Hong Kong, que la compagnie possède un département de censure qui emploie 500 personnes.

Version originale : Overcoming the Obstacles to China’s Color Revolution