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La vague de soulèvements frappe finalement la Syrie

Écrit par Anna Skibinsky et Cindy Drukier, La Grande Époque
20.03.2011
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  • Un garçon, le visage peint aux couleurs du drapeau syrien, s'époumone durant une manifestation contre le régime syrien le 19 mars 2011 à Londres. (Stringer: BEN STANSALL / 2011 AFP)

Le régime syrien, considéré par certains comme le plus autoritaire du monde arabe, a finalement été atteint par la vague contestataire qui bouillonne dans la région. Il y a de cela un mois, des analystes jugeaient peu probable qu'un mouvement de contestation potable émerge en Syrie, en raison de facteurs comme un faible taux de connexion à Internet et un système extrêmement répressif.

«Je doute que ces appels [au soulèvement] mèneront à quoi que ce soit», avait déclaré à The Media Line au début février le professeur Eyal Zisser, spécialiste de la Syrie à l'Université de Tel Aviv. Il commentait alors les appels à la révolution syrienne dans les réseaux sociaux. «Ce sera tout un exploit pour eux si des milliers [de gens] participent. La Syrie est une société beaucoup plus fermée, avec une oppression beaucoup plus forte.»

Jusqu'à dernièrement, cette hypothèse tenait assez bien la route alors que les tentatives de manifestations étaient tuées dans l'œuf.

Cependant, la semaine dernière, la situation a atteint le point d'ébullition. Entre trois et six personnes ont été tuées, selon différents témoignages, alors que le gouvernement a réprimé des manifestations dans plusieurs villes du pays. Des dizaines de milliers de personnes auraient participé aux manifestations après la prière du vendredi à Damas, Daraa, Deir ez-Zor, Hama, Homs, Baniyas et Al-Hassakah.

La plupart des informations à propos de ces évènements ont été recueillies par des téléphones cellulaires et publiées sur Youtube et Facebook. Des réseaux de dissidents locaux et exilés rapportent également sur la situation. L'accès à la Syrie et ces types de sources rendent difficile la confirmation des faits sur le terrain.

Des vidéos font état de manifestations à Damas, Daraa et Homs. À Damas, la mosquée Umayyad – aussi appelée la «Grande mosquée de Damas» – est devenue le théâtre d'une confrontation lorsque les forces de sécurité sont intervenues pour réprimer une manifestation spontanée.

La plus grande manifestation, accompagnée de la réponse la plus musclée du régime, est survenue à Daraa, une ville du sud-ouest près de la frontière avec le Liban. Environ 15 000 personnes auraient manifesté en chantant «Rebelle, rebelle» et «Makhlouf, escroc» et auraient affronté les forces de l'ordre. Rami Makhlouf est un magnant des affaires ayant la réputation d'être extrêmement corrompu, mais comme il est le cousin du président Bashar Al-Assad, il est intouchable.

Le dissident syrien Ammar Abdulhamid, basé à Washington, affirme que les dissidents sont surpris que la première étincelle soit survenue à Daraa. «Personne ne sait pourquoi ça a débuté là», dit-il.

Sur le plan économique, la ville est durement touchée, explique-t-il, et les gens en veulent au gouverneur qu'ils accusent de corruption. M. Abdulhamid explique que peu après le début des troubles, des individus ont été immédiatement arrêtés, dont des fils de chefs de clans, ce qui a provoqué ces derniers. «Lorsqu'un chef de clan dit que tout le monde doit manifester, tout le monde manifeste.»

En contraste à Damas, «plusieurs personnes ne font qu'observer le déroulement des évènements, plutôt que d’y participer», affirme-t-il. Il s'attend à ce que la capitale soit une des dernières places où de grandes manifestations auront lieu.

Le 16 mars, des manifestations organisées sont survenues pour la première fois dans plusieurs villes syriennes, mais elles étaient beaucoup moins importantes. Selon Human Rights Watch (HRW), une manifestation d'environ 150 personnes s'est tenue devant le ministère de l'Intérieur à Damas pour demander la libération de prisonniers politiques. Les forces de sécurité auraient alors arrêté au moins 18 personnes, selon HRW.

«Les récents appels à la réforme du président Bashar Al-Assad sonnent creux lorsque ses services de sécurité attaquent et interpellent quiconque ose appeler aux réformes. Plutôt que d'agresser les familles des prisonniers politiques syriens, le président Al-Assad devrait les réunir avec leurs proches», a déclaré HRW dans un communiqué.

Ammar Abdulhamid estime que le changement est pour bientôt et que les autorités syriennes refusent de le reconnaître, tout comme Kadhafi. L'utilisation de la violence par le régime à Daraa et ailleurs indique qu'il croit pouvoir écraser l'opposition. «Je pense que s'ils utilisent la violence durant les premiers jours et qu'ils constatent de leurs propres yeux que les gens vont encore manifester, alors ils vont peut-être considérer d'autres méthodes.» Ces autres méthodes comprendraient l’annonce des réformes et autres concessions. Cela ne fonctionnera pas, selon M. Abdulhamid, puisque les échelons supérieurs de la société ne sont pas prêts à abandonner leur pouvoir absolu.

«Finalement, je crois que nous allons nous diriger vers une confrontation», estime-t-il, ajoutant que «finalement» pourrait signifier une question de jours.

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a commenté sur la situation en Syrie, malgré des crises plus aigües au Japon et en Libye. «L'usage de la force létale contre des manifestants pacifiques et leurs arrestations arbitraires sont inacceptables», a dit son porte-parole. «Le secrétaire général appelle les autorités syriennes à éviter la violence et à respecter leurs engagements internationaux concernant les droits de l'homme qui garantissent la liberté d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et le droit d'assemblée pacifique.»

Version originale : Protests Across Syria Turn Violent, Showdown Could Follow

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