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La culture pachtoune et l'insurrection afghane

Écrit par Joshua Philipp, La Grande Époque
18.04.2011
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  • Des garçons afghans s'amusent sur une carcasse de véhicule blindé soviétique près de Kaboul(Stringer: Majid Saeedi / 2010 Getty Images)

Code d'honneur et rivalités tribales sont au cœur du conflit

Les Pachtounes d'hier régnaient sur l'Afghanistan. Ceux d'aujourd'hui constituent la plus grande partie des talibans et sont également majoritaires au sein du gouvernement afghan. La guerre en Afghanistan, bien que contenant un élément religieux pour les locaux, n'est pas limitée à cette dimension. Pour les Pachtounes, il s'agit d'une guerre ethnique, d'une guerre de revanche; contre les tribus rivales et l'invasion étrangère.

La dynamique tribale complexe en Afghanistan rend la tâche ardue aux forces de la coalition et demeurera une des facettes les plus importantes de la vie afghane lorsque ces forces auront quitté le pays.

Parmi les Pachtounes, un sentiment de suspicion est généralisé : les tribus rivales collaborent avec les forces étrangères afin de les détruire. Selon le journaliste Jere Van Dyk, des Pachtounes de tous niveaux ou classes sociales lui ont exprimé cette croyance.

«Les Pachtounes ont le sentiment d'être assiégés», indique M. Van Dyk en entrevue.

Jere Van Dyk a vécu auprès des moudjahidines dans les années 1980 et il demeure à ce jour en contact avec des hauts responsables afghans. En 2008, il a tenté de se fondre dans la culture pachtoune et d'infiltrer les talibans, mais il s'est fait capturer. Il a raconté son expérience dans son livre Captive, My Time As a Prisoner of the Taliban.

Les Pachtounes représentent l'ethnie principale en Afghanistan, soit environ 42 % de la population.

Outre les forces de la coalition, il y a trois acteurs importants dans le conflit afghan : les Tadjiks du nord de l'Afghanistan, les Pundjabis au Pakistan et les Pachtounes, dont la région tribale se trouve en grande partie dans le sud et s'étend ensuite une centaine de kilomètres au Pakistan.

Alors que la quasi-majorité des insurgés talibans sont de l'ethnie pachtoune, les officiers de l'armée afghane sont principalement de l'ethnie tadjik, tandis que près de 80 % de l'armée pakistanaise est pundjabi.

«De bien des façons il s'agit d'une guerre ethnique entre les Pundjabis, qui contrôlent la bureaucratie et l'armée au Pakistan, et les Pachtounes des régions tribales», estime M. Van Dyk.

«Si vous parlez à n'importe quel Pachtoune le long de la ceinture tribale des deux côtés de la frontière, il vous dira que le Pakistan tente d'instiguer le chaos, ou au moins l'impression du chaos, afin de soutirer des fonds aux États-Unis», poursuit M. Van Dyk.

Les Tadjiks s'étaient alignés avec l'Alliance du Nord ? une coalition souple de groupes principalement non pachtounes ? et les États-Unis, afin de mettre en déroute les talibans au début du conflit, explique M. Van Dyk.

Les États-Unis commettent également une erreur en donnant à leurs opérations dans le sud afghan des noms en langue tadjik, soit le dialecte perse dari.

«C'est comme dire à tous les Pachtounes que les États-Unis se sont alliés avec les Tadjiks», ajoute M. Van Dyk.

Le cercle de la vengeance

Dans la culture pachtoune, la revanche n'est pas simplement motivée par les émotions. La revanche, ou badal, est plutôt une responsabilité prescrite par le code d'honneur, pachtounewali. Ce concept est une des forces principales alimentant l'insurrection afghane.

«L'insurrection, qui implique presque exclusivement des membres de l'ethnie pachtoune, est plus vigoureuse dans les régions pachtounes du sud et du sud-est du pays», indique un rapport de l'International Institute for Strategic Studies (IISS).

«De nombreux “fantassins” talibans sont de jeunes hommes qui combattent à temps partiel. Ils sont peut-être davantage motivés par le désir de venger des amis et des proches tués dans les combats que par l'idéologie», indique le rapport de l'IISS.

Jere Van Dyk affirme avoir pu constater cela de ses propres yeux. «Selon mes expériences, on m'a dit et j'ai vu que plusieurs jeunes hommes avaient rejoint les talibans pas pour l'argent, mais parce que quelque chose était arrivé à leur famille, et que c'était une question de badal : “J'ai une obligation en raison de ce que vous m'avez fait.”»

Afin de contrer l'insurrection en Afghanistan, les forces de la coalition ont adopté un programme visant à conquérir les «cœurs et les esprits». Cette stratégie vise à instaurer la sécurité en chassant les insurgés d'un endroit, conserver le terrain, développer l'infrastructure et établir la gouvernance.

Cependant, la gouvernance à l'occidental cadre mal avec la loi pachtoune. D'un point de vue occidental, les régions pachtounes sont anarchiques, mais cela ne tient pas compte du code d'honneur enraciné dans une culture vieille de milliers d'années.

Dans une culture où l'honneur d'un homme détermine sa place dans la société, respecter le code d'honneur est d'une importance primordiale. Ainsi, le besoin d'appliquer le badal a entraîné les Pachtounes dans des cycles de conflits récurrents à travers l'histoire. Les Pachtounes sont divisés en plusieurs tribus et clans, et le gouvernement adopte la forme des jirgas, les conseils tribaux qui requièrent le consensus afin de prendre une décision.

Toutefois, l'absence de consensus dans les jirgas peut entraîner une guerre tribale pratiquement perpétuelle en raison du badal et de l'honneur, selon un rapport du Tribal Analysis Center.

«Afin qu'il y ait un gagnant, il doit y avoir des perdants, et ces individus et leurs loyaux sujets vont normalement prendre les armes afin de restaurer leur honneur», indique le rapport.

Puisque de nombreux combattants talibans ont pris les armes au nom du badal, le retrait prévu des troupes américaines en 2014 pourrait atténuer l'insurrection, selon Jere Van Dyk. Cependant, ce que les forces de la coalition laissent derrière, soit un gouvernement pseudo-démocratique centralisé et corrompu, devrait demeurer une cible des insurgés.

Sous le régime islamique des talibans majoritairement pachtounes, il n'y avait pas de séparation entre la religion et le gouvernement, ce qui peut indiquer comment les pachtounes perçoivent l'importation de la démocratie. «Les talibans qualifient la démocratie de religion occidentale», souligne M. Van Dyk.

Le droit de gouverner

Les Pachtounes sont d'avis qu'il leur revient de gouverner le pays. Ils «se voient comme l'Afghanistan», ajoute M. Van Dyk.

Leur concept de «droit de gouverner» découle de leur majorité en Afghanistan et d'avoir gouverné le pays depuis sa fondation, sauf à quelques exceptions, selon un récent rapport du Congressional Research Service (CRS).

Cette dynamique se reflète dans l'actuel gouvernement afghan, dirigé par le président Hamid Karzaï. «Karzaï est un pachtoune durrani, et son Cabinet et son proche entourage sont de plus en plus dominés par des Pachtounes», indique le rapport.

Toutefois, même les groupes pachtounes rivaux luttent pour le pouvoir, chacun d'eux voulant diriger le pays, explique M. Van Dyk.

Selon lui, un retrait du pays, en ce moment, des troupes de la coalition plongerait le pays dans une guerre civile.

Version originale : Pashtun Culture is Key to Afghan Insurgency

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