Un moteur franco-allemand à deux vitesses

Écrit par Charles Callewaert, La Grande Époque
23.04.2011

  • L’industrie automobile est l’un des secteurs allemands où les dépenses de recherches et développement sont significatives. (攝影: / 大紀元)

La foire 2011 de Hanovre en Allemagne, qui s’est déroulée du 4 au 8 avril, est la plus importante foire industrielle au monde. La France y étant invitée d’honneur, c’est l’occasion de faire un point sur les deux poids lourds économiques de l’Europe.

Selon les statistiques du Fonds monétaire international pour l’année 2010, avec un produit intérieur brut (PIB) cumulé de 5.860 milliards de dollars (4.482 milliards d’euros), le couple franco-allemand se place en effet loin derrière les États-Unis (14.624 milliards de dollars), mais devant la Chine (5.745 milliards de dollars) et le Japon (5.390 milliards de dollars). Cette position flatteuse cache cependant de fortes disparités entre l’Allemagne et la France, notamment en défaveur de la France.

À première vue, les deux pays possèdent chacun des champions industriels incontestés de taille comparable et avec des parts de marché à l’exportation similaires, que ce soit dans l’automobile (BMW, Daimler, Volkswagen, Peugeot-Citroën, Renault), la pharmacie (Sanofi, Bayer), les pneumatiques (Michelin, Continental), le domaine ferroviaire (SNCF, Deutsch Bahn), les centrales thermiques (Alstom, Siemens), l’électricité (EDF, GDF-Suez, E.ON), etc. De même, les PIB par habitant des deux pays sont proches, 35.930 dollars et 34.092 dollars par habitant respectivement en Allemagne et en France. En ce qui concerne le coût horaire du travail dans le secteur de l’industrie manufacturière, d’après les données d’Eurostat, il ressort à 33,37 euros en Allemagne et à 33,16 euros France. Mais ces similitudes s’arrêtent là.

En effet, en sortie de la crise de 2008-2010, l’Allemagne s’affiche en position dominante. Avec 1.128 milliards de dollars exportés en 2010, soit 34% de son PIB, l’Allemagne se place juste derrière la Chine (1.202 milliards dollars) et devant les États-Unis (1.057 milliards dollars), alors que la France se situe très loin derrière à 466 milliards dollars. Les Allemands inondent l’Europe de leurs produits, avec 33% de parts de marché à l’export, une part en hausse de près de 3% depuis 10 ans, à l’opposé de la France avec 13,5% du marché et en baisse de plus de 3% sur la même période. Inévitablement, son taux de chômage s’est réduit à 6,3%, en baisse continue depuis cinq ans, alors qu’il culmine à 9,6% en France, d’après Eurostat, et la croissance allemande pour 2010 a atteint 3,6% contre 1,6% à peine en France.    

Trois indicateurs permettent de mieux cerner les raisons de ce succès allemand.

En premier lieu, l’innovation: les dépenses de recherche et développement suivent des courbes inverses dans les deux pays depuis plus de quinze ans. À ce jour, l’Allemagne consacre 1,8% de son PIB à l’innovation, alors que la France peine à maintenir 1,2% de son PIB dans la recherche.

Vient ensuite le tissu industriel: les deux pays comptent à peu près le même nombre de champions multinationaux (39 groupes français contre 37 allemands dans le classement Fortune Global 500 de 2009), mais avec 20.646 entreprises de 250 à 1.000 salariés contre 8.969 en France, on constate que la puissance allemande est surtout liée à la densité de ses PME (le Mittelstand), qui sont de surcroît très présentes à l’export.

Vient enfin le coût du travail: s’il est actuellement très proche entre les deux pays, il était il y a dix ans près de 20% plus élevé en Allemagne qu’en France. Autrement dit, le pacte social allemand, consistant à limiter les hausses de salaires par la négociation en contrepartie du maintien de l’emploi, en l’associant à une politique budgétaire plus rigoureuse et une politique fiscale en faveur des PME, a permis d’accroître sa compétitivité. Ajoutez à cela que la grande majorité des jeunes allemands sont bilingues et parlent l’anglais, l’on comprend plus facilement pourquoi ils sont commercialement plus efficaces que les français à l’export.

Depuis maintenant plus de cinquante ans, les économies allemande et française sont indéfectiblement liées et constituent le moteur de l’Europe. L’Allemagne est, faut-il le rappeler, le premier client et le premier fournisseur des entreprises françaises, or la France n’est plus que le troisième fournisseur de l’Allemagne, derrière la Chine et les Pays-Bas. Le moteur européen ne peut fonctionner durablement que si les échanges entre les deux pays se rééquilibrent. Pour atteindre ce but, il est impératif d’harmoniser les politiques économiques, fiscales, et sociales des deux pays, avec pour objectif de les faire converger vers une politique unique, plus proche du modèle allemand. Dans l’interview qu’il a accordé au mensuel L’Usine Nouvelle, le Premier ministre François Fillon admet la nécessité d’une harmonisation des deux politiques, mais reste encore trop timide sur son ampleur.