Un accrochage de plus dans les relations entre la Thaïlande et le Cambodge

Écrit par Affaires-stratégiques.info
25.04.2011
  • le temple de Preah Vihear, objet de litige entre Phnom Penh et Bangkok(Staff: Paula Bronstein / 2011 Getty Images)

En dépit d’un fragile cessez-le-feu négocié en février, les affrontements ont repris à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, faisant trois morts côté thaïlandais et trois morts côté cambodgien, ainsi que de nombreux blessés. Les deux pays, comme toujours, se sont rejetées la responsabilité de la fusillade qui a éclaté près des temples de Ta Krabei et Ta Muean Thom, à 150 km du temple de Preah Vihear. Les tensions sont retombées, mais chaque camp tient ses positions.

Les derniers affrontements ayant eu lieu sur cette frontière et ayant fait 11 morts remontent à février dernier. Le temple khmer du XIe siècle, appelé «Preah Vihear» par les Cambodgiens et «Khao Phra Viharn» par les Thaïlandais, site archéologique majeur situé en territoire cambodgien est une source de conflit entre les deux pays depuis plusieurs siècles. L’enjeu pour les deux États est non seulement frontalier, mais aussi économique compte tenu des retombées touristiques attendues de l’inscription du temple au patrimoine mondial.

Appartenant officiellement au Cambodge, ce lieu a néanmoins été occupé par les forces thaïlandaises peu de temps après l’indépendance du Cambodge. L’affaire a été ensuite portée devant le Tribunal international de La Haye qui a définitivement attribué le temple au peuple Khmer en 1962. Cependant, la Thaïlande n’a jamais véritablement admis la décision de la Cour.

La reconnaissance du site par l’UNESCO, en 2008, a ravivé ce litige. Le temple de Preah Vihear, est difficilement accessible du côté cambodgien alors qu’il peut être facilement rejoint côté thaïlandais. La Thaïlande a par conséquent décidé de remettre en question, en 2008, la validité technique du tracé frontalier, demandant le retour de sa propriété sur les quelque 4,6 kilomètres carrés autour du temple. En effet, la Thaïlande a fortement critiqué la carte envoyée par le Cambodge à l’UNESCO en affirmant que la démarcation empiétait sur son territoire et portait atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale. Depuis le 15 juillet 2008, les troupes thaïlandaises sont donc déployées autour du temple et les incidents entre les deux partis se produisent régulièrement. Ces affrontements entre les deux armées ont montré qu’il ne fallait pas donner trop de poids aux discours de bonnes intentions entre les deux gouvernements.

La nomination de l’ancien premier ministre thaïlandais en exil, Thaksin Shinawatra au poste de conseiller économique du gouvernement cambodgien en novembre 2009 a durablement réduit les perspectives d’un dialogue constructif entre les deux pays, qui se trouve aujourd’hui bloqué. Les ennemis s’accusent régulièrement d’augmenter leur force de frappe et d’élaguer des stratégies belliqueuses à la frontière. Selon les analystes, ces disputes frontalières sont utilisées des deux côtés pour exalter les sentiments nationalistes de la population.

Appelée en renfort, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ANASE) se contente de demander aux deux parties de trouver une issue rapide et pacifique et de privilégier une issue «régionale», ce qui signifie sans intervention de l’ONU, mais au fond l’ANASE éprouve des difficultés à définir les bases d’un consensus.

Lors des combats qui se sont déroulés au mois de février dernier, l’ONU avait appelé à un cessez-le-feu permanent. Les deux voisins avaient ensuite donné leur accord pour l’envoi d’observateurs sur les lieux au terme d’une médiation organisée par l’ANASE. Depuis, l’armée thaïlandaise a cependant annoncé que ces observateurs n’étaient pas les bienvenus et ces derniers n’ont jamais été déployés. Le Cambodge réclame, depuis février, une médiation mais Bangkok exige, pour sa part, des discussions uniquement bilatérales.

En réaction aux nouveaux accrochages, le Cambodge a adressé une lettre à l’ANASE ainsi qu’à l’ONU pour dénoncer «l’agression caractérisée et à grande échelle» des forces thaïlandaises contre son voisin. Le ministre des Affaires étrangères thaïlandais a répliqué en disant qu’il y avait déjà un mécanisme de règlement qui a été mis en place et qu’il n’est pas nécessaire «d’aller pleurer auprès de l’ANASE ou auprès de la communauté internationale».

Sources : Le Monde.fr, Centre d’études transatlantique, Reuters