Gestion planifiée des déchets-réutilisations

Écrit par Henri Durrenbach, La Grande Époque
25.04.2011

  • Marseille, FRANCE: Une femme ouvre des rideaux fabriqués avec du papier recyclé et dessinés par le brésilien Nido Campolongo, les lampes sont du designer français LN boul. Photo prise lors d’une présentation il y a quelques années de plusieurs designers brésiliens utilisant du matériel recyclé pour leurs créations. (攝影: / 大紀元)

L'écueil de l'insurmontabilité des coûts aux journées techniques nationales de l'ADEME 

Planification des déchets

La société de consommation, de plus en plus indissociable de celle du gaspillage à tous points de vue qu'elle engendre, se voit confrontée, que l'on consente à le reconnaître ou non, à l'impossibilité pratique de gérer et contenir les flux perpétuellement amplifiés de ses déchets de toutes sortes et catégories.

Tenter de s'y appliquer entraîne des coûts de plus en plus élevés pour des résultats sans possible adéquation avec les contraintes réelles auxquelles on ne sait guère faire face. La cause en est à l'évidence due au fait que le champ d'action envisagé est strictement réduit à l'aval, les intérêts installés en amont, nous l'avons déjà souligné en d'autres occasion, étant trop puissants pour se voir déstabilisés… pour le moment.

Dans ces conditions, les louables objectifs fixés par des directives venues tant de l'Europe que des autorités compétentes des États membres en restent le plus souvent au stade du vœu pieux, de réalisation lointaine et incertaine.

Pour ce qui est de la France, les autorités compétentes sont le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM), les conseils généraux ou le conseil régional en ce qui concerne l'Île-de-France ainsi que nombre d'autres organismes locaux ou territoriaux en liaison ou partenariat avec l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie, dont les implantations sont réparties sur tout le territoire). Ils sont chargés de faire appliquer et respecter foule de dispositions, dont les récentes lois de Grenelle I et II et d'élaborer les divers plans destinés à y parvenir. Sont ainsi nés les PEDMA (Plan d'Élimination des Déchets Ménagers et Assimilés), PREDD (Plan Régional d’Élimination des Déchets Dangereux), PDPD (Plan Départemental de Prévention des Déchets) et beaucoup d'autres visant toutes catégories de déchets, tous perpétuellement susceptibles de révision. Elle est effectuée tous les six ans avec d'innombrables amendements à la clé. C'est une quête en incessant devenir. Les objectifs continuellement revus doivent également répondre aux Évaluations Environnementales des Plans Déchets (EEPD), l'ADEME participant à leur suivi et aux campagnes de sensibilisation du grand public.

Cette complexité suggère à quel point on s'est laissé limiter aux seuls aspects juridico-bureaucratiques et administratifs de la planification des déchets, laquelle mobilise beaucoup de compétences, d'efforts et de vertu sans que des solutions définitivement satisfaisantes puissent être escomptées à terme.

Le problème qui se pose est alors celui des coûts de tout cet encadrement, néanmoins tout à fait nécessaire dans les temps présents et particulièrement le seul à se préoccuper des situations de crise, spécialement du risque inondation et de sa prévention, qui ont été de grande actualité tant en France que dans beaucoup de régions du monde au début de 2011. Les difficultés rencontrées dans ces circonstances sont extrêmes et l'on ne peut que chercher à réduire les énormes dégâts et perturbations occasionnés par l'eau, et atténuer la vulnérabilité des sites touchés ou menacés. À cet égard, l'anticipation la plus efficace est de mise et justifie les investissements (de l'ordre de 10 à 20 millions d'euros) désormais envisagés. Les organismes suscités de fraîche date pour jouer ce rôle sont pour certains d'entre eux (Centre Européen de Prévention du Risque d'Inondation ou CEPRI, qui prend également en charge la gestion des déchets post-crue) basés à Orléans.

À Paris, dans le 19e arrondissement, nous pouvons également citer l'Association Robin des Bois, très performante dans l'étude et la gestion «à chaud» et surtout a priori des situations de crise. Sa présidente Charlotte Nithart a fait des descriptions criantes de vérité et montré que les déchets post-catastrophe étant de toute nature, sont potentiellement les plus polluants et dangereux selon les sites d'où ils ont été arrachés. Dès 2005, l'association a initié une réflexion de prévention avec la création du GEIDE (Groupe d'Expertise et d'Intervention Déchets) post-catastrophe. Un premier rapport sur les risques sanitaires et environnementaux a été publié en 2007 avec l'aide de l'ADEME.

Retour sur les coûts

Il serait irréaliste de dénier l'intérêt de toutes ces prestations et interventions. Mais nous en revenons à la question de leurs coûts et retombées au niveau des particuliers, aisés ou amoindris par la crise, qui en définitive en supportent toujours entièrement la charge, directement et indirectement. Elle ne cesse de croître avant de devenir à terme à coup sûr insurmontable, ainsi que le titre de notre étude en évoque la perspective: que deviendront alors les systèmes aujourd'hui en place?

Réutilisation des emballages industriels

Encore un domaine permettant une très intéressante illustration de l'insurmontabilité des coûts: celui des réutilisations, en l'occurrence des emballages industriels, qui en fournit une approche très large. C'était le sujet de la Journée technique nationale organisée à Paris 12e, aux Salons de l'Aveyron le 18 novembre 2010, à la suite de celles consacrées à la Planification des Déchets, les deux jours précédents.

Si la politique amont de la grande distribution qui, imposant toujours sa loi, participe grandement à la marée croissante de déchets déferlant sur la planète, qu'on ne sait plus comment endiguer, la quasi-impossibilité de financer les réutilisations dès lors que cela représente un obstacle à l'exigence de rentabilité directe et immédiate, héritée de la crise, est la conséquence même de la mondialisation génératrice de ladite crise précisément, qu'aucun chef d'État ne paraît songer à infléchir. Ce piège, aux implications sans fin, qui pourrait se refermer sur la ruine de tous continue, pour l'heure, à compliquer la vie de beaucoup.

C'est dans ce contexte que se place la problématique des réutilisations, extrêmement complexes en soi, que nous ne pouvons que survoler schématiquement ci-après.

Comme l'a exposé d'entrée Alain Geldron (ADEME), la réutilisation, très ancrée naguère dans les mœurs, est tombée en désuétude du fait de l'incursion des habitudes modernes de consommation, vecteur du jetable. La toute nouvelle survenue des préoccupations environnementales a rendu une certaine faveur à l'emballage réutilisable, mais dans la limite très rapidement atteinte des surcoûts supportables pour le maintien d'un tel choix ; dans l'état actuel de la conjoncture, il y a un équilibre précaire à trouver entre réutilisation ou orientation vers des filières de recyclage ou de valorisation, qui ne sont pas non plus sans frais. Le coût des transports grève par ailleurs de plus en plus toute cette économie, sans que l'on puisse omettre celui des réparations, remplacements, etc. toujours inévitables.

Cependant, malgré la fragilité de cette interactivité, une étude a été conduite par l'ADEME entre 2003 et 2008: ces travaux montrent que, sans réutilisation, «la quantité de déchets d'emballages industriels serait, hors palettes bois, de un à deux millions de tonnes supérieurs et pour les palettes bois, de plus de six millions de tonnes». En fait, le flux des emballages est de 13 millions de tonnes par an. Ces données sont, bien sûr, valables pour la France. Penser à celles qui correspondent aux pays développés ou en voie de développement donne le vertige.

Il reste encore à considérer le cadre juridique, très étroit, définissant les caractéristiques d'un emballage réutilisable avant qu'il ne devienne déchet d'emballage. C'est Evelyne Laurent (ADEME) qui a été chargée de l'exposé correspondant: les exigences touchent tous les secteurs, de l'aptitude à supporter de nombreux trajets et rotations à la sécurité, tant au plan sanitaire qu'à ceux du respect de l'environnement et des normes en vigueur en cas de valorisation.

Les circuits de la réutilisation ne se trouvent pratiquement plus au niveau du grand public, orienté vers les déchetteries, mais interviennent dans les relations inter-industries et industries-distribution. On observe là «entre deux à trois milliards de rotations d'emballages par an».

Les principaux types d'emballages réutilisés sont:

- les palettes bois: le parc est de quelque 300 millions d'unités pour environ 2,5 millions de m3 de bois et les rotations annuelles sont au nombre de bien plus du milliard de mouvements. Malgré les réparations et remplacements, le taux de réutilisation est jugé très élevé.

- les fûts métalliques de 200 litres et plus, très aisément réutilisables à partir d'une certaine épaisseur: quelque 7 millions d'unités

- les fûts de brasserie de 20 à 50 litres destinés aux cafés, hôtels, restaurants (CHR). Le parc est de 2,5 millions de fûts intégralement réutilisés

- les caisses, caisses-palettes et palettes en plastique: 100 millions d'unités, largement réutilisés ou réemployés (fruits, légumes, etc. casiers à bouteilles, etc.). Il existe aussi des caisses carton, les moins longuement aptes à réutilisation.

- les bouteilles de verre pour (toutes) boissons: un milliard de bouteilles pour environ 500.000 tonnes

- les tourets en bois pour transports de fils et câbles

Il existe bien d'autres catégories d'emballages réutilisables pour des activités et services plus restreints et ciblés (portages à domicile, etc.) auxquels nous ne faisons allusion que pour mémoire, car il nous faut beaucoup résumer.

Signalons encore que devant l'immense diversité des emballages, réutilisés ou à usage unique existant sur le marché, une normalisation très élaborée et très stricte va devoir être mise en place désormais afin de répondre à toutes sortes de nécessités (remplissage optimisé des camions afin de réduire les frais des transports, simplification des manipulations, amélioration de l'hygiène, lutte contre les contrefaçons pour les matériels brevetés, etc.) en collaboration avec le club Demeter, Environnement et Logistique, partenaire de l'Ademe, également promoteur du PET, aisément recyclable.

Les trois Journées techniques nationales de l'Ademe de novembre 2010 ont consisté en une mine d'informations très précieuses au plan didactique. Elles comportaient entre elles un lien logique que nous avons cherché à dégager sur le mode synthétique: elles ont représenté un contact ponctuel avec la situation présente de devenir indéfini et instable des sociétés évoluées, mais aussi bientôt du monde entier.