De nombreux efforts restent à fournir pour conduire el-Béchir devant les juges

Écrit par Affaires-stratégiques.info
27.04.2011

  • Le président soudanais, Omar el-Béchir(Stringer: AFP / 2011 AFP)

Dans une interview accordée au journal The Guardian, le président soudanais Omar el-Béchir se livre à une confession plutôt surprenante puisqu’il a reconnu sa responsabilité dans le conflit au Darfour. Omar el-Béchir est devenu, en 2009, le premier président en exercice à être accusé de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide dans le cadre de la guerre civile par la Cour pénale internationale (CPI).

Un premier mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité vise le président Omar el-Béchir depuis mars 2009. Depuis juillet 2010, la Cour pénale internationale a ajouté le génocide à la liste des chefs d’accusation retenus contre le président soudanais. Il s’agissait du premier mandat d’arrêt pour génocide de la CPI depuis son entrée en fonction en 2003. Une première décision de la Cour n’avait pas retenu l’accusation de génocide.

Les juges ont estimé dans leur ordonnance «qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’il avait agi avec l’intention spécifique de détruire, en partie, les ethnies Four, Masalit et Zaghawa», les trois principales ethnies du Darfour. D’après les estimations de l’ONU, les violences au Darfour ont fait plus de 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis 2003. De plus, selon le principal groupe de pression anti-génocide établi à Washington, 3 millions de personnes se sont retrouvées sans rien en raison uniquement de la politique du gouvernement.

Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo a réitéré en décembre dernier les accusations à l’encontre d’Omar el-Béchir et a voulu rappeler que le génocide est toujours d’actualité aujourd’hui, des centaines de civils ont été tués ces six derniers mois, des centaines de milliers ont été déplacés de force et plus de deux millions de personnes déplacés souffrent d’une forme subtile de génocide : le génocide par le viol et la peur, qui sont des armes silencieuses, inarrêtables par les organisations humanitaires.

Mais voilà, le dernier mandat d’arrêt n’a pas accru les chances de voir Omar el-Béchir traduit devant le CPI. D’une part, le gouvernement du Soudan ne coopère pas avec la Cour. «Depuis 2005, les autorités soudanaises ont constamment promis de rendre justice, de créer les mécanismes juridiques tout en protégeant délibérément les responsables des crimes», a affirmé le procureur de la CPI. Il déplore les énormes efforts déployés par el-Béchir et ses militants pour étouffer leurs crimes et détourner l’attention de la communauté internationale en annonçant de nouvelles stratégies et de nouvelles actions en matière de justice.

D’autre part, Luis Moreno-Ocampo est bien conscient des facteurs qui jouent en faveur d’Omar el-Béchir au sein de la communauté internationale. La Chine demeure notamment une alliée stratégique du Soudan. Washington et Moscou n’ont pas adhéré à la CPI, pas plus d’ailleurs que le Soudan. De nombreux pays africains et arabes, quant à eux, dénoncent une accusation «politique» dictée par les États-Unis et continuent de soutenir le régime soudanais.

La notion même de génocide fait débat. Human Rights Watch estime «ne pas disposer d’informations suffisantes pour établir qu’il y avait intention d’éliminer tout ou partie de groupes ethniques», allant ainsi à l’encontre du procureur de la CPI qui s’est dit être en possession de nouvelles preuves qu’il réserve pour le procès. Pour le procureur, les organisations régionales telles que la Ligue arabe et l’Union africaine sont cruciales pour mettre un terme aux crimes. Il croit en une logique de marginalisation qui, espère-t-il, conduira un jour le no1 soudanais devant les juges.

Dans l’interview qu’il a accordée au journal The Guardian, Omar el-Béchir continue de clamer que cette affaire est purement politique et dénonce les méthodes de la Cour pour parvenir à l’inculper. Tout d’abord, il a tenu à rappeler que ce qui se passait au Darfour était à l’origine un conflit qui a pris des racines pendant la colonisation. Il a, par ailleurs, jugé que la CPI n’avait pas un comportement impartial. En effet, il est évident que de nombreux crimes sont commis en Palestine, en Irak et en Afghanistan par exemple, et pourtant personne n’est traduit devant la CPI pour répondre de ses actes, s’est-t-il défendu.

«Ce n’est pas une question de justice, c’est un problème uniquement politique.» Il a, par ailleurs, remis en cause le professionnalisme de Luis Moreno Ocampo, l’accusant de prétexter de faux arguments afin de ternir sa réputation. El-Béchir en a profité également pour condamner l’intervention des Occidentaux en Libye, arguant que leurs motivations étaient douteuses.

Sources : The Guardian, Nations-Unies, Le Figaro.fr