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Des guerres tribales liées à l'eau menacent l'Afrique

Écrit par Kremena Krumova, La Grande Époque
29.04.2011
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Un problème de gestion avant un de rareté

Pour plusieurs tribus et communautés en Afrique, la Journée de la Terre du 22 avril n'était pas un moment spécial pour songer à l'environnement et à la conservation de l'eau; c'était un jour comme tous les autres, un combat pour trouver assez d'eau pour leurs cultures, leur bétail et leurs familles. Ce combat peut se transformer en véritables combats, alors que les tribus qui ont cohabité pacifiquement depuis des générations se confrontent pour avoir accès à l'eau.

  • Un camp de pêche d'une tribu du lac Turkana(攝影: / 大紀元)

Les fermiers et les bouviers avec leur bétail doivent maintenant franchir de plus grandes distances pour trouver la précieuse ressource, enfreignant souvent sur les territoires ancestraux d'autres communautés. Ainsi, des conflits éclatent et certains prennent des vies.

Selon le documentaire When the Water Ends, réalisé par le photographe américain Evan Abramson et publié en ligne en janvier dernier, 8 millions de personnes semi-nomades au sud de l'Éthiopie et au nord du Kenya survivent en suivant les ressources en eau. Depuis des milliers d'années, leurs ancêtres ont parcouru les pâturages qui s'étendent sur 80 % du Kenya et 60 % de l'Éthiopie. Aujourd'hui, s'ils continuent de vivre selon leur mode de vie traditionnel, cela peut leur coûter la vie.

Chaque année, au moins 15 membres de tribu sont tués dans des conflits armés liés à l'eau, indique Makambo Lotorobo, agent de terrain chez Friends of Turkana, une organisation environnementale kenyane.

Selon M. Lotorobo, les escarmouches au Kenya surviennent la plupart du temps entre les tribus Turkana, Samburu, Rendille, Gabra, Dassanatch, Ammarkoke et Toposa. Il se rappelle d'un incident où des guerriers de la communauté Rendille faisaient boire leurs animaux à un puits dans le village de Gas durant une grave sécheresse.

«Le village est habité par la communauté Gabra. Les habitants sont allés confronter les Rendilles et leur ont demandé pourquoi ils utilisaient le puits qui ne leur appartient pas. Une fusillade a éclaté.»

Au bout du compte, l'administration locale a dû intervenir pour mettre en place des pourparlers de paix, facilités par un conseil des anciens de la communauté, afin de désamorcer la situation.

Plus souvent qu'autrement, les gens sont laissés à eux-mêmes pour se procurer la ressource vitale.

«Étant donné que la sécurité est cruciale pour les nomades et que le gouvernement n'est pas en mesure de la garantir, ils sont obligés de se procurer des armes pour l'autodéfense et la protection de leur bétail», mentionne M. Lotorobo.

Le lac Turkana est un point chaud en Afrique en ce qui a trait aux conflits liés à l'eau. Environ 90 % de son eau provient de la rivière Omo, et plus de 500 000 personnes en Éthiopie et 300 000 au Kenya en dépendent pour cultiver, pour faire brouter le bétail ou pour pêcher, selon le documentaire d'Evan Abramson.

Au cours des 40 dernières années, le lac n’a cessé de rétrécir en raison de la montée de la température dans la région. Le niveau de l'eau a tellement baissé que la partie du lac du côté éthiopien est pratiquement disparue. Pour compliquer la situation, le gouvernement éthiopien est en train de construire un barrage en amont de la rivière Omo.

Un groupe appelé «Friends of Turkana» est au cœur des efforts visant à bloquer le projet, bien que ce dernier soit actuellement suspendu en raison du manque de fonds.

«Le barrage aura des conséquences catastrophiques sur l'écosystème fragile du bassin du Turkana», explique M. Lotorobo. «Il va réduire le flot de la rivière Omo dans le lac Turkana, causant une baisse de 10 mètres du niveau de l'eau.»

Les environnementalistes soulignent une autre conséquence grave : si le barrage est construit, la salinité du lac va augmenter, rendant l'eau non potable, ce qui affectera aussi l'industrie locale de la pêche. Des conflits s'ensuivront assurément.

«La communauté locale ne va pas se laisser périr en sachant qu'il y a d'autres territoires où la vie est plus facile, alors son dernier recours sera toujours de lutter pour sa survie», ajoute M. Lotorobo.

Des critiques affirment que les politiques et programmes officiels au Kenya et en Éthiopie exacerbent les conflits liés à l'eau, plutôt que de trouver des solutions.

«Les pasteurs ont été encouragés par les politiques gouvernementales ou les ONG bien intentionnées à élever des races non traditionnelles de vaches […] parce qu'elles produisent plus de viande et de lait. Toutefois, ces animaux ne sont pas bien adaptés à la pénurie d'eau, aux températures élevées ou à certaines maladies africaines. Elles ne sont pas capables de marcher aussi loin pour aller boire de l'eau», précise Danielle Nierenberg de Nourishing the Planet, un projet du Worldwatch Environmental Institute,

Mme Nierenberg affirme que les gardiens de troupeaux sont souvent considérés comme étant arriérés et que beaucoup de pays africains, notamment l'Afrique du Sud où elle habite, essaient d'amener l'agriculture dans l'ère moderne en faisant la promotion de la propriété privée au lieu du mode de vie nomade.

Selon elle, cette attitude à long terme envers les éleveurs, combinée à la rareté grandissante des ressources naturelles, pourrait non seulement mener à des conflits économiques mais aussi à de grandes contestations sociales.

«Si les pays africains ne trouvent pas un moyen de résoudre la crise de l'eau, nous verrons plus de troubles, pas seulement en Afrique subsaharienne mais partout dans le monde.»

La crise de l'eau en Afrique affecte également le mode de vie des communautés indigènes. Danielle Nierenberg affirme que les anciens sont nostalgiques du passé et qu'ils craignent que leurs enfants vont perdre leur lien avec la nature et la terre.

«En perdant leur accès à l'eau et à la terre, ils sont très inquiets de perdre leurs traditions culturelle et religieuse ainsi que leur nourriture. Particulièrement avec la hausse des prix des denrées, ils n'ont pas assez d'argent pour acheter des aliments et ne sont pas en mesure d'en produire assez pour se nourrir.»

Katherine Cross, coordonnatrice régionale pour l'eau et les marais avec l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), indique qu'il peut être difficile de discuter avec les communautés au sujet de leur avenir en raison de la croyance ferme selon laquelle tout repose dans les mains de Dieu.

«Mais si vous leur parlez du changement de l'eau ces dernières années, ça peut marcher. Ils constatent qu'il y a moins de précipitation et plus de sécheresse», dit-elle.

La rareté n'est pas le problème

Selon l'UNESCO, 62,2 % du continent africain est recouvert d'eau. Treize pour cent de la population mondiale habite en Afrique et utilise 11 % des ressources en eau de la planète. L'Afrique est donc dans une position favorable comparée à l'Asie, alors que 60 % de la population mondiale a accès à seulement 36 % des ressources en eau.

«Alors l'Afrique n'a pas vraiment un problème de manque d'eau, si elle est bien gérée», estime Léna Salamé, coordonnatrice des projets dans la Division des sciences de l'eau de l'UNESCO.

Selon Mme Salamé, le vrai problème en Afrique en ce qui concerne l'eau est le manque de capacité et de ressources pour traiter les conflits d'une manière coopérative.

Selon le Plan stratégique 2008-2013, une étude de l'Institut UNESCO-IHE pour l'éducation relative à l'eau, les capacités hydriques techniques, scientifiques et en gestion devront être augmentées jusqu'à 300 % en Afrique pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ceci est comparable à une augmentation en Amérique latine et aux Caraïbes de 50 % et en Asie de 200 %.

«Il faut former les gens, leur donner les outils pour traiter eux-mêmes avec le conflit», affirme Mme Salamé.

Léna Salamé souligne aussi que l'Afrique n'utilise pas son plein potentiel pour développer ses ressources en eau. Elle cite une étude de l'UNESCO qui démontre qu'en Amérique du Nord, la capacité pour entreposer l'eau est de 217 185 pieds cube (66 198 m3) par habitant annuellement. En Éthiopie, elle est de seulement 1519 pieds cube (463 m3). En Afrique du Sud, le pays africain le plus développé, elle est de 26 345 pieds cube (8030 m3).

Tandis que les ressources en eau en Afrique ne sont pas bien gérées au niveau national, ce problème se reflète en aval. Les gens n'ont d'autre choix que de lutter pour l'eau.

Les donateurs internationaux portent une part du blâme, selon Mme Salamé, puisque plusieurs arrivent avec l'argent pour résoudre un problème, puis ils repartent sans rien laisser à la population locale. Les habitants n'ont pas la capacité de poursuivre avec la solution ni de la mettre en application à long terme.

«Il manque une perspective à long terme. Il faut investir dans l'éducation et la formation afin que l'argent des investisseurs puisse apporter du développement à long terme.»

Le besoin d'établir une stratégie commune pour résoudre la crise de l'eau en Afrique semble transcender ce continent.

Lester Brown, président du Earth Policy Institute de Washington, D.C., affirme qu'en général les solutions ne sont pas évidentes puisqu'on en connaît peu sur ce problème. Néanmoins, ce problème est bien réel.

«L'eau deviendra une question beaucoup plus importante dans l'avenir. Ce dont nous avons besoin est un effort mondial pour augmenter la productivité de l'eau. Actuellement, nous ne l'avons toujours pas», prévient M. Brown.

Version originale : Tribal Water Wars Could Be Looming for Africa

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