Vers un nouveau modèle de développement économique: «Faire plus avec moins»

Écrit par Lauren Smith, La Grande Époque
24.05.2011

  • Dans les pays développés, la consommation annuelle des ressources naturelles s’élève à 16 tonnes par habitant. Sur la photo la mine de charbon Welzow près de Drebkau en Allemagne qui devrait être transformée en lacs pour le développement du tourisme. (Staff: Sean Gallup / 2010 Getty Images)

Le rapport du PNUE souligne qu’il est urgent de repenser les liens entre l'utilisation des ressources naturelles et la prospérité économique.

Le nouveau rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le quatrième de la série, a été rendu public mi mai au cours d’une conférence de presse au siège des Nations unies à New York, lors de la XIXe session de la Commission du développement durable. Dans le rapport intitulé Dissocier l’utilisation des ressources naturelles et leur impact sur l’environnement de la croissance économique, les experts du PNUE sonnent l’alarme sur la consommation mondiale exponentielle des ressources naturelles et appellent à un «découplage» de la consommation des ressources du taux de croissance économique. «Le taux de croissance économique en augmentation ne doit pas être proportionnel au taux de consommation des ressources naturelles».

Le «découplage» consiste à «réduire le volume des ressources telles que l’eau ou les combustibles fossiles utilisés pour produire la croissance économique et dissocier le développement économique de la détérioration environnementale», explique Achim Steiner, sous-secrétaire général des Nations unies et directeur exécutif du PNUE, dans la préface du rapport. Selon les estimations, le volume de consommation annuelle des ressources naturelles, telles que minéraux, minerais, combustibles fossiles et biomasse, pourrait tripler d’ici à 2050, pouvant atteindre 140 milliards de tonnes, si rien n’est fait, ce qui amènerait à leur épuisement total.

D'après ce rapport, rédigé par le Panel international des ressources du PNUE, dans un monde peuplé par sept milliards de personnes aujourd’hui et qui devrait voir la population grimper à environ neuf milliards dans 40 ans, pour éviter la pauvreté et générer de l’emploi, un nouveau modèle de développement économique avec une utilisation efficace des ressources s’impose. «L’humanité peut faire plus avec moins des ressources», préconise le PNUE.

Les ressources naturelles sont limitées

Le rapport souligne que «la réduction du taux de consommation de ressources et ses conséquences sont théoriquement possibles si le développement économique du pays n'est pas simplement conçu en termes de croissance matérielle». «L'heure est venue de reconnaître que les ressources naturelles nécessaires au développement et à la croissance économique sont limitées», rappellent les auteurs.

En effet, le développement économique du dernier siècle a été associé à une hausse de la consommation des ressources naturelles. Durant cette période, le rythme de consommation des matériaux de construction a augmenté de 34 fois, celle des minéraux de 27 fois et celle des carburants fossiles de 12 fois. Les gisements de certaines ressources naturelles telles que le pétrole, l’or et le cuivre s’épuisent déjà et on constate des difficultés croissantes dans leur approvisionnement à des prix bon marché. En plus, leur extraction est devenue plus complexe, car de plus en plus inaccessible, et demande plus de moyens en eau douce et en combustibles.

Selon le rapport, dans les décennies à venir le niveau de consommation des ressources naturelles devrait diminuer vers 5-6 tonnes par individu. Dans les pays développés ce niveau s’élève aujourd’hui à 16 tonnes par habitant par an en moyenne, avec des différences significatives entre les pays comme par exemple au Canada où la consommation est de 25 tonnes. À titre de comparaison avec les pays émergents comme l’Inde, cette consommation est de 4 tonnes par individu.

Trois scénarios peu optimistes

Les auteurs du rapport ont dressé trois types de scénarios qui s’offrent à notre humanité sur la question des ressources naturelles. Le premier consiste à maintenir le statu quo dans les pays développés avec convergence des autres pays. Ce schéma conduirait à une consommation annuelle de 140 milliards de tonnes, soit 16 tonnes par habitant pour une population mondiale de 9 milliards de personnes en 2050. D’après le rapport, il s’agit d’un «scénario insoutenable» pour la planète.

Une autre option envisagée est la contraction de moitié de la consommation des pays développés avec convergence des autres pays. Dans ce cas la consommation totale à l’échelle mondiale s’élèverait à 70 milliards de tonnes de ressources d’ici à 2050, soit 40% de plus que leur volume annuel des ressources extraites enregistré en 2000. «Ce scénario suppose d'importants changements structurels qui conduiraient à de nouveaux modes de production industrielle et de consommation, différant sensiblement du modèle industriel occidental traditionnel, gros consommateur de ressources», souligne le rapport.

Le dernier scénario est une contraction de deux tiers de la consommation dans les pays développés, les autres pays demeurant à leur niveau actuel. La consommation totale mondiale serait de près de 50 milliards de tonnes, un niveau que les scientifiques jugent encore insoutenable. Cette option repose par ailleurs sur tant de restrictions qu’il «peut difficilement être envisagé comme un objectif stratégique potentiel», reconnaissent les auteurs.

À la lumière du rapport, on comprend donc qu’une surexploitation insoutenable des ressources risque de perdurer encore longtemps, et que pour l’instant la hausse des prix de nombreuses ressources sera le seul facteur d’ajustement pour diminuer la consommation.