Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

L'Institut Confucius du régime chinois se bute à une résistance dans les Prairies

Écrit par Matthew Little, La Grande Époque
24.05.2011
| A-/A+

  • Le prochain président chinois potentiel, le vice-président Xi Jinping, avait personnellement inauguré un des Instituts en Australie en 2010.(Staff: WILLIAM WEST / 2010 AFP)

La Faculté de l'Université du Manitoba s'inquiète que leur institution devienne la prochaine à accueillir un Institut Confucius, un organisme de diffusion de la langue et de la culture chinoises financé par Pékin.

Il y a déjà plusieurs Instituts Confucius établis au Canada, dont un au Collège Dawson de Montréal et un autre à l'Université de Sherbrooke. Celui de l'Université de Waterloo est plus connu, alors qu'une des instructrices avait incité ses étudiants à dénoncer la couverture médiatique canadienne de la répression brutale au Tibet quelques mois avant les Jeux de Pékin en 2008.

Selon le livre Ces espions venus d'ailleurs du journaliste Fabrice de Pierrebourg, «plusieurs officiers de renseignement [chinois] ont été placés au sein de la direction du réseau Confucius. D'ailleurs, le groupe de renseignement responsable de la gestion de l'opération est le fameux ministère du Front du travail uni (United Front Work Department), chargé de plusieurs tâches d'envergure à l'étranger : la propagande, le contrôle des groupes d'étudiants chinois, le recrutement de sources dans la diaspora chinoise et d'étrangers sympathiques à la Chine, et les opérations clandestines à long terme».

Le professeur Cameron Morrill, président de l'Association de la Faculté de l'Université du Manitoba, affirme que le syndicat est fortement opposé à l'implantation d'un Institut Confucius (IC) sur le campus, une position également défendue par le professeur d'études asiatiques Terry Russell. Époque Times l'a rencontré.

Quelle est votre préoccupation principale concernant l'Institut Confucius?

En tant qu'universitaire qui croit à l'importance de conserver l'autonomie et la liberté académiques, l'Institut Confucius (IC) représente une menace très sérieuse et directe. En premier lieu, l'IC est une agence contrôlée directement par le gouvernement de Pékin (en tant que partie du ministère de l'Éducation). Ce n'est pas une agence culturelle sans lien de dépendance comme l'Alliance française ou l'Institut Goethe. Étant donné que les IC sont habituellement situés sur les campus universitaires et qu'ils fonctionnent sous l'égide des universités, ceci signifie que le gouvernement chinois offre en fait des cours de culture et d'histoire chinoises avec l'aval des universités canadiennes impliquées.

C'est une situation sans précédent au Canada autant que je le sache. Les gouvernements étrangers offrent souvent des fonds aux universités pour financer l'enseignement de leur langue et culture, mais cela se fait normalement sous la forme de subventions à des programmes académiques déjà existants avec très peu, s'il y en a, de conditions.

Selon moi et selon plusieurs autres universitaires canadiens, ça ne dérange pas de quel gouvernement il s'agit ? que ce soit la Finlande, le Brésil ou la Chine ? des gouvernements étrangers ne devraient pas avoir les moyens ni l'occasion de disséminer leur version de l'histoire et de la culture sous l'égide d'une institution qui a le mandat de mener des recherches indépendantes et non biaisées.

Il est trop évident que le gouvernement chinois a une version particulièrement déformée de la culture et de l'histoire chinoises qu'il souhaite présenter au monde.

L'IC permet à Pékin de raconter son histoire au sein du cadre légitimant des universités étrangères. C'est une manière brillante de servir une forme de propagande mal déguisée aux jeunes Canadiens qui étudient dans nos collèges et universités. Ça remplit également le rôle de limiter la portée des autres voix qui racontent une histoire différente. Les universités canadiennes ne devraient pas être rendues là.

Quel effet auront les IC sur l'université et ses étudiants, chinois ou autres?

Il est difficile de déterminer l'effet exact d'un certain IC sur une université particulière et ses étudiants. Ça dépend de la taille de l'IC et du genre de cours qui sont offerts, des programmes qui sont développés. Évidemment, si l'IC représente la «Chine» ou la «chinoiseté» sur le campus, il y aura une forte tendance à accepter ce qu'il offre comme étant la source d'information au sujet de ce qui se passe véritablement en Chine et de ce qu'est la culture chinoise en général. Ce n'est clairement pas une bonne situation pour ceux qui dérogent de la version officielle de Pékin quant à ce qu'est la Chine et la «chinoiseté».

Par exemple, l'IC doit (selon sa propre charte) informer quiconque prête l'oreille que le Tibet, le Xinjiang et Taiwan font et ont toujours fait partie du territoire inaliénable de la Chine. Ceci est manifestement faux d'une perspective historique et pour les Tibétains, les Ouïghours et les 23 millions de Taiwanais, c'est la négation de leur droit fondamental à l'autodétermination. La désignation du Falun Gong et de certaines formes de christianisme comme étant «hétérodoxes» ou des sectes dangereuses ne constitue pas seulement la diffamation envers ces religions, mais une violation certaine de la Constitution chinoise qui garantit la liberté de religion.

Mais si l'IC sur le campus présente les mensonges du gouvernement comme étant des vérités incontestables, les étudiants et la communauté universitaire en général seront forcés de les accepter comme telles ou au moins de garder le silence afin de ne pas offenser le personnel de l'IC (qui pourrait décider de plier bagages en amenant leur argent avec eux).

Qu'est-ce qui devrait être fait au sujet des efforts de la Chine de répandre son réseau d'Instituts Confucius? Est-ce que le gouvernement devrait jouer un rôle?

Récemment, le gouvernement indien a interdit l'établissement d'Instituts Confucius à travers le pays. Pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas confortable dans la relation qui existe actuellement entre les deux pays, particulièrement alors que les deux pays ont des disputes territoriales non résolues.

L'Inde cherche actuellement à approfondir son expertise en langue et culture chinoises, mais elle le fait à travers ses propres mécanismes gouvernementaux et académiques. Je serais vraiment ravi si le gouvernement canadien adoptait une politique similaire sur les IC.

Il y a de nombreuses raisons de croire que la Chine a des intentions pas très saines en ce qui a trait à la politique, la technologie, la stratégie de défense et l'économie canadiennes. Pourquoi dévouerait-elle autant de ressources pour s'introduire dans nos réseaux informatiques sensibles et pour courtiser nos responsables politiques et commerciaux si elle souhaitait une relation complètement amicale et transparente avec nous?

On pourrait dire que chaque université devrait se rendre compte des conséquences de s'engager avec le gouvernement chinois, mais il est très difficile pour les administrations universitaires de tourner le dos à l'argent et aux occasions offertes par l'IC. C'est le cas spécialement pour les universités et les collèges qui n'ont pas de programmes d'études chinoises robustes. L'IC apparaît alors comme un cadeau du ciel, puisqu'il semble promettre une crédibilité instantanée dans le domaine des relations avec la Chine, quelque chose que les administrateurs sont pressés de développer.

Donc, dans une certaine mesure, nous ne pouvons nous attendre à ce que les universités aient la volonté d'écarter l'IC, son argent et ses ressources, pour des raisons de moralité et d'intégrité. Pour cette raison, il serait très utile si le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux pouvaient agir et défendre l'intégrité académique canadienne, sans mentionner la technologie et les secrets commerciaux, en empêchant le gouvernement chinois, ou tout autre gouvernement, d'établir ce qui équivaut à de la propagande – et potentiellement des agences de collecte de renseignements – sur nos campus.

Version originale : Confucius Institute Unwelcome at University, Says Professor

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.