Chaque année, à la fin de l’hiver, la fine fleur des domaines vinicoles alsaciens vient rencontrer à Paris une clientèle professionnelle ou spécialisée bien choisie et la mettre en contact direct avec la vitalité et les spécificités du vignoble d’Alsace, à la fois infiniment divers dans ses expressions et néanmoins un des plus cohérents de France. Nous avons plaisir à en rendre compte fidèlement, tant chaque session est riche d’enseignements et de découvertes. En 2011, c’est l’Hôtel d’Evreux, 19 place Vendôme qui a été investi tout l’après-midi du 14 mars et jusqu'en fin de soirée.

Le rôle du « terroir »

Nous le répétons périodiquement, la notion de « terroir », indissociable de l’Alsace, correspond à ce que la composition géologique des sols, incroyablement variée d’une parcelle à l’autre, mais cependant très précisément connue et répertoriée pour chacune d’elles peut apporter à la structure et à la sapidité des vins… ceci à la mesure du savoir-faire du vigneron. C’est à ce « carrefour » que naissent les grandes réussites… et nous en citons plus loin quelques unes.

Si la réunion du 14 mars a été vouée aux seuls « Grands Blancs » par définition issus des 51 parcelles les plus graciées actuellement retenues par la législation française – les « Grands Crus» représentant le nec plus ultra de ce que produit le vignoble alsacien – tous les autres AOC Alsace, y compris les Pinots Noirs, rouges ou rosés s’avèrent les partenaires privilégiés de toute gastronomie et l’engouement les concernant de nombre de pays étrangers, dont les pays asiatiques, relance le paradoxe du dédain relatif que leur opposent les Français de métropole.

À leur intention, développons un peu l’ensemble des particularités – tout à fait uniques – des vins d’Alsace. Ce sont principalement et majoritairement des vins de cépages et non d’assemblage comme la plupart des vins de France (sauf Beaujolais et quelques autres). Sept cépages bien distincts constituent la palette dont ils sont essentiellement issus, mais certains cépages très anciens continuent à être cultivés et remportent toujours localement un réel succès. Toujours localement, certains assemblages, dénommés « Edels » ou « Gentils », sont également très appréciés.

Dans l’AOC « Alsace Grand Cru » seuls quatre cépages sont autorisés… pour l’heure : le Riesling, le Gewurztraminer, le Pinot gris et le Muscat d’Alsace. Mais le Sylvaner cultivé au lieu-dit Zotzenberg est également agréé. Le degré minimum naturel d’alcool exigé est de 11° pour le Riesling et le Muscat d’Alsace et de 12,5° pour le Gewurztraminer et le Pinot Gris, avec un rendement maximum modulable par lieu-dit (ou provenance) de 55 à 66 hectolitres par hectare. Les quelque Alsace Grands Crus d’assemblage autorisés correspondent à « l’Altenberg de Bergheim » et au « Kaefferkopf » (« tête de cafard »…).

Deux mentions rares et prestigieuses viennent couronner toute la gamme des AOC Alsace : les « Vendanges tardives » (ou VT) et les « Sélections de Grains Nobles » (ou SGN) : faire exclusivement appel à des raisins de Gewurztraminer, Pinot Gris, Riesling ou Muscat d’Alsace récoltés en surmaturité les très bonnes années (VT) ou triés rigoureusement lorsqu’ils sont atteints par le Botrytis Cinerea (SGN) conduit après vinifications à des nectars exceptionnellement charpentés et riches en arômes complexes et puissants sans équivalents au monde, des atouts de haut niveau pour qui sait en jouer. 

Quelques sublimes bouteilles

C’est à titre d’illustration que nous mentionnons ci-après quelques vins remarquables, découverts au hasard de nos propres contacts avec certains des viticulteurs présents ou représentés. Mais ils étaient comme toujours une trentaine sur place et il est impossible de se porter auprès de tous et de chacun.

Riesling

Nous avons plaisir à signaler le Riesling Grand Cru Muenchberg 2008, mis en bouteille par Wolfberger à Eguisheimn. C’est un vin du Bas-Rhin, région de Nothalten, au terroir gréso-volcanique-caillouteux, très sec avec très agréable fin de bouche.

Pinot Gris (du Nord au Sud)

- Pinot Gris Grand Cru Frankstein 2007 du Domaine Mersiol à 67650 Dambach-La-Ville, un vin issu d’un terroir granitique, à 35 grammes/litre seulement de sucres résiduels. Le domaine est en voie de conversion vers l’agriculture biologique.

- Pinot Gris Grand Cru Kaefferkopf 2009 du domaine Jean-Marc Bernhard à 68230 Katzenthal à côté d’Ammerschwihr ; le terroir est granito-calcaire : vins magnifiques pour 33 grammes seulement de sucres résiduels, titrant 14 % en volume.

- Pinot Gris Grand Cru Kitterlé 2007 des Domaines Schlumberger à 68500 Guebwiller (terroir gréso-volcanique) : Apéritif moelleux de grande classe, titrant 13 % en volume.

Gewurztraminer (du Nord au Sud)

- Gewurztraminer Grand Cru Frankstein 2008 de Ruhlmann à Dambach-la-Ville. Les familles Ruhlmann et Mersiol déjà citées sont alliées depuis les années 1960 et comportent également la branche cousine Ruhlmann-Schutz. Le vin est couleur or, marqué au nez par la violette. Les saveurs en bouche sont celle des fruits exotiques, du gingembre et de la prêle. Très beau Gewurztraminer titrant 13,5 % en volume, pour moins de 30 g/l de sucres résiduels.

- Gewurztraminer Grand Cru Vorbourg (calcaro-gréseux) 2007, mis en bouteille par Dopf & Irion à Riquewihr. Ce vin est originaire des régions de Rouffach et de Westhalten bénéficiant d’un très beau microclimat. Le vin en est le reflet, titrant 14,5 % en volume !

- Gewurztraminer Grand Cru Kaefferkopf vieilles vignes 2008 de Jean-Baptiste Adam à 68770 Ammerschwihr. Le terroir même d’Ammerschwihr est complexe (granit, calcaire coquillier et grès). Les vins sont très généreux et puissants en arômes. Celui que nous citons titre 13,5 % en volume. Tout le domaine est conduit en agriculture Bio et Demeter.

Quels vins pour quels mets ?

Nous en venons aux associations les plus heureuses et traditionnelles entre mets et vins d’Alsace… en nous inspirant de la mini-plaquette éditée continuellement sur ce sujet par le conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) à Colmar. Elle fourmille des plus subtils détails, nous ne pouvons que beaucoup résumer.

Pour l’apéritif

Crémant d’Alsace (avec d’innombrables possibilités de choix !), muscat d’Alsace, Gewurztraminer (finement choisis de même !)

Entrées froides

Salades variées, charcuteries, œufs : Sylvaner, Pinot Blanc. Crustacés, coquillages, terrine de poisson, poissons crus : Sylvaner, Riesling, Pinot Blanc

Salades épicées (mexicaines, marocaines, indiennes) : Gewurztraminer

Foie gras : Pinot Gris, Gewurztraminer (notamment VT !)

Entrées chaudes

Quiches, tartes, soufflés : Sylvaner, Pinot Blanc

Escargots : Sylvaner

Asperges : Muscat d’Alsace, Pinot Blanc

Poissons grillés : Riesling

Poissons cuisinés au beurre ou à la crème : Riesling, Riesling VT, Pinot Gris, éventuellement Gewurztraminer

Viandes blanches et volailles

Volailles rôties : Riesling, Pinot Blanc, Pinot Noir

Volailles en sauce : Riesling, Pinot Gris

Rôtis de porc ou de veau : Pinot Blanc, Pinot Gris

Canard : Pinot Gris

Recettes exotiques

Gewurztraminer

Viandes rouges

Pinot Noir, vinifié en rouge

Gibiers

Pinot Gris ou Pinot Noir

Fromages

Frais, jeunes, chèvres : Pinot Blanc, Riesling

Pâtes molles et croûtes lavées (Munster, Pont L’Evêque, bleus) : Gewurztraminer

Autres : Pinot Noir

Desserts

Pâtisserie, tartes, crèmes, mousses : Gewurztraminer, éventuellement VT

Finir un repas en beauté

VT, SGN

Moments conviviaux, réceptions

Crémant d’Alsace, Muscat d’Alsace, Gewurztraminer, VT, SGN

Température de service :

. Crémant d’Alsace : entre 5 et 7 °C

. Vins blancs AOC d’Alsace et Grands Crus : 8 à 10 °C

. Pinots Noirs rosés : 8 à 10 °C

. Rouges d’Alsace : 13 à 15 °C

La durée de garde varie selon le cépage et la conduite de la vinification : les grands millésimes, les Grands Crus, les VT et SGN sont susceptibles d’une garde prolongée.