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L’e-G8 consacre la maturité d’Internet

Écrit par Charles Callewaert, La Grande Époque
02.06.2011
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  • La réunion e-G8 s’est tenue au Jardin des Tuileries à Paris les 24-25 mai 2011. (Staff: LIONEL BONAVENTURE / 2011 AFP)

L’e-G8, qui s’est tenu les 24 et 25 mai au Jardin des Tuileries à Paris est un événement sans précédent. Organisé par le Groupe Publicis sur une initiative de Nicolas Sarkozy, ce «Davos de l’Internet» a rassemblé plus de mille personnalités du monde de l’économie numérique et préparé le terrain au sommet des chefs d’État du G8 de Deauville, dont une partie était consacrée aux enjeux du Web. Ainsi, imaginé sous la forme d’un forum avec de nombreux groupes de travail, l’e-G8 s’est concentré sur l’impact de l’Internet sur l’économie et la société, l’avenir du e-commerce, les conditions du développement de l’économie numérique, sans oublier les questions chères au président français, telles que la protection de la vie privée et de la propriété intellectuelle.

Le triomphe de l’économie numérique

Depuis l’hallucination collective sur les cours de bourse des jeunes pousses du web au début des années 2000 et l’éclatement de la bulle internet, le Web s’est transformé en un secteur économique à part entière. Ainsi, selon le rapport de McKinsey publié pour l’occasion, plus de 2 milliards de personnes sont aujourd’hui connectées à Internet, et dans les 13 pays passés en revue, le poids économique de ce secteur compte déjà pour 3,4 % du PIB, avec une croissance de 21 % sur les cinq dernières années. Parallèlement à cette effervescence économique, les profits d’un géant comme Google dépassent déjà ceux d’une banque comme BNP Paribas, au point qu’une institution financière comme Goldmann Sachs n’a pas hésité à investir début 2011 plus de 450 millions de dollars dans Facebook, et qu’un vent de folie a soufflé sur Wall Street cette semaine lors de l’introduction en bourse de LinkedIn.

Toujours selon McKinsey, Internet est devenue une source de création d’emplois, avec 2,6 emplois créés pour un emploi perdu. Son usage dans les petites et moyennes entreprises permettrait également des gains de productivité de 10 %, ainsi qu’une croissance deux fois plus élevée qu’une entreprise classique, en particulier à l’export. À l’heure où les pays occidentaux, englués par des endettements colossaux, peinent à retrouver une croissance stable et à résorber leur chômage, Internet apparaît donc comme un nouvel eldorado leur permettant d’affirmer à nouveau leur suprématie sur le reste du monde.

Le temps de la «responsabilité» et de la «régulation»

Présidé par le PDG de Publicis Maurice Lévy, et honoré de la présence de stars d’Internet comme Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, ou encore Éric Schmidt, le directeur exécutif de Google, l’e-G8 a surtout été marqué par le poids de l’internet commercial, avec la présence des grands constructeurs comme Hewlett Packard ou Alcatel-Lucent, du software tels que Microsoft ou Cap Gemini, et de l’e-Commerce comme eBay, sans oublier celle des grands opérateurs français que sont Orange, Free et Vivendi. On y note également la présence de stars françaises du secteur, comme Gilles Babinet, président du Conseil National du Numérique, et de Marc Simoncini, fondateur du site Meetic et actuel président du fonds d’investissement Jaïna Capital, spécialisé dans le financement des jeunes entreprises du net.

Dans son discours d’inauguration, Nicolas Sarkozy a tout d’abord mis en avant la notion «d’internet responsable» dont la France est selon lui le promoteur avec la loi Hadopi sur la protection des droits d’auteur : «Il faut comprendre qu’il y a un socle minimum de règles, de valeurs à respecter pour continuer à évoluer vers des taux de croissance importants». Conscient qu’une partie de l’assemblée ne partageait pas ses idées, le chef de l’État s’est cependant défendu de vouloir contrôler internet, en rappelant l’impossibilité de le faire réellement. Le président a par ailleurs souligné la nécessaire régulation d’internet, pour laquelle une coopération internationale est indispensable, ajoutant : «Je vais porter ces thèmes au G8, mais j’espère aller plus loin et les porter au G20, puis aux Nations Unies».

 

Le retard croissant de la France dans l’Internet

À n’en pas douter, ce forum fut donc une tribune opportune pour la France dans la défense de ses idées d’une meilleure régulation du Web, mais cela ne doit pas masquer ses piètres résultats dans le secteur.  Alors qu’elle faisait figure de pionnière de la «télématique» dans les années 1980 avec le Minitel et qu’elle dispose d’atouts reconnus au niveau international comme la qualification de ses ingénieurs, la France n’a pas su se saisir à temps de la vague internet pour forger des champions mondiaux, même si elle compte quelques succès comme Cap Gemini, Free, ou bien Meetic.com, qui sont surtout le fait de quelques entrepreneurs isolés.

Comme le rappelle sur FrenchWeb Catherine Barba, fondatrice de CashStore et spécialiste du e-commerce, «bien que 24.000 nouvelles entreprises sont créées chaque année en France, seules 2% d’entre elles investissent l’internet. Autre exemple: alors que l’Angleterre compte 300.000 sites de e-commerce, la France n’en compte que 82.000».      

Dans les interviews qu’il a accordées à France Inter et sur FrenchWeb, Gilles Babinet, l’un des experts français du web les plus connus pour y avoir monté 16 entreprises, dont Musiwave qu’il a revendue pour 100 millions de dollars à Microsoft, souligne clairement les obstacles français au développement d’internet: l’impossibilité de lever des fonds au delà de 10 millions d’euros, la complexité et la rigidité de l’administration française, ainsi que l’absence de soutien à l’innovation pour les «jeunes pousses prometteuses».

Plus grave, les seules mesures qui permettent d’aider ces entreprises, le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) et le Crédit Impôt Recherche (CIR), ont été rabotées avec la loi de finance de 2011, afin de trouver des économies dans le budget de l’État. Malheureusement, l’opposition socialiste, dont le programme prévoit la création de 300.000 «emplois aidés» au lieu de miser sur le relèvement du niveau des universités et l’aide à l’économie numérique, ne semble pas non plus avoir pris la mesure de l’urgence de la situation.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.