Célébrer les océans, un nouveau regard sur l’humanité et ses faiblesses

Écrit par Héloïse Roc, La Grande Époque
25.06.2011

  • L'acidité des océans pourrait augmenter de 150%, causant des dégâts irréversibles aux écosystèmes océaniques.(攝影: / 大紀元)

La mer est célébrée le 8 juin de chaque année dans le monde entier, c’est devenu l’opportunité d’effectuer un bilan sur cette superficie d’eau qui occupe les deux tiers de notre planète. Selon M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU, «la Journée mondiale des océans est l’occasion de réfléchir à l’importance que revêtent les océans pour le développement durable de l’humanité. Mais c’est aussi celui de prendre conscience d’une série de grands problèmes qui vont de l'épuisement des mers à cause des pêches intensives aux incidences des changements climatiques. C’est également prendre en compte la détérioration du milieu marin en passant par les conditions d'emploi des gens de la mer et l'immigration par voie maritime, une question de plus en plus importante».

L’océan, poumon de la planète

L’ONU décrit l’océan comme étant le véritable poumon de la Terre. Il fournit la majorité de l'oxygène que nous respirons. L’océan est également une importante source de nourriture et de médicaments et un élément essentiel de la biosphère. Par ailleurs, il est extrêmement important de protéger les océans. Ils servent à réguler le climat de la Terre et ils constituent aussi une source d’emplois et de loisirs pour les habitants. Irina Bokova, directrice générale de l'UNESCO rappelle que «notre connaissance des océans est limitée. Plus de 1.500 personnes ont réussi l’ascension du Mont Everest et douze ont marché sur la Lune, mais seulement deux plongeurs ont pu descendre dans les abysses marins et en remonter».

Elle ajoute: «La Commission océanographique de l’UNESCO œuvre depuis cinquante ans pour promouvoir les sciences océaniques et la recherche marine mais, de fait, les océans restent encore relativement inexplorés». Jusqu’à présent l’étude des océans a été motivée par le profit: «rendre les ressources halieutiques accessibles, pour mieux les exploiter». Irina Bokova pense qu’aujourd’hui le grand défi à venir consistera à utiliser les sciences océaniques pour comprendre et protéger et pour mieux gérer leurs écosystèmes et leur biodiversité.

Moins de 1% de la surface des océans protégé

Xavier Pastor, directeur exécutif d’Océana Europe, pense que la journée mondiale des océans ne devrait pas être un jour de fête en Europe, mais devrait être plutôt un appel au secours: «Les océans sont en danger, la science est claire, et les solutions existent. Ce qui manque c'est la motivation politique de changement».

Ainsi, Ricardo Aguilar, directeur de recherche pour Océana Europe confirme la détérioration des mers: «Moins de 1% de la surface globale des océans est protégé efficacement de nos jours». Il indique aussi qu’aucun stock de poissons n’est géré de manière responsable dans le monde. Ainsi, par exemple les requins de la Méditerranée ont été réduits jusqu'à 99% de leur population d'origine au cours du XXe siècle. «Les ressources du monde sont pillées au profit de quelques individus et les décideurs ne semblent pas être disposés à y mettre fin», affirme-t-il.

L'organisation Océana ajoute que, pendant ce siècle, 70 millions de tonnes de poissons ont été rejetées morts et 110.000 hectares de phanérogames (ou herbes marines), qui offraient un abri à des milliers de poissons et d'organismes vivants, ont été détruits .Et, pour l’Europe, Océana indique que 13% des captures sont rejetés à la mer, morts ou mourants.

L’acidité des océans détruit la vie

Les océans forment des puits de carbone très importants et en tant que tel, jouent un rôle primordial dans la régulation des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Ainsi, depuis le début de la révolution industrielle, il y a un peu plus de 200 ans, les océans ont absorbé environ un tiers de la quantité de CO2 d'origine anthropique. Actuellement, plus de 25 millions de tonnes de CO2 sont dissous dans l'eau de mer quotidiennement. Ce phénomène est connu depuis les années 1990 mais on ignorait ses effets sur la faune et la flore marines. Des études antérieures ont indiqué que la croissance des organismes à squelette calcaire, tels que les coraux et les mollusques, serait ralentie en raison de l'acidification.

Des scientifiques de l'université de Plymouth et de l'université de Santa Catarina au Brésil ont étudié un des organismes unicellulaires appelés foraminifères, un genre de coquillage que l’on retrouve autour des rejets volcaniques de dioxyde de carbone au large de l'Etna, en Sicile. Près des côtes, à environ un mètre de profondeur, le flux de dioxyde de carbone y est important et des bulles bouillonnent alors que l'eau est froide. À cet endroit, l'acidité est particulièrement élevée, les chercheurs ont observé qu’il n'y avait plus de vie marine autour, même pas d’algues.

Le Dr Marco Milazzo de l'université de Palerme déclare, en voyant la situation des alentours de l'Etna: «Ici, l'acidité est beaucoup plus grande que dans le pire des scénarios pour les océans, on ne peut donc pas aller trop loin dans cette comparaison». Une chose est sûre cependant: «Quand l'eau est peu acide, la flore est riche. On rencontre de nombreuses espèces en abondance», explique Marco Milazzo. «Avec l'acidification, l'habitat devient de moins en moins varié. Si c'est l'avenir qui attend nos océans, cette nouvelle est catastrophique et déprimante».

Le Dr Jason Hall-Spencer, biologiste marin de l'université de Plymouth, explique: «Parmi les milliards de tonnes de dioxyde de carbone que nous émettons chaque année, une partie s'attarde dans l'atmosphère et provoque son réchauffement. Cependant, il ne faut pas oublier qu'environ 30 % de ces gaz sont également absorbés par les océans où ils se transforment en acide carbonique. Une acidification qui tue les récifs coralliens et les coquillages, mais qui menace aussi les poissons. Très peu d'entre eux peuvent vivre dans une eau trop acide».

La directrice de l’Administration Nationale des Océans et de l’Atmosphère (NOAA), le Dr Jane Lubchenco, a récemment attiré l'attention sur ce sujet. Elle a décrit l'acidification des océans comme le jumeau du réchauffement climatique, disant que les effets seraient tout aussi catastrophiques que les effets du réchauffement climatique. 

  • La plage de Quiberon en Bretagne. (攝影: / 大紀元)

Acidité des océans et impact sur la faune océanique

Des chercheurs du laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV, CNRS/ UPMC) viennent de montrer que des organismes marins clés tels que les coraux profonds et les ptéropodes (escargots planctoniques) seront profondément affectés par le phénomène dans les années à venir. Deux études sont apparues dans la revue Biogeosciences.

La coquille calcaire du ptéropode constitue une protection vitale, il joue un rôle important dans la chaîne alimentaire et le fonctionnement de l'écosystème marin arctique. Or, l'étude menée montre que cet escargot construit sa coquille à une vitesse 30% plus faible lorsqu'il est maintenu dans une eau de mer ayant les caractéristiques d’acidité.

La diminution du calcaire est plus prononcée chez le corail d'eaux froides, elle est de 50%. Une diminution de la croissance des coraux constructeurs par l'acidification des océans peut donc menacer l'existence même de ces édifices.

Une perte d’audition sur les poissons-clowns

Une équipe internationale de chercheurs venant d'Australie, de Taiwan et du Royaume-Uni, a démontré la perte de l’audition, sur des bébés poissons-clowns, qui résulterait de l'acidification des océans. Ces nouveaux résultats, publiés dans la revue Biology Letters, montrent que l'audition serait également en danger.

Le Dr Steve Simpson de l'université de Bristol, explique: «Ce que nous ignorons est de savoir si, dans quelques générations, les poissons pourront s'adapter et tolérer l'acidification des océans. Il s'agit d'une expérience à sens unique à l’échelle mondiale, et la prévision des résultats et des interactions représente un défi majeur pour la communauté scientifique». Ainsi, si le pH continue de baisser, le système sensoriel entier du poisson-clown pourrait être affecté. L’audition est un composant important, c’est une armure de survie dans l'océan. Le poisson-clown utilise sa capacité auditive pour détecter et éviter les prédateurs et les récifs de corail pendant la journée.