Brésil: un grand pas dans la mauvaise direction

Écrit par Ticiane Rossi, La Grande Epoque
03.06.2011

  • Leg 1 : De grands risques, à impact international. (Courtesy of Eduardo Rizzo Guimaraes)(攝影: / 大紀元)

Brésil: un grand pas dans la mauvaise direction

SAO PAULO – Après avoir été retardé par trois fois et après un débat parlementaire acharné, la Chambre des Représentants du Brésil a adopté un texte de loi controversé sur la gestion des forêts nationales. Adopté par 410 voix pour, 63 contre et une abstention, le texte passe maintenant en seconde lecture au Sénat, avant d’être finalisé et présenté pour ratification à la présidente Dilma Rousseff.

S’il satisfait les exploitants agricoles qui le considèrent équilibré, le texte est vu comme une véritable régression par les défenseurs de l’environnement, et un cadeau fait aux grands exploitants.

Le nouveau Code forestier est adopté avec ses dispositions les plus controversées. Écrit et défendu par le député communiste Aldo Rebelo, le texte modifie le Code forestier existant, rédigé en 1965 avec une vision de gestion durable des ressources naturelles.

Les dispositions initiales prévoient en particulier pour les exploitations agricoles l’obligation de maintenir 80% de la forêt amazonienne et de les utiliser comme source renouvelable de bois. Dans le Cerrado (ecorégion de savane), cette proportion chute à 35%, et à 20% dans le reste du pays. Le nouveau texte de loi exempte de ces obligations les «petits» propriétaires ayant moins de 1.000 hectares de terres et offre l’amnistie à tous ceux qui auraient violé la loi – et il s’agirait de 90 % des exploitants agricoles – avant le 22 juillet 2008.

La question de la réparation des dommages faits avant juillet 2008 n’est pas abordée et les PPA (Permanent Preservation Areas, zones de protection permanentes) qui préservent les alentours de rivières, sont divisés par deux: la zone protégée passe de 30 mètres à 15 mètres.

Un État de non-droit

Le gouvernement refuse cependant à l’avance l’amendement 164 du texte, proposé par Aldo Rebelo, qui conférerait aux gouverneurs régionaux le droit de statuer sur l’utilisation des zones déforestées.

Cándido Vaccarezza, du Parti des Travailleurs, justifie: «Cet amendement ouvrirait la voie à une consolidation de l’illégalité dans les zones déforestées, et à plus d’amnistie pour les responsables». Avant le vote, Vaccarezza a prévenu que la présidente Dilma Roussef mettrait son véto sur le texte s’il n’était pas amendé par le Sénat.

«La présidente pense que cet amendement est une honte pour le Brésil, et elle m’a demandé de le dire aux membres de la Chambre», a déclaré Vaccarezza.

Des exploitants satisfaits

Les exploitants agricoles et plus largement toute l’agro-industrie avaient insisté sur l’urgence du vote pour répondre aux pénuries alimentaires et à la situation financière difficile des petits producteurs. Seule solution selon eux, plus de terres pour cultiver et faire paître le bétail, une solution qui exige un changement de la législation.

D’après le site internet JusBrasil, le coordinateur du Front Parlementaire Africole, Moreira Mendes du Parti Socialiste, a mis tout son poids avec les fermiers pour que le gouvernement autorise le vote rapide de la loi.

Après le vote de celle-ci, la Confédération  Nationale Agricole a célébré «une victoire pour les producteurs, qui n’auraient pas abandonné plus de zones de production que toutes celles déjà données», commente le sénateur Katia Abreu pour la BBC.

La sénatrice Abreu explique que le pays ne peut accepter la situation actuelle au vu du rôle crucial des terres pour lutter contre la faim dans le monde, et considère que son pays a déjà fait assez: «Le Brésil est le seul pays au monde à avoir renoncé à des terres fertiles pour préserver l’environnement», explique-t’elle dans une lettre publiée par le journal O Globo.

La communauté scientifique exclue des débats

Les spécialistes de l’environnement et de l’agriculture affirment avoir été ignorés dans les travaux parlementaires de révision du Code forestier. D’après l’École Supérieure d’Agriculture Luis Queiroz, le vote a été réalisé comme «une urgence de dernière heure» sans préserver le temps et l’espace de comprendre son importance et ses conséquences. La nouvelle définition des PPA en particulier pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l’agriculture brésilienne, affirme l’école.

Tomás Lewinsohn, professeur d’Écologie de l’Unicamp et président de l’association brésilienne des Sciences Environnementales, confirme: «Les quelques scientifiques qui ont été écoutés ont été présélectionnés fonction de ce qu’ils allaient dire.» D’après lui, la crise de production agricole prétextée par la Chambre des Représentants pour justifier la réduction des PPA est «d’un réalisme fragile.»

Lewinsohn affirme également, dans une tribune publiée par l’Estadao, que le Brésil a beaucoup d’espace pour améliorer ses techniques agricoles plutôt que de recourir à un accroissement des surfaces. «La production brésilienne peut être améliorée sans agir contre les zones naturelles qui restent dans les propriétés agricoles» écrit-il.

La communauté scientifique a demandé deux années de plus pour réaliser une analyse complète des implications du Code forestier, pour arriver à une solution satisfaisante pour toute la population brésilienne plutôt que pour certains de ses segments avec des zones d’intérêt particulières.

...Les défenseurs de l’environnement aussi

Les Verts, le Parti Socialiste et une partie du Parti des Travailleurs n’ont pas voté le texte et demandé plus de temps pour les débats parlementaires. Ces demandes ont été rejetées.

Alfredo Sirki, député vert, est cependant convaincu qu’il aurait été possible de trouver un texte qui protège les forêts et les écosystèmes tout en répondant aux inquiétudes de la filière agricole. Le texte voté, affirme-t’il, n’offre aucune avancée significative et n’offre pas de mesures incitatives à la reforestation. Plus de 50 milliards d’euros sont prévus d’ici à 2020, dit-il, issus du paiement des quotas de CO2 pour la reforestation: «Ces possibilités liées à l’environnement peuvent compter vraiment pour les petits producteurs, mais on ne leur a pas donné cette information», condamne Sirkis.

Huit anciens ministres de l’environnement ont rencontré Dilma Roussef avant le vote pour tenter de la convaincre de décaler celui-ci. «Le président a signifié une nouvelle fois son engagement à ne pas permettre un retour en arrière sur les lois de protection de l’environnement», commentait Marina Silva à la sortie de cet entretien, un peu trop confiante.