Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Pas d’Institut Confucius à l’Université du Manitoba

Écrit par Omid Ghoreishi, La Grande Époque
03.08.2011
| A-/A+

  • haut responsable du Parti communiste chinois, Li Changchun,(Staff: TORU YAMANAKA / 2010 AFP)

Les Instituts sont des agents du régime chinois, affirme un professeur

Quelque chose clochait au sujet de l'idée de l'Université du Manitoba d'introduire un Institut Confucius sur son campus la même année qu'elle officialisait sa coopération avec le Musée canadien pour les droits de la personne.

Du moins, c'était la perspective de Terry Russell, professeur agrégé d'études asiatiques.

«Le président [de l'université] a souligné que les droits de la personne étaient une préoccupation majeure pour l'université», explique M. Russell.

«Il était impossible de concilier une invitation au gouvernement chinois, dont l'Institut Confucius est essentiellement un agent, à venir sur le campus et présenter des programmes qui ne toucheraient jamais les droits de l'homme en Chine, sauf selon la position officielle de Pékin.»

L'Université du Manitoba a récemment abandonné l'idée d'établir un Institut Confucius, du moins pour l'instant.

Avec son siège social à Pékin et plus de 300 centres dans le monde, les Instituts Confucius ont pour mission de promouvoir la langue chinoise et de faciliter les échanges culturels et académiques avec la Chine.

Cependant, ce qu'ils offrent diffère des programmes soutenus par plusieurs autres pays intéressés de promouvoir leur culture, comme le Tanaka Fund Program japonais, qui offre des subventions aux universités afin qu'elles puissent acheter des livres et financer l'embauche de professeurs.

«Les gouvernements nationaux, s'ils veulent financer des programmes [faisant la promotion] de leurs cultures nationales, accordent des subventions et permettent aux facultés partenaires de gérer les programmes», explique M. Russell.

«Mais Pékin veut tout contrôler afin de pouvoir choisir ce qui est enseigné, comment c'est enseigné et quels projets et activités sont entrepris.»

M. Russell souligne des références sur le site principal de l'Institut Confucius concernant des questions jugées sensibles par le Parti communiste chinois.

Une recherche du mot «Tiananmen» produit plusieurs pages de références, mais aucune d’elles ne mentionne le massacre de 1989. Le site mentionne également Taiwan comme étant «la plus grande île de la Chine», et non pas comme un pays démocratique indépendant. Quant à l'occupation de la capitale tibétaine de Lhassa en 1951, il s'agit d'une libération pacifique. Aucune mention du Grand bond en avant, la campagne de réformes économiques et sociales de Mao Zedong, qui a provoqué une famine ayant emporté des dizaines de millions de personnes.

Sous la section des conditions pour les enseignants du chinois à l'étranger, le site indique qu'ils ne doivent «jamais avoir participé [aux activités] du Falun Gong», une condition qui, dans la majorité des pays démocratiques, serait considérée comme discriminatoire.

«L'Institut, son site principal, fournit un tas de matériel didactique qui sort tout droit du département de propagande du ministère de l'Éducation à Pékin», explique M. Russell.

«Il n'y a pas de place pour un examen critique de quelque information ou recherche originale que ce soit. Ça va à l'encontre du principe de l'Université, du moins au Canada.»

Puissance discrète

Dans un article écrit dans le China Heritage Quarterly, publié par le China Heritage Project de l'Australian National University, Michael Churchman affirme que les Instituts sont perçus comme un effort du régime chinois pour étendre sa «puissance discrète».

Les responsables chinois n'ont pas toujours été gênés de le cacher. Li Changchun, le chef propagandiste du Parti communiste chinois et le cinquième plus haut gradé sur le Politburo, s'est référé aux Instituts comme une «partie importante de l'appareil de propagande extérieur de la Chine».

Richard Fadden, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), a indiqué que les Instituts sont contrôlés par les missions diplomatiques chinoises et sont liés à d'autres efforts du régime visant à influencer la politique du Canada sur la Chine.

En 2009, un juge a décidé que l'Université de Tel-Aviv avait violé la liberté d'expression et s'était pliée devant l'ambassade chinoise lorsqu'elle a fermé les portes d'une exposition d'art, organisée par des étudiants, qui dépeignait l'oppression du Falun Gong en Chine. L'Université avait agi de la sorte craignant de perdre son Institut Confucius et d'autres avantages fournis par le régime chinois.

«Il est naïf de croire que les Instituts Confucius sont des professeurs apolitiques qui transmettent la langue et la culture chinoises. Leur raison même d'exister consiste à expliquer la Chine aux étrangers d'une manière qui est acceptable pour la Chine officielle», écrit M. Churchman.

Les règlements des Instituts dictent qu'ils «ne peuvent contrevenir aux lois et règlements de la Chine», ce qui, selon M. Churchman, «offre des possibilités infinies pour empêcher la discussion ou l'enseignement de n'importe quel sujet jugé sensible».

M. Churchman souligne également que l'agence interdit l'enseignement des caractères chinois non simplifiés, qui sont utilisés à Taiwan, Macau, Hong Kong et dans les autres communautés chinoises qui ne sont pas sous le contrôle direct du régime chinois.

Chunlei Lu, professeur agrégé de formation des enseignants à l'Université Brock et codirecteur du nouvel Institut Confucius de l'Université, affirme que la mise sur pied de l'Institut correspond à la vision de l'Université «d'entrer sur la scène internationale». Cela permet également d'avoir un enseignement du chinois et de faciliter les échanges culturels avec la Chine sur le campus.

Le fait que l'Institut est partiellement commandité par la Chine ne réduit pas l'autonomie académique de l'Université, selon M. Lu.

«Il est très clair que [la mise sur pied de] cette institution est l'initiative de membres de la faculté ainsi que d'universitaires chinois participant à un échange, alors ça vient de la base, ce n'est jamais venu d'en haut», affirme-t-il.

M. Lu mentionne que s'il y a une demande pour l'enseignement des caractères non simplifiés, alors l'Université peut offrir des cours indépendamment de l'Institut.

L'Institut Confucius de l'Université Brock offre actuellement des cours crédités et non crédités en mandarin. D'autres universités canadiennes ont également des Instituts Confucius, telles que l'Université de Régina, l'Université McMaster, l'Institut de technologie de la Colombie-Britannique, l'Université de Sherbrooke (en partenariat avec le Collège Dawson) et l'Université de Waterloo. L'Université de la Colombie-Britannique a refusé la mise sur pied d'un Institut.

Controverse dans la communauté

En avril, le Winnipeg Free Press a publié un article intitulé U of M profs fear Chinese agency's intent ( Les professeurs de l'Université du Manitoba craignent les intentions de l'agence chinoise). L'article citait Terry Russell, parlant au nom de «plusieurs collègues», s'inquiétant que l'Institut pourrait être utilisé pour espionner les étudiants chinois.

«Il n'y a pas de consulat – ça leur permettrait d'avoir une agence pour surveiller les étudiants», avait déclaré M. Russell, selon le quotidien.

Les préoccupations exprimées dans l'article, affirme M. Russell, ont trouvé des échos favorables dans la communauté.

«Je suis certain que personne ne se souvient de l'histoire du cheval de Troie. Les Instituts Confucius sont le cheval de Troie de la Chine», avait commenté un lecteur sur le site du Winnipeg Free Press.

L'inquiétude du syndicat de la faculté de l'Université du Manitoba s’ajoute à la controverse. L'ouverture d'un Institut allait ouvrir la porte à l'externalisation du travail et, selon un article publié par Russell dans l'infolettre du syndicat, l'autonomie académique de l'Université allait être affectée.

La controverse a peut-être incité l'Université à abandonner l'idée d'inviter l’Institut, en voyant les difficultés à faire adopter la décision par le sénat, selon M. Russell.

John Danakas, directeur des affaires publiques de l'Université, affirme ne pouvoir commenter sur les inquiétudes soulevées par Terry Russell et le syndicat, et indique que l'Université a décidé de ne pas avoir d'Institut Confucius pour des «raisons logistiques». Pressé d'apporter des précisions sur le sujet, il a dit qu'il devait vérifier ses notes avant de commenter, mais il n'a pas rappelé.

«Je suis content que l'administration ait décidé d'abandonner l'initiative», commente M. Russell.

«J’exhorte vraiment les autres universitaires, d'autres régions du Canada, de faire tout leur possible pour vraiment comprendre ce qu'est l'Institut Confucius et de voir s'il s'agit vraiment d'une bonne option pour leurs universités.»

Version originale : Confucius Institute a No-Go at University of Manitoba

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.