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L’accord franco-britannique sur les drones

Écrit par Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS
03.08.2011
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  • Un drone de surveillance de Dassault Aviation.(攝影: / 大紀元)

Un pas en avant pour la coopération en matière d’armement ou la mort de l’Europe de la défense?

Le 21 juillet, Français et Britanniques ont entériné une solution bilatérale pour leurs drones du futur. Le communiqué publié par le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Gérard Longuet, précise que, au-delà du choix de Dassault pour un système intérimaire, l’implication des entreprises sur la solution F-Heron TP «va permettre de commencer à structurer une filière industrielle en préparation du futur système de drones MALE franco-britannique.» Cela semble donc fermer définitivement la possibilité de voir cette coopération s’ouvrir à d’autres pays européens, dont l’Allemagne, et par conséquent celle de pouvoir associer EADS à un tel projet. La perspective d’une telle coopération est assurément un progrès, puisqu’une solution non américaine se dégage dans le domaine des drones. Il n’empêche que sur la forme comme sur le fond, cette annonce pose divers problèmes qui doivent conduire à nous interroger sur la cohérence de la politique de défense française.

Sur la forme, l’annonce d’une coopération franco-britannique exclusive dans le domaine des drones intervient trois jours après que les Britanniques nous ont adressé une nouvelle fin de non-recevoir sur la création d’un QG européen, qui aurait pourtant pu permettre de planifier les opérations civilo-militaires de l’Union européenne sans faire appel ni au mécanisme de planification par les nations cadres, ni à l’OTAN, ce qui a pourtant été rendu possible par les accords Berlin plus. Ce projet de création d’un QG européen n’est pas nouveau, puisqu’il a été évoqué pour la première fois lors du sommet des Tervuren en 2003. L’ultime tentative française pour sa création résultait d’une démarche commune dans le format «triangle de Weimar»; la France, l’Allemagne et la Pologne ayant adressé en décembre 2010 une lettre à la Haute Représentante de l’Union pour la politique étrangère et pour la politique de sécurité et de défense, Catherine Ashton, lui demandant de produire un rapport sur ce sujet.

Aujourd’hui, les Britanniques sont isolés dans leur refus de créer un QG européen, et la politique de leur Premier ministre, David Cameron, rappellera aux connaisseurs celle que pratiquaient ses prédécesseurs, Margaret Thatcher puis John Major, au début des années 1990, quand ceux-ci soutenaient l’UEO contre l’Union européenne, essayant de torpiller l’initiative franco-allemande qui allait donner naissance à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi qu’à la politique étrangère de sécurité et de défense (PESD), par le traité de Maastricht. Sur ce point précis, il faut aussi ajouter que notre retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN n’aura décidément eu aucun effet positif sur le développement de l’Europe de la défense.

Face à cet immobilisme britannique, la France a essayé de construire une coalition dans le format « triangle de Weimar» pour relancer la politique européenne de sécurité et de défense (PeSCD). En soit, l’initiative est louable. Ce qui devient moins compréhensible, c’est que, dans le même temps, nous déclinons l’offre polonaise faite au mois de juillet de relancer la coopération structurée permanente, et que trois jours après avoir subi l’affront Britannique sur le QG européen, nous rendions publique la perspective d’un accord de coopération industrielle franco-britannique sur les drones, dont l’effet premier est d’écarter le partenaire allemand ainsi que d’autres pays européens. Ajoutons à ceci que le 13 juillet 2011, la France a organisé à Paris, dans le format « triangle de Weimar», un séminaire sur le pooling and sharing pour faire comprendre une semaine plus tard à nos partenaires allemands et polonais que le pooling and sharing se ferait avec les Britanniques et non avec eux ! Force est donc de constater que cette politique manque pour le moins de cohérence.

Sur le fond, l’accord franco-britannique sur les drones pose également problème. La perspective de cette coopération est assurément un progrès, étant donné que le dossier n’avait pas progressé depuis dix ans, quand sa lacune capacitaire avait été identifiée au niveau de l’Union européenne. Une coopération bilatérale, en période de contrainte budgétaire, est toujours plus intéressante qu’un programme national. Mais avec des budgets de défense qui baissent en moyenne de près de 10 % en Europe, crise économique oblige, l’heure n’est plus à se demander avec qui il faut construire l’Europe de la défense.

Nous avons besoin de tous, et le pooling and sharing doit aujourd’hui autant être une question industrielle qu’une question capacitaire. Penser que nous pouvons nous permettre deux programmes européens de drones, que nous pouvons couper l’Europe en deux, voire plus, sur le seul programme en coopération susceptible d’aboutir depuis dix ans est une erreur. Nous connaissons la recette des bons programmes de coopération, et il faut battre en brèche le dogme selon lequel les programmes regroupant plus de deux États sont un échec. On parle aujourd’hui beaucoup de l’échec supposé du programme A 400 M, qui regroupe sept pays, et peu de la réussite réelle du programme de missile air-air Meteor, qui en regroupe six.

Un programme de coopération réussi est un programme au sein duquel les besoins opérationnels sont communs, au sein duquel la structure de maîtrise d’œuvre du programme est efficiente. Un programme de coopération réussi est un programme qui doit déboucher sur des alliances structurelles entre les industriels impliqués dans la coopération, qui doit permettre de consolider la base industrielle et technologique de défense européenne et qui doit avoir des débouchés à l’exportation.

Les deux premiers critères semblent aujourd’hui effectivement remplis dans l’accord sur les drones, mais si nous restons sur une seule base franco-britannique, il n’en sera pas de même pour les trois derniers. L’avion de combat Jaguar fut certes un excellent programme franco-britannique sur le plan opérationnel, mais il a débouché, faute d’alliance structurelle entre les industriels, sur la rivalité Eurofighter/Rafale dont nous souffrons tous aujourd’hui.

Le débat doit donc s’engager sur le programme de drone européen qui conditionne autant l’avenir de l’Europe de la défense que celui de l’Europe de l’armement.

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