Coteau rouge-Sympathique Rive-Sud

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
13.09.2011

  • Roy Dupuis et Céline Bonnier dans une scène de Coteau rouge.(攝影: / 大紀元)

André Forcier n'est pas un réalisateur qui fait des invitations à un repas frugal. Même avec peu de moyens, il ne sait que tenir des banquets. Banquet cinématographique de talents d'acteur, d'idées sensibles, de délires hétéroclites et d'humour bienvenu. Après Je me souviens, le voilà de retour avec Coteau Rouge, film aux multiples perles.

Une mère totémique de la famille des esturgeons est à l’origine du clan des Blanchard de Coteau Rouge sur la Rive-Sud de Montréal. Honoré (Paolo Noël), l’aîné de ce clan, est un ancien vidangeur de cadavres qu’il déchargeait dans les eaux du fleuve. Fernand (Gaston Lepage), fils d’Honoré, coule des jours heureux entre son gaz-bar et ses tournois de pétanque. Sa fille, Hélène (Céline Bonnier), se paie la traite depuis qu’elle a épousé Éric Miljours (Roy Dupuis), un riche promoteur. Tandis que son fils, Henri (Mario Saint-Amand), un ex-boxeur, accompagne sa femme Estelle (Hélène Reeves) dans les derniers jours de sa vie avec Alexis (Maxime Desjardins-Tremblay), leur fils de 15 ans. Comme dans plusieurs familles, l’harmonie est mise à mal : c’est grand-maman Micheline (Louise Laparé) qui porte son futur petit-fils pour Hélène et son gendre Éric. Ce dernier manigance pour acheter toutes les maisons ouvrières du quartier afin de les remplacer par des condos très chics.

Les scénaristes de Coteau Rouge (André Forcier, Linda Pinet et Georgette Duchaine) traitent les sujets de la cellule familiale et aussi celui de l'amour depuis des années dans le cinéma québécois. La relation amoureuse que cultivent les personnages d'Henri et d'Estelle est notamment magistrale, de même que celle du vieux couple de Fernand et Micheline et d'Alexis et une jeune princesse rebelle de son âge.

  • Mario Saint-Amand et Sandrine Bisson dans une scène de Coteau rouge.(攝影: / 大紀元)

La saga familiale est ce qui permet à autant de bonheur de se déployer dans le film. André Forcier a articulé le tout excellemment. Paolo Noël (Les doigts croches, Ma tante Aline) est aussi charismatique qu'à l'habitude, ici en tant que chef de clan. Mario St-Amand (Gerry, Lucidité passagère) joue un rôle d'un homme des plus aimants et attentionnés, rôle plus paisible que ses précédents. Son jeu est près de la nature qu'on lui connaît comme personnalité publique mais sans se démarquer.

Éric Miljours (Dupuis), Hélène (Bonnier) et Marine (Bianca Gervais) sont des personnages volontairement grossis, faisant songer à la version québécoise de Desperate Housewives. Pourtant, la caricature de Forcier sonne juste devant l'état du monde actuel. Leur jeu est évidemment convaincant et comique à souhait.

Féru raconteur d'histoires du Québec, Forcier troque son imaginaire exalté pour une poésie intime, pour des espoirs tenaces, donnant ainsi accès à son génie à un plus grand public. Il suffit de penser aux scènes où l'odeur des draps fraîchement séchés sur la corde à linge devient de plus en plus recherchée par les citoyens avoisinants de Coteau Rouge, de la cueillette scrupuleuse des raisins pour faire le vin, de la sensibilité et de l'ouverture de la localité pour une entreprise écologique, du lieu de rencontre social pour jouer à la pétanque, du goût du rustique et de ce qui est vrai... Forcier avance bien des préoccupations sociales du moment, mais toujours avec l'élan égayant bien personnel.

André Forcier réussit une nouvelle fois, avec moins de budget, à faire un film appréciable et consciencieux avec de grands noms. Même à cachet moindre, actrices et acteurs québécois savent la qualité de scénario et de réalisation qui les attendent. Le réalisateur va jusqu'à aller proposer des rôles mineurs à ceux et celles qui ont fait leurs preuves tels que Charlotte Laurier, Francine Ruel, Donald Pilon, France Castel et Pascal Montpetit. Une affaire en or pour chacun des camps, y compris pour l'état de santé du cinéma et bien sûr pour notre satisfaction.