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Le retour de l’histoire au cinéma

Écrit par Alain Penso, apenso@hotmail.fr
10.01.2012
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  • Le Havre d’Aki Kaurismaki (2011): Peut-on demeurer indifférent à un enfant traqué qui n’a plus de territoire où vivre?(攝影: / 大紀元)

Au début du cinéma muet l’histoire du monde dominait les sujets des films. Les cinéastes avaient essayé d’utiliser les pièces de théâtre avec leurs dialogues pour leur permettre de constituer des films à rebondissement. Ils s’étaient vite rendus compte que ce nouvel appareil d’art, le cinématographe, pouvait prétendre à plus original surtout avec des possibilités infinies (trucages, changements de plans, scènes parallèles, juxtapositions de plans, etc.) qu’il possédait.

La conquête du cinéma muet sur les sujets de films

Naissance d’une nation de D. W. Griffith (1915) est sorti 50 ans après la fin de la guerre de sécession. Le film raconte l’histoire de cette guerre mais c’est aussi une apologie du Ku Klux Klan, ce qui entraînera son interdiction dans plusieurs villes des États-Unis. Le film restera le plus gros succès de l’histoire du cinéma jusqu’en 1925, date à laquelle La grande parade de King Vidor prendra le relais.

Metropolis

Le monde contemporain ne se contente plus de la modernité qui lui semble fade en regard du classicisme ayant fondé une histoire du cinéma stable et reconnue des artisans du septième art. N’est-il pas étrange de constater en 2011 qu’un film comme Metropolis de Fritz Lang (1927), œuvre du ciné muet puisse toujours avoir du succès?

 

Metropolis s’inscrit dans une histoire, une sorte de conte idéologique du peuple allemand, qui cherche son unité ailleurs que parmi les hommes. La recherche de la puissance et du pouvoir est la clef de cette histoire  un savant fou met en chantier une machine, réplique d’une femme humaniste qui désire sincèrement améliorer le sort de «ses frères et sœurs». Le but recherché de cette manipulation technologique est de déstabiliser toutes luttes contre les patrons de Metropolis, les vrais maîtres du monde des vivants... Nous sommes en 2026, la production industrielle a créé de trop fortes inégalités, les ouvriers survivent dans les souterrains de Metropolis alors que les plus favorisés séjournent dans des gratte-ciel. Ainsi les ouvriers doivent-ils respecter l’ordre social sans protester au risque de voir cette mégapole exploser. Une femme proche des préoccupations des ouvriers initie une révolte... La classe ouvrière marche derrière elle, portée par une spiritualité, une sorte d’élévation de l’homme face à son destin.

Maudites soient les institutions qui gèrent la légalité et la normalité

M le Maudit de Fritz Lang (1931) est une œuvre qui montre la montée du nazisme au travers des institutions contestées par des bandits soucieux de leur indépendance. Une des scènes emblématiques du film, celle du procès macabre qu’organisent les malfaiteurs pour juger M le criminel, montre cette volonté de coller aux institutions judiciaires. M'évite d’être lynché grâce à l’intervention de la police. En fin de compte, un tribunal officiel ne fera pas varier la sentence choisie par les bandits puisque M le maudit sera condamné à mort, mais le film ne le montre pas. Les SA (sections d’assaut), au début de la prise du pouvoir par Hitler en 1933, n’étaient-ils pas des bandits oisifs que la violence allaient équilibrer. La nuit des longs couteaux résoudra leur désobéissance: les SS exécuteront leur chef. Le groupe paramilitaire des SA entrera dans les rangs. L’historien Marc Ferro a défendu la thèse selon laquelle ce film serait rempli d’indices indiquant la montée inéluctable du nazisme.

  • Oranges et Sunshine de Jim Loach: Les États peuvent exploiter un gisement lucratif d’enfants pauvres incapables de se défendre contre l’avidité de l’administration.(攝影: / 大紀元)

Le cinéma permet de mettre en lumière des pages d’histoire oblitérées

Margaret Humphreys, une assistante sociale de Nottingham, a mis au grand jour un des plus grands scandales de l’histoire récente: la déportation organisée de 130.000 enfants de l’assistance au Royaume-Uni entre 1930 et 1970.

Une jeune femme responsable de la protection de l’enfance a permis à elle seule de réunir des milliers de familles, d’obliger les autorités à rendre des comptes et d’attirer l’attention du monde entier sur cet affreux dysfonctionnement de la justice. Des enfants d’à peine quatre ans, croyant que leurs parents étaient morts, étaient envoyés dans des orphelinats à l’autre bout du monde, principalement en Australie. On leur avait promis des oranges et du soleil, mais ils ne trouvèrent à l’arrivée qu’une vie de travail forcé dans des institutions, victimes d’abus en tous genres, aussi bien physiques que psychologiques, dans un contexte de désert affectif total.

 

Sans le cinéma, l’histoire ne se serait même pas attardée sur ces problèmes tragiques qui ont pourtant touché des classes sociales sous-informées, livrées à l’autorité des puissants. Le cinéma a apporté son humanité grâce à ses réalisateurs talentueux. Jim Loach a fait un film clair et efficace empreint d’humanité: Oranges et Sunshine (sortie prévue en 2012) avec Emily Watson qui incarne Margaret Humphreys, Hugo Weaving et David Wenham. Il est étrange que ce film exemplaire, tourné en 2009, n’ait trouvé un distributeur que maintenant. Y aurait-il eu des pressions pour empêcher le film de sortir, pressentant sans doute que des responsables pourraient être, encore aujourd’hui, poursuivis pour abus de pouvoir et de confiance?

La mémoire retrouvée de l’immigration grâce à l’histoire et au cinéma

Welcome in Vienna d’Axel Corti (1986) est un film exceptionnel pour le ton utilisé tout au long de ce périple qui conduira l’un de ses héros à Vienne, dans son pays d’origine, avec l’intervention de l’armée américaine. Le dernier volet de cette trilogie dont la critique ne connaît que Welcome in Vienna présent sur les écrans en 1986. Dieu ne croit plus en nous et Santa Fé ne seront présentés que plus tard. L’ensemble de ces trois parties est réalisé entre 1981 et 1986 et conte les affres d’une toute petite partie de la communauté juive qui avait réussi à s’expatrier aux États-Unis dès 1938, un peu avant l’Anschluss qui a ligoté l’Autriche à l’Allemagne jusqu’en 1945. De retour avec l’armée américaine, les émigrés juifs autrichiens, devenus Américains, constatent que l’Autriche est partagée en plusieurs secteurs: russe, américain, britannique et français. Les personnages ressentent à leur retour une douloureuse nostalgie, ils demeurent des êtres blessés par le déracinement. Ils ont les yeux tristes des personnes qui ont tout perdu, jusqu’à leur identité.

Le cinéma de répertoire tonifie l’histoire des peuples immigrés

Le Troisième Homme (1949) de Carol Reed sur un scénario de Graham Greene, décrivait la situation de Vienne vouée aux trafics de toutes sortes, écartelée entre les différents secteurs russe, américain, britannique, français... et les mentalités qui s’y étaient installées, que même un écrivain américain, auteur de western, interprété par Joseph Cotten ne pouvait comprendre. Ce film a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 1949 et est souvent considéré comme l’un des meilleurs films noirs. C’est une exceptionnelle leçon d’histoire qu’Alex Corti, metteur en scène, et Georg Stefan Stoller, co-scénariste du film, nous ont donnée avec Welcome in Vienna. Ils ont réussi à rapporter la vie telle que les juifs l’avaient vécue tout près de la mort de leurs proches qui n’avaient pas eu cette chance inouïe de pouvoir sauver leur vie grâce à l’immigration pourtant grandement limitée. À la fin des années 90, sort en France cette œuvre majeure.

Les problèmes de l’immigration au cinéma

Le Havre d’Aki Kaurismäki (2011) plonge avec une simplicité redoutable dans les lugubres affaires d’immigration. Au Havre, la police est mobilisée car elle vient d’avoir des renseignements sur l’arrivée imminente d’un conteneur d’Africains clandestins. Un des quais du Havre est occupé par les forces de police qui demandent l’intervention de personnes cagoulées spécialisées dans les interventions musclées face à d’hypothétiques terroristes. Quand il rencontre un immigré, un enfant noir démuni, Marcel Marx, un écrivain à l’âme bohême, ressent le besoin d’agir. Il a le sentiment de se rapprocher du peuple en étant cireur de chaussures.

Son univers très restreint est partagé entre le bistrot, sa femme Arletty, ses amis et son travail. Il est déterminé à garder son optimisme et fait appel à la solidarité de ses voisins pour permettre à un enfant immigré africain de pouvoir rejoindre sa famille en Angleterre qui, contrairement aux lois françaises, a été accueillie. Marcel Marx est un homme déterminé qui n’utilise la parole que lorsqu’elle est nécessaire. Sa femme est très malade, Marx tente de faire face à une situation qui peut lui faire oublier son engagement à l’égard de cet enfant subissant une dangereuse fragilité. L’étranger devient le symbole de la fraternité entre les hommes. Le sujet du film fait penser au scénario passionnant de Philippe Lioret, avec Vincent Lindon, Welcome (2009) qui développait les mêmes thèmes.

Aki Kaurismäki, comme dans tous ses films, utilise un jeu de plans minimum pour faire passer ses idées. Son esthétique est minimaliste ce qui rend le film beau et doué d’une précieuse humanité où le cœur est au service des gens qui souffrent. Là les hommes sont exhortés à se prononcer sur leur humanité au plus profond de leur être. Même la police peut réserver des surprises. Jean-Pierre Darroussin en policier joue efficacement son rôle. Face à lui, André Wilms fait passer ses émotions dans une froideur et une retenue digne d’un virtuose qui jouerait une difficile et improbable partition au piano.

Le cinéma dans le domaine de l’histoire permet de rattraper des affaires d’hommes et de femmes que l’on songeait à oublier par pur désintérêt. Le cinéma restaure donc la mémoire de l’histoire souvent oublieuse de faits laissés au hasard et ne faisant pas partie de la mode du moment.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.