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Éviter un nouveau Srebrenica au camp d’Achraf en Irak

Écrit par David Kilgour
23.01.2012
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  • 24 décembre 2011. Les forces spéciales irakiennes montent la garde autour du camp d’Achraf, refuge des membres de l’opposition iranienne en exil, dans la province du Diyala à l’ouest de l’Irak, pendant une manifestation irakienne appelant à la fermeture du camp. (STR/AFP/Getty Images)(Stringer: STR / 2011 AFP)

A la mi-décembre, j'ai rencontré neuf citoyens canadiens d'origine irakienne et anciens résidents du camp d’Achraf en Irak. Malgré les menaces pesant de plus en plus sur leur vie – le premier Ministre irakien al-Maliki avait menacé d'attaquer le camp avant la fin de cette année – ils ont eu peine à laisser les 3.400 autres réfugiés derrière eux. Selon ces neuf personnes, en tant que réfugiés iraniens, aucun autre pays ne voudrait actuellement les accepter et ils seraient tués s'ils retournaient à Téhéran.

Ils ont été heureux que le sous-comité des droits de l'homme de la Chambre des Communes canadienne ait voté unanimement une proposition de loi appelant l'Irak à permettre aux observateurs internationaux d'accéder au camp d’Achraf, à repousser la date du 31 décembre 2011 fixée par al-Maliki pour fermer le camp et à demander au gouvernement canadien une résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies pour déployer des forces de protection à Achraf.

L’un d’entre eux a fait remarquer que son meilleur ami était «mort dans ses bras» lors de l'attaque irakienne à l'aube du 8 avril 2011. Au cours du second massacre – le premier a eu lieu en 2009 –, 36 personnes ont été tuées et 350 autres blessées.

Elham Zanjani s'est rendue à Achraf en 1999 à l'âge de 20 ans. Elle a été blessée lors de l'attaque d'avril dernier. «Un soldat irakien m'a jeté une grenade. Le jour précédent l'attaque, l'ambassade américaine à Bagdad nous avait prévenus que les forces irakiennes allaient déclencher une opération. Malgré nos appels au commandant des forces américaines de rester, son unité a reçu l'ordre de sortir du camp le 7 avril à 21h20. Cela nous a laissé sans aucune défense face à l'assaut massif des forces irakiennes.»

Al-Maliki avait écrit plus tôt ce mois-ci: «J'aimerais voir le problème complexe d'Achraf résolu pacifiquement et avec l'aide des Nations unies. Les résidents du camp sont considérés comme une organisation terroriste par de nombreux pays et n'ont donc aucune base légale pour rester. Aucun pays n'acceptera la présence d'insurgés sur son territoire, mais nous travaillerons dur pour trouver une solution pacifique qui respecte les valeurs internationales des droits de l'homme.»

Mais les promesses d'al-Maliki étaient malheureusement creuses. Quatre jours avant le second massacre à Achraf, il avait assuré aux diplomates américains à Bagdad qu'il n'attaquerait pas le camp. Fin décembre, l’AFP rapportait qu'il avait désigné les résidents du camp d’Achraf de «gang criminel».

Ces neuf personnes souhaitent que le Canada prenne l'initiative de pousser le Conseil de Sécurité des Nations unies à reporter la date limite du 31 décembre 2011. Une façon d’y parvenir serait de proposer d’accueillir un nombre limité de résidents au Canada. Cette action pourrait amener d'autres gouvernements à avancer des offres similaires et provoquerait une pression suffisante pour reporter la date limite de fin d’année pour que le Haut Commissariat des Réfugiés aux Nations unies s'occupe de tous les candidats. Environ 900 résidents semblent avoir déjà certaines connections avec des pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Australie.

L’histoire d’Achraf est complexe. Beaucoup de partisans des Moudjahidine du peuple d'Iran, qui se sont opposés aux régimes du Shah et aux religieux, se sont envolés pour la France après que des dizaines de milliers d'entre eux ont été exécutés par le régime de Khomeini après 1979. La France les a expulsés en 1986 afin d'obtenir la libération de quelques-uns de ses soldats capturés en Iran. Seul Saddam Hussein les avaient acceptés en Irak et avait fait construire le camp d’Achraf dans le désert. Les Moudjahidine du peuple d'Iran s’y sont installés et sont restés neutres lors de l'invasion américaine en Irak en 2003.

En 1997, pour démontrer sa bonne volonté envers le nouveau gouvernement iranien de Khatami, l'administration de Clinton a placé les Moudjahidine du peuple d'Iran sur la liste du Département d'État des organisations terroristes. Paul Martin, en tant que Premier ministre, a proscrit les Moudjahidine du peuple d'Iran du Canada en 2005. En Europe, sept tribunaux ont entre temps qualifié cette désignation de perverse et l'ont fait retirer des 27 pays de l'Union européenne. Malgré une décision de la cour d'appel fédérale américaine en juillet 2010, ordonnant la révision de la désignation, le Département d'État américain n'a pas encore pris de décision.

Les résidents d'Achraf ont été désignés comme des personnes protégées par les États-Unis selon la quatrième convention de Genève. Le gouvernement irakien, selon la loi internationale, a été obligé de reprendre la protection de tous ses résidents – en accord avec cette convention – lorsque les Américains ont quitté Achraf.

Le Colonel Gary Morsch, ancien chirurgien du bataillon américain à Achraf, a déclaré devant une audience au Congrès en juillet dernier: «Il n'y a aucune preuve d'activité terroriste, d'activité illégale, de coercition des membres des Moudjahidine du peuple d'Iran, d'armes cachées, ou de preuves que les Moudjahidine du peuple d'Iran ne respectent pas les accords avec l'armée américaine pour coopérer pleinement et soutenir les objectifs des États-Unis en Irak.»

«Les résidents étaient venus à Achraf pour aider volontairement les Moudjahidine du peuple d'Iran à établir un Iran démocratique et libre. C'est avec une grande tristesse que j'ai été témoin de l'abandon des résidents du camp d’Achraf par le même gouvernement qui m'a demandé de risquer ma vie pour les défendre», a continué le Colonel Morsch.

Les Nations unies ont également été très faibles dans la protection d'Achraf, alors qu'elles auraient dû maintenir une mission de surveillance du camp, en sachant que leur seule présence aurait suffi à empêcher plus de violence. Le 19 septembre, les Nations unies ont finalement reconnu que les résidents sont des demandeurs d'asile et doivent donc bénéficier de la protection de base pour leur sécurité et leur bien-être. Il est donc temps d'envoyer l'aide humanitaire pour éviter un nouveau Srebrenica en Irak.

David Kilgour est co-président des Amis canadiens pour un Iran démocratique, ancien procureur de la Couronne au Canada, ancien membre du Parlement canadien, ancien secrétaire d'État canadien pour la région Asie-Pacifique et auteur, avec David Matas, du Rapport sur les allégations de prélèvements d'organes sur les pratiquants de Falun Gong en Chine.

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