La Birmanie libère 651 prisonniers, et Washington s'apprête à rétablir les relations

Écrit par Kremena Krumova, La Grande Époque
23.01.2012
  • Le blogueur dissident Nay Phone Latt (centre)(攝影: / 大紀元)

Les dissidents soupçonnent un geste pour faire lever les sanctions

Le gouvernement birman a annoncé la semaine dernière la libération de 651 prisonniers. Le geste, que certains jugent un important pas vers l'avant, survient deux semaines après que le parti d'opposition – la Ligue nationale pour la démocratie (LND) – a reçu l'autorisation de faire campagne lors de la prochaine élection partielle en avril, et un jour après la signature d'un cessez-le-feu avec un groupe armé de l'ethnie karen. Néanmoins, certains dissidents estiment qu'il s'agit essentiellement d'un stratagème visant à faire lever les sanctions économiques.

Le président américain, Barack Obama, a qualifié la libération «d'avancée majeure» et la secrétaire d'État, Hillary Clinton, a annoncé que les deux pays allaient entamer le processus pour échanger des ambassadeurs, une première depuis 21 ans.

Les États-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Birmanie en 1990 après que la junte militaire a rejeté les résultats d'une élection remportée par Aung San Suu Kyi et la LND.

Parmi les prisonniers politiques ayant reçu l'amnistie, on retrouve des vétérans du mouvement étudiant de 1988, des moines ayant participé aux évènements de 2007 et des militants pour les droits de minorités ethniques. Les dissidents les plus connus ayant été libérés sont Htay Kywe, U Khun Htun Oo, Min Ko Naing et U Gambira.

«Je suis si content que ces gens, dont certains sont mes amis, ont été libérés! Je ne sais pas comment l'exprimer avec des mots! Ils n'auraient jamais dû se retrouver en prison en premier lieu! Ils n'ont rien fait de mal. Tout ce qu'ils ont fait c'est s'exprimer et défendre leurs croyances», commente Tim Aye-Hardy, directeur du Burma Global Action Network basé à New York.

Selon Amnesty International, 130 prisonniers politiques ont été libérés le 13 janvier, ce qui fait un total de plus de 477 depuis l'avènement d'un gouvernement civil. Cependant, il est impossible de dire combien de prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux.

«Cette libération de prisonniers politiques est un important pas vers l'avant, mais les portes doivent s'ouvrir encore plus pour laisser sortir tous les prisonniers de conscience», déclare Benjamin Zawacki, chercheur sur le dossier birman d’Amnesty International.

«Les autorités doivent effectuer le travail une fois pour toutes», ajoute-t-il.

En octobre 2011, Ko Ko Hlaing, conseiller politique principal du président Thein Sein, a dit qu'il restait «environ 600» prisonniers de conscience en Birmanie, ce qui pourrait correspondre aux 651 prisonniers dont les autorités ont annoncé la libération.

Ce nombre diffère grandement du total de 1992 prisonniers politiques compilé par Assistance Association for Political Prisoners (AAPP).

Un geste sincère?

Aye-Hardy, qui est un des instigateurs du mouvement étudiant en 1988, a des doutes quant aux vraies intentions du gouvernement birman.

Il affirme que l'amnistie n'indique pas un véritable changement, mais plutôt une stratégie bien planifiée visant à rencontrer les conditions de la communauté internationale pour faire lever les sanctions et pour que le gouvernement civil – ayant remplacé la junte il y a environ un an – obtienne finalement reconnaissance et crédibilité.

«Ils tentent de légitimer le gouvernement civil en ouvrant une petite fenêtre pour laisser entrer ces militants prodémocratie afin de démontrer que ces réformes et ces changements amènent la Birmanie vers la démocratie.»

Des sanctions économiques et politiques ont été adoptées contre la Birmanie en 1962 lorsque la junte militaire a pris le pouvoir dans un putsch et qu'elle a assujetti toute la population, y compris les minorités karen, kachin, mon et autres à un régime de terreur. L'Union européenne, les États-Unis et le Canada, entre autres, ont imposé des sanctions économiques à la Birmanie et l'ont isolée de la scène internationale.

Certaines sources ont suggéré que le nombre élevé de prisonniers politiques libérés était une réaction à la récente visite du secrétaire aux Affaires étrangères britannique, William Hague. Ce dernier a confié au président birman que les sanctions pourraient être levées en avril si la Birmanie libérait tous les prisonniers politiques, si elle permettait aux agences humanitaires de se rendre dans les zones de conflit et si elle tenait des élections partielles libres et justes le 1er avril.

Aye-Hardy estime qu'il est normal que les actions du gouvernement soulèvent des interrogations, puisqu'elles sont survenues trop rapidement et sans transparence ni explications concernant leur raison d'être. Dans le passé, des prisonniers ont été libérés seulement pour être arrêtés de nouveau. Les lois injustes qui ont servi à détenir ces prisonniers politiques sont toujours en place, fait-il remarquer.

«Alors cette petite fenêtre qu'ils ont ouverte pourrait se refermer n'importe quand, selon leurs besoins. Nous ne savons pas ce qu'ils planifient à long terme», déplore Aye-Hardy.

«Afin de prouver que les changements sont authentiques, le gouvernement doit être transparent, crédible et révoquer toutes les lois injustes le plus vite possible», conclut le dissident.

Version originale : Burma Releases 651 Prisoners, US Prepares to Restore Relations