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L’Inde réticente à ouvrir ses portes aux investisseurs

Écrit par Ashok Malik est journaliste et chroniqueur en chef à New Delhi
03.01.2012
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  • Le 30 novembre dernier à New Delhi, les membres de l'Association Nationale indienne des Marchands de détail manifestent contre l'Investissement Direct à l’Étranger (FDI, Foreign direct investment) dans la vente au détail de multimarque. Beaucoup d'Indiens craignent l'ouverture du marché aux grandes multinationales. (Raveendran/AFP/Getty Images) (Staff: RAVEENDRAN / 2011 AFP)

NEW DELHI. C'est un vestige persistant des effets d'une économie vielle de quatre décennies socialiste. Chaque fois que l'Inde amorce  un mouvement politique vers la création de richesse, c'est avec un certain sentiment de sacrifice et comme si elle faisait une faveur au monde extérieur et plus particulièrement aux États-Unis et à l'Occident. L'exemple le plus récent date de novembre, lorsque le gouvernement de coalition de l'Inde, dirigé par le parti au Congrès a tenté de libéraliser les investissements des entreprises étrangères dans le commerce de détail. Les protestations de l'opposition ont bientôt eu raison du gouvernement qui est revenu sur ses pas.

 Ce volte-face et cette impasse dans l'adoption des réformes, expliquent pourquoi en trois ans, l'Inde est passée du premier de la classe de la mondialisation à mauvais élève parmi les principales économies émergentes. En 2008-2009, l'Inde et la Chine étaient les rescapées de la crise financière et les invitées d'honneur du G20, devant donner le ton pour les échanges du  21e siècle. Si l'année 2011, elle, se termine, les  acteurs clés de l'économie indienne eux se préparent à de longues nuits froides et difficiles. 

Le gouvernement du Premier ministre Manmohan Singh avait proposé que l'on permette un FDI à hauteur de 51 % des commerces de détails multimarque. Des entreprises comme Walmart et Carrefour qui n'ont pas l'autorisation d'investir même un dollar dans les boutiques de vente au détail en Inde,  auraient ainsi pu ouvrir un magasin dans la troisième économie asiatique. Le gouvernement de Singh a aussi annoncé une décision visant à faciliter la participation des FDI  dans une seule enseigne de détaillant qui passerait de 51 à 100% de parts  - comme pour Marks & Spencer ou les boutiques de Apple. Suite au volte-face du  gouvernement, la participation étrangère au multimarque est avortée,  mais le changement de politique en faveur des marques uniques se maintient.

La Controverse des FDI

La controverse des FDI dans le commerce de détail tient à trois raisons. Tout d'abord  rappelons que  même si l'Inde est l'un des plus grands bénéficiaires de la mondialisation au cours des deux décennies passées, des franges importantes de la société restent profondément sceptiques face à l'investissement étranger et croient trop facilement à des théories du complot complètement bizarres.

En Inde, depuis une quinzaine de jours, plusieurs figures publiques – dont le militant pro-Gandhi Kisan Baburao plus connu sous le nom d’Anna Hazare, qui a émergé en 2011 comme le principal leader de la lutte anti-corruption - ont comparé les chaînes multinationales telle Walmart à la Compagnie anglaise des Indes orientales. Cette entreprise qui est arrivée en Inde au début du 17e siècle en tant qu'entité commerciale, a finalement levé sa propre armée et son gouvernement et est devenue la première puissance du pays avant le milieu du 18ème siècle.

Deuxièmement, la polémique a souligné les difficultés de poursuivre les réformes politiques et économiques  évidentes et indispensables dans une démocratie indienne extrêmement concurrentielle et grincheuse. La limitation  des capitaux étrangers dans le commerce est décidée par décret présidentiel et ne nécessite pas d'approbation parlementaire, ni de changement de législation. Toutefois devant l'ampleur de l’opposition - qui va des  Communistes au parti de l'extrême droite Bharatiya Janata – et le chantage des petits partis au sein de la coalition au pouvoir - particulièrement le Parti Régional du Congrès Trinamool  qui dirige l'état oriental du Bengale - le gouvernement a dû capituler. 

Enfin, l'épisode a renouvelé la pression sur le gouvernement Singh afin qu'il relance l'économie indienne. Si elle connaissait une croissance de près de 10 %  il y a trois ans, l'économie du pays montre des signes alarmants de ralentissement. La croissance du PIB pour 2011-2012  (l'exercice fiscal indien s'étend d'Avril à Mars)  risque de tomber sous les 7 % contre un objectif de 9 % du gouvernement. Le déficit budgétaire va à coup sûr dépasser les 4,6 % promis dans le budget 2011 et pourrait  approcher les 6 %. La roupie chute vers un niveau historique vis-à-vis du dollar.

Les statistiques officielles du gouvernement montrent qu'en octobre 2011 la production industrielle a reculé de 5,1 % par rapport à octobre 2010. La contraction des biens d'équipement a atteint les 25,5 % et expose le pessimisme des entreprises et la méfiance à investir dans de nouvelles infrastructures. La baisse du FDI et de la confiance des investisseurs dans les marchés de capitaux indiens est  également une source de préoccupation. L'inflation ininterrompue et l'utilisation de mesures fiscales par le gouvernement pour la contrôler - la Banque de Réserve d'Inde (BRI) a augmenté ses taux d'intérêt 13 fois au cours des 20 derniers  mois - ont créé un cercle vicieux. Sur son site twitter du 12 décembre,  Anand Mahindra, directeur général du Groupe Mahindra et l'un des magnats indiens les mieux connus écrivait que « l'économie est dans la tempête ».

Pour maximiser les avantages d'un système économique interdépendant, il faut donner de l'importance non seulement à la globalisation, mais aussi à un autre « g » qui est la gouvernance. Et c'est là que l'Inde a failli.  Confiant dans une croissance rapide certaine, le gouvernement mené par le congrès se retrouve face à un dilemme interne quant à la nécessité et à la légitimité politique de la déréglementation, de la suppression des  contrôles et de la réforme souple du marché.

Si le Premier ministre Singh est clairement favorable, son patron et chef du parti Sonia Gandhi, ne voit pas la croissance comme une priorité absolue - et le coût d'une gamme de projets d'assistance sociale et de programmes d'allocation qu'elle favorise laissent un impact dévastateur. Paradoxalement, c'est la population rurale qu'elle tient à protéger qui aurait le plus à bénéficier de la réforme à présent avortée. Un économiste indien prévient que l'Inde pourrait facilement devenir le nouveau Brésil : « Depuis les années 1960, on entend parler du Brésil comme d'une future grande puissance mondiale. L'espoir est renouvelé tous les deux ou trois ans, mais ce pays  n'a jamais décollé ».

 

Les Pro et les Anti

L'initiative d’accepter plus de financements étrangers direct dans le commerce de détail a été prise après une grande accalmie réformiste. C'était une tentative de Singh de briser la perception de paralysie politique du pays. Son gouvernement a dès lors été secoué par une série de scandales de corruption au cours de l'année écoulée et a épuisé  son capital de sympathie politique. Comme l'a admis le ministre Indien des Finances qui a pris la décision de mettre le FDI « en attente », s’entêter à ouvrir le commerce détaillant à ce moment là, c'était prendre le risque de provoquer des élections à mi-mandat. Le gouvernement a en réalité choisit de brandir le drapeau blanc.

Ironiquement une forte présence des gros détaillants pourrait fournir à moyen terme à l'Inde des solutions à certains défis, particulièrement incisifs - inflation alimentaire, manque de productivité agricole et gaspillage de produits alimentaires. Le déploiement du principe des salaires arbitraires, comme c'est le cas par exemple dans l'industrie des technologies et de l'information du pays pourrait un jour prochain, faire des fermiers indiens d'importants exportateurs de nourriture. Les chaînes géantes d'approvisionnement transcontinental de détail comme Wal-Mart pourraient aussi être bénéfiques aux consommateurs indiens,  dans la mesure où la moitié du produit intérieur brut indien est entraîné par la consommation privée.

Au lieu de cela, l'éternelle énigme de « qui de la poule ou de l’œuf vient en premier », a servi à contrecarrer  les investissements dans la vente au détail. Les critiques ont clamé que la mondialisation inonderait les marchés indiens et saperait la fabrication locale. D'autres ont prétendu qu'un réseau d'intermédiaires politiquement influents  - coincés entre les producteurs et les consommateurs - finirait par avoir besoin de  protection. La vérité est qu'à chaque changement de politique, il y a des perdants et des gagnants. Pourtant, sans prise de risque et prise en considération des turbulences à court terme, on ne peut pas atteindre les objectifs espérés à long terme.

Après 20 ans d'ouverture économique du pays au monde, les politiciens indiens devraient connaître cette vérité politique de base. Pour une raison ou une autre ils ne la connaissent pas ou plutôt refusent de la connaître. En conséquence, il y a une réticence aussi bien qu'une impossibilité de vendre les réformes économiques et la mondialisation à une des plus grandes populations domestiques. Les leaders politiques en Inde  espèrent que le reste du monde va attendre qu’ils peaufinent leur particularité. En attendant, le reste de la planète peut décider simplement de continuer à vivre et de choisir d'ignorer l'Inde. 

Ashok Malik est journaliste et  chroniqueur en chef  à  New Delhi.  Il écrit pour des publications indiennes et étrangères sur l'économie politique de l'Inde et la politique étrangère, et leurs intersections grandissantes.

Avec l'autorisation de  YaleGlobal Online. Copyright © 2011, Yale Center for the Study of Globalization, Yale University.

Version Originale : http://www.theepochtimes.com/n2/opinion/indias-unwillingness-to-open-doors-to-investment-164250.html

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