«Je supplie l'Union européenne de ne pas engager de relations commerciales, en particulier des marchés honteux, avec les États non démocratiques. Je supplie l'Union européenne de ne pas le faire! Ne soutenez pas les États non démocratiques dans la répression de leurs peuples encore plus qu'ils ne le font déjà».

Tel était le discours de l’avocate Shirin Ebadi, après deux jours de discussions enthousiastes entre chefs d'État et autres spécialistes du développement lors des Journées sur le développement européen à Varsovie en décembre. Shirin Ebadi, ancienne juge et fondatrice du Centre des défenseurs des droits de l'homme en Iran, a reçu le prix Nobel de la paix en 2003. L'intervention de Shirin Ebadi était aussi puissante et convaincante que son message était direct. Selon elle, il faut éviter tout engagement économique avec les régimes oppressifs.

«Je supplie l'Union européenne de ne pas accepter l'argent sale des dictateurs», a-t-elle ajouté.

Dans l'économie de marché, les producteurs sont dispersés dans le monde entier et les chaînes de distribution sont sans cesse à l'affût de nouveaux marchés. Par exemple, les producteurs de téléphonie mobile ne peuvent pas se passer d'oxyde d'étain ou de coltan. L’un est utilisé dans les ordinateurs portables et l’autre dans les téléphones portables. Ces deux minerais proviennent de la République démocratique du Congo et le contrôle de ces ressources naturelles a déclenché d'horribles guerres civiles qui ont causé la mort de près de 5 millions de Congolais ces quinze dernières années. Certains gouvernements occidentaux bénéficiaires de ces ressources ont plié face aux pressions. Ainsi l'an dernier, le Congrès américain a voté des lois limitant les échanges de minerais avec le Congo, pour mettre un terme aux horreurs engendrées tels que les enfants soldats.

Shirin Ebadi a commencé par accuser l'entreprise suédoise de téléphonie mobile Ericsson de vendre des logiciels et d'autres technologies aux services de renseignements iraniens, leur permettant de surveiller avec plus d'efficacité les militants suspectés de s'opposer au régime. Ebadi a déclaré que de nombreuses personnes s'étaient retrouvées en prison à cause de cela.

Elle a également accusé Eutelsat et son satellite Hotbird d'avoir cédé aux pressions du régime iranien et d'avoir enlevé deux chaînes en langue perse, BBC et Voice of America, et de les avoir replacées sur un satellite éloigné presque inaccessible en Iran. La société a également joué le même tour à la chaîne de télévision en langue chinoise New Tang Dynasty (un média partenaire de The Epoch Times) qui a vu ses programmes supprimés du satellite Hotbird en juin 2008 sous la pression du régime chinois qui n'appréciait pas que cette chaîne diffuse des informations concernant les violations des droits de l'homme en Chine.

Ebadi n'a pas épargné l'entreprise de satellites Eutelsat. L'État français détenant près d'un quart d'Eutelsat (Ebadi a parlé de 40%, mais selon le dernier rapport Bloomberg de novembre 2011, il s'agit de 25,62%), Ebadi a accusé Paris de complicité. «Ma question au gouvernement français est: pourquoi aidez-vous le gouvernement iranien à censurer ces chaînes?»

Bronislaw Komorowski, le président polonais, a prononcé le discours d'ouverture et souligné la signification spéciale pour la Pologne d'accueillir cet évènement.«Le fait que les Journées du développement européen se déroulent ici en Pologne a un sens symbolique. Il y a 30 ans, la loi martiale était imposée en Pologne. Ceux qui rêvaient de liberté et de démocratie ont été envoyés en prison ou dans des camps. Nous nous souvenons de cette époque difficile. Et c’est grâce à cette difficile expérience il y a 30 ans, qu’aujourd'hui, nous pouvons nous engager à soutenir la liberté et la démocratie ailleurs dans le monde.»

Shirin Ebadi, ajoute, courageuse: «Que font les dictateurs à la retraite ? Ils achètent des propriétés en Europe. Ne les laissez pas faire, tout simplement! N'acceptez pas leur argent sale! Aidez à rendre le monde moins accessible à ces dictateurs.»