Article critique du New York Times sur Wen Jiabao

Recherche indépendante ou fournie par une faction de Pékin?

Écrit par Stephen Grégory, Epoch Times
29.10.2012
  • Un article du New York Times se penche sur la fortune qu'aurait amassée la famille du premier ministre chinois, Wen Jiabao. (Liu Jin/AFP/Getty Images)

Le New York Times a publié le 25 octobre un long article sur la fortune amassée par la famille du premier ministre chinois, Wen Jiabao, mais des doutes ont été soulevés sur l'origine des informations. L'article est-il le fruit des recherches du quotidien ou bien a-t-il été facilité par la faction du politicien disgracié, Bo Xilai?

L'article de 4700 mots du New York Times (NYT) indique que la famille de Wen Jiabao a amassé 2,7 milliards de dollars et il explique comment elle a utilisé le nom et l'influence de Wen pour conclure les ententes commerciales qui ont généré la fortune.

Boxun, un site de nouvelles en chinois basé à l'extérieur de la Chine, a anticipé le reportage du NYT dans un article publié le 23 octobre. Boxun a signalé que de l'information était offerte à des médias de langues chinoise et anglaise par une «faction conservatrice». Cette information s'est avérée très similaire à ce qui a paru dans le NYT deux jours plus tard.

Boxun a écrit que «plusieurs médias américains grand public ont aussi reçu beaucoup d'informations détaillées» sur Wen Jiabao. Ces informations sont fournies par une «faction conservatrice» pour attaquer ses adversaires au sein du Parti communiste chinois (PCC), selon Boxun.

Dans une émission le 26 octobre, le journaliste Dong Fang à Pékin a indiqué à Voice of America que tous les médias avaient reçu les mêmes informations sur Wen Jiabao que celles qui ont été publiées par le NYT. Ces informations étaient accompagnées d'états vérifiés, selon Dong Fang.

L'éditeur d'un site de nouvelles en chinois indépendant, désirant conserver l'anonymat, a indiqué en entrevue que chaque fois qu'un média coréen, japonais ou occidental publie un reportage détaillé sur les secrets des fonctionnaires du PCC, «ces reportages leur sont fournis. Ces médias sont incapables de développer ce genre d'informations eux-mêmes».

Le 26 octobre en soirée, le NYT a publié un article dans lequel David Barboza, l'auteur de l'article sur Wen Jiabao, explique comment il a obtenu l'information.

Selon M. Barboza, la plupart des documents corporatifs et financiers sont dans le domaine public et les organisations médiatiques peuvent y accéder en Chine. «À la fin de l'année dernière, le Times a révisé des documents obtenus à Pékin, Shanghai, Tianjin, Shenzhen et autres villes. Ces documents ont permis au Times de tracer le réseau d'amis et de proches du premier ministre alors qu'ils bâtissaient un empire commercial multimilliardaire au cours de la dernière décennie, souvent avec l'aide de riches entrepreneurs.»

Désaccord de 2,2 milliards de dollars

Depuis la publication de l'article du NYT sur la richesse de la famille Wen, deux articles publiés remettent en question le récit sur comment la famille aurait obtenu sa richesse.

Le site en langue chinoise Mingjing, basé à New York, a interviewé Duan Weihong, qui occupe une place importante dans le reportage du NYT. Mme Duan est identifiée comme la personne par laquelle la famille Wen a acquis des parts dans la Ping An Insurance Company, parts qui ont atteint une valeur de 2,2 milliards de dollars.

L'article de Mingjing confirme que Mme Duan a bien été interviewée par le NYT. En entrevue avec Mingjing, Mme Duan a insisté qu'elle avait dit au NYT que les parts au nom des membres de la famille Wen appartenaient en fait à elle, ce que le NYT a rapporté.

Les reportages du NYT et de Mingjing diffèrent sur la question de la propriété actuelle des actions. L'article du NYT indique que les documents de la compagnie n'étaient plus dans le domaine public après 2008, mais suppose que la famille Wen a effectué un gain de 2,2 milliards de dollars avec les actions.

Mme Duan a déclaré à Mingjing qu'après 2008, tous les actionnaires ont quitté sa compagnie et que toutes les actions ont été mises sous son nom. «Mais le journaliste du New York Times n'a pas du tout tenu compte de mes propos», a-t-elle commenté à Mingjing.

«Si cela est vrai, pas un sou des 2,2 milliards en actions n’est allé dans les comptes des proches de Wen», commente Mingjing.

Dans un article publié le 27 octobre, Boxun se penche également sur les liens Duan-Wen.

Selon un journaliste de Boxun à Pékin, les proches de Wen possédaient des parts dans Ping An entre 2004 et 2005, lorsque Mme Duan a utilisé les pièces d'identité de ces personnes pour acheter les parts.

Selon Boxun, Ping An est devenue une société cotée en 2008 et tous les proches de Wen avaient déjà quitté la compagnie. Ping An a commencé à encaisser des profits en 2009. Mme Duan a conservé des documents qui prouvent sa version des faits, selon Boxun.

Boxun affirme que le NYT n'est pas en mesure de prouver que les proches de Wen ont encaissé 2,2 milliards de profit avec les actions de Ping An.

Intentions cachées

L'article du NYT sur la famille de Wen a frappé une corde sensible à Pékin : le site Internet du quotidien a été immédiatement bloqué.

Selon Voice of America (VOA), un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Hong Lei, a accusé l'article du NYT d'avoir des «intentions cachées» visant à «salir la Chine».

La porte-parole du NYT, Eileen Murphy, a répondu à la critique en disant que le quotidien n'allait pas compromettre ses standards journalistiques ou ajuster son traitement de l'information pour se plier «aux demandes du gouvernement chinois», selon VOA.

L'article du NYT reconnaît que certains intérêts politiques vont profiter des informations rapportées. Dans l'article, un ex-collègue de Wen non identifié déclare que «ses ennemis tentent de le salir en faisant couler [ces informations]».

L'article du NYT indique également que les nouvelles sur la richesse de sa famille pourraient affaiblir Wen Jiabao politiquement à l'approche du 18e Congrès du Parti. C'est à ce congrès, devant avoir lieu le 8 novembre, qu'une nouvelle génération de dirigeants communistes sera nommée.

Selon l'ex-chef du dossier Chine au sein du Parti démocratique progressiste (l’opposition) à Taiwan, Dong Li-wen, l'article du NYT «est directement lié à la lutte de pouvoir à l'approche du 18e Congrès du Parti. Wen Jiabao a depuis longtemps maintenu une position politique ferme et cet article pourrait être en représailles pour son soutien ou son opposition à certains membres du Politburo. Ses adversaires pourraient avoir coulé l'information aux médias étrangers», rapporte Radio France Internationale.

Faction conservatrice

Boxun a écrit que de «l'information exhaustive» au sujet de la famille de Wen était distribuée par une faction conservatrice qui utilise «une planification méticuleuse à long terme et des documents exhaustifs obtenus auprès du personnel gouvernemental» pour mener ses attaques contre ses adversaires.

Boxun a cité en exemple un article du mois de juin publié par Bloomberg qui discutait de la richesse de la famille du prochain dirigeant présumé du PCC, Xi Jinping, considéré un ennemi par la faction conservatrice.

L'article de Bloomberg s'est appuyé sur une immense quantité de documents, dont plus de 1000 pages au sujet de la famille Xi et de leurs compagnies, le tout colligé, comprenant même des copies des cartes d'identité des personnes et des photos de leurs résidences, selon Boxun.

Les informations diffusées au sujet de Wen Jiabao seraient de nature très similaire. Selon Boxun, les informations étaient «exhaustives» dans leurs détails et comprenaient de «l'information sur les activités commerciales du fils de Wen Jiabao, Wen Yunsong, y compris les relevés mensuels».

«De cela on peut s'apercevoir que si personne au sein de l'État n'avait aidé à rassembler ce matériel, il aurait été impossible d'obtenir ce genre d'informations hautement confidentielles», écrit Boxun.

Boxun affirme que la faction conservatrice souhaitait atteindre «l'effet d'un assaut stéréoscopique». Dans les cas de l'attaque contre Xi Jinping en juin et l'attaque actuelle contre Wen Jiabao, l'information utilisée a été offerte aux médias de langues anglaise et chinoise dans l'espoir d'obtenir une couverture simultanée.

Guerre de l'information

Boxun inscrit l'information diffusée au sujet de la famille de Wen Jiabao dans le cadre de tentatives de Bo Xilai, récemment expulsé du PCC, et d'autres d'utiliser «d'immenses ressources pour lancer continuellement des attaques médiatiques contre Wen Jiabao et sa famille durant les dernières années».

Les luttes de pouvoir au sein du PCC se traduisent par une guerre de l'information, ce qu'Époque Times et d'autres médias ont rapporté.

 

Selon un article publié dans l'Open Magazine de Hong Kong en mai dernier, lorsque l'ex-chef de police de Chongqing et bras droit de Bo Xilai, Wang Lijun, a tenté de faire défection au consulat américain de Chengdu en février, il aurait apporté avec lui des documents détaillant comment Bo Xilai avait donné l'ordre de s'en prendre aux hauts dirigeants, dont Wen Jiabao, en répandant des informations sur Internet.

Époque Times a publié un reportage exclusif en avril dernier décrivant comment Bo Xilai et le chef de la sécurité, Zhou Yongkang, avaient travaillé en 2009 et 2010 avec le moteur de recherche chinois Baidu pour forcer Google à quitter la Chine.

Selon des informations fournies par un haut fonctionnaire de Pékin, l'article décrit comment Bo Xilai et Zhou Yongkang ont posé ce geste afin d'utiliser Baidu pour attaquer leurs adversaires.

Selon des rapports d'enquête du Comité pour l'inspection de la discipline du PCC, Bo Xilai et Zhou Yongkang avaient établi un «plan très détaillé pour lancer une campagne agressive en ligne contre Hu Jintao [président chinois], Wen Jiabao et Xi Jinping».

Des articles publiés en 2010 sur Baidu, grâce aux efforts de Bo et Zhou, avaient des titres comme Le fils de Hu Jintao est terriblement corrompu, Jiang Zemin veut aller au fond des choses et Xi Jinping est un pervers, il court après les femmes au Zhejiang dans le dos de sa deuxième épouse.

 

Un exemple plus récent de ce genre de manipulation dans les médias est survenu au mois d'août, lorsque des médias en langue chinoise à l'extérieur de la Chine et des médias occidentaux ont publié des articles affirmant que Hu Jintao avait l'intention de démissionner de la Commission centrale militaire. Selon une source d'Époque Times, ces fabrications ont été placées par Zhou Yongkang, membre de la faction de l'ex-dirigeant du PCC, Jiang Zemin.

Boxun a mis l'accent sur le rôle de Bo Xilai et d'une certaine «faction conservatrice» non identifiée dans la distribution des informations sur Wen Jiabao aux médias. Il n'est pas clair comment Bo Xilai aurait pu être impliqué directement. Il est actuellement derrière les barreaux dans la prison de Qincheng à Pékin.

Bo Xilai est associé de près à la faction de Jiang Zemin. Lorsque Jiang Zemin a lancé sa campagne pour éliminer la discipline spirituelle du Falun Gong en 1999, Bo Xilai y a participé sans retenue.

Époque Times a rapporté dans le passé comment la faction de Jiang, qui a perdu son emprise sur le pouvoir, cherche maintenant à éviter d'être tenue pour responsable pour les atrocités commises dans le cadre de la persécution, toujours en cours, du Falun Gong, ce qui génère une lutte de pouvoir au sein du PCC.

Jane Lin et Matthew Robertson ont contribué à cet article.

Version anglaise : New York Times Wen Jiabao Story: Independent or Used by Beijing Faction? [Updated]