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Des enfants sans l'abri nucléaire de la famille

Entretien avec Dr Chicoine sur les contrecoups que la jeunesse aura à subir à cause de la hausse de l’éclatement des familles

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
05.10.2012
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  • Dr Jean-François Chicoine est toujours intéressé aux questions relatives à la famille. (Le monde est ailleurs)

Les familles nucléaires conventionnelles sont en baisse au Québec. Les statistiques du dernier recensement (2011) publié par Statistique Canada il y a quelques jours viennent d'officialiser cette réalité. L'impact que cela occasionnerait chez les enfants pourrait être important. Entrevue sur la question avec Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine et directeur scientifique de la société privée et incorporée Le monde est ailleurs.

Familles monoparentales en hausse

Le pédiatre est catégorique : l'enfant élevé par un seul parent est en quelque sorte moins libre parce qu'il a moins été en contact avec des modèles différents. «Souvent, le parent seul va avoir du mal à gérer les limites et va utiliser l'enfant comme un ami ou bien la relation ressemblera à celle d'un couple. Le rapport de parentalité sera de plus en plus flou.» Aux yeux du spécialiste, cela pourrait expliquer en partie l'augmentation des «Tanguy», ces jeunes qui vivent aux dépens de leurs parents.

Un portrait très clair se brosse pour Dr Chicoine lorsqu'il pense à l'effet de la famille monoparentale sur l'enfant. «On a pu avoir un bon exemple dans les rues avec le “printemps érable” que nous venons de vivre. La jeunesse qui en découle en est une qui est à la fois très dirigée, très stimulée, beaucoup plus que les générations précédentes. Elle a une multitude de possibilités et d'ouvertures devant elle mais, en même temps, elle se veut une jeunesse un peu “ogre” qui ne peut être freinée.»

«Que ce soit une seule personne, homme ou femme, qui élève l'enfant, cette personne a deux chapeaux  : elle procure la nourriture affective, la proximité (bercer, cajoler, réconforter, etc.) et, en même temps, elle a le devoir de séparer, d'éduquer, de dire “non”, de structurer, de montrer des limites à “l'ogre” qui naît en nous. Comme il y a un seul modèle imposé à l’enfant, ça lui donne moins de liberté de choix d'où sa propulsion à aller chercher, à crier et à clamer sa liberté.»

Familles recomposées

Lorsqu'on parle de familles recomposées, on parle forcément de séparation ou de divorce. Dès le départ, Dr Chicoine s'oppose au fait que l'enfant ait deux maisons avant l'âge de trois à six ans, ce qui créerait une perte de repère chez l’enfant. À la difficulté de changement de lieu, s’ajoute souvent l’intrusion de nouveaux conjoints. «Selon les enfants, ça peut apporter du positif comme du négatif, mais ça commence à faire une multiplication de modèles. On oublie souvent que ce n'est pas seulement un autre “adulte parental” qui apparaît. Cette troisième ou quatrième figure venant intervenir dans la vie de l'enfant possède aussi la plupart du temps sa propre fratrie. Ça fait beaucoup d'ajustements et d'habitude de vie à modifier, en plus d'avoir ses parents véritables.»

«Toute cette situation suppose que l'enfant a ce qu'il faut pour encaisser le tout, l'affectivité pour tenir bon, le talent pour suivre cette dynamique. Il peut s'adapter s'il a les capacités, mais un enfant qui serait déjà fragilisé pourrait moins bien s'y conformer», précise Dr Chicoine aussi professeur adjoint à l’Université de Montréal.

Transmission de valeurs menacée

Ces métamorphoses continuelles que connaissent les familles permettent-elles de transmettre convenablement les valeurs que l'on voudrait donner à nos enfants? «C'est très irrégulièrement transmis quand la culture des jeunes se complexifie par plusieurs personnes. Ça fait au total beaucoup de valeurs, sans compter tout le travail que l'enfant aura à faire pour arriver à mettre de l'ordre dans tout cela. Notez qu'il y a en plus bien des valeurs contradictoires s'il y a eu séparation, s'il y a eu dispute. Il y a eu sans doute des mésententes de la part des parents sur des terrains bien importants.»

  • Les premières victimes des diverses allures que prennent les familles ces dernières années : les enfants. (Scott Barbour/Getty Images)

«Ce que les adultes ne comprennent pas aujourd'hui, c'est que l'enfant est capable de comprendre et de se concentrer sur une histoire importante avec un certain contexte. Il n'est pas capable de s'enligner sur quatre ou cinq et de les placer ensemble. Ça prend une possibilité d'abstraction qui va naître entre 11 et 14 ans. Avant cela, ce n'est pas assez logique pour lui.» C'est pour Dr Chicoine une évidence : la culture a précédé la cognition humaine. «On demande culturellement à des enfants de comprendre des choses que la nature biologique ne leur permet pas.»

Selon le pédiatre de renom, c'est entre les âges de 6 à 10 ans que l'on peut être actif dans la transmission de valeurs. «C'est un moment idéal pour expliquer des choses importantes aux enfants comme l'éthique, comment prendre soin de leur corps, le civisme, le racisme, l'intimidation, etc.»

J’habite chez mes parents

Selon Statistique Canada, le nombre de jeunes qui demeurent avec leurs parents à un âge tardif s’est stabilisé après avoir connu des montées notables lors des vingt dernières années. «Il y a de plus en plus d'enfants qui demeurent à la maison puisqu'ils ne sont pas capables de laisser leur parent [monoparental] seul. Ils se sentent responsables de leurs parents vieillissants.

«À partir du moment où il quitte le foyer familial, ce n'est pas pour partir vers de nouvelles aventures, c'est plutôt comme s'il brisait le couple, comme s'il détruisait la famille. C'est très difficile pour les enfants qui ont eu sur eux un seul regard. Il y a aussi une limite à ce que la statistique augmente!», lance en riant Dr Chicoine. Il précise parallèlement que la situation pourrait aussi être liée à un facteur économique.

«Une autre raison qui expliquerait ce mode de vie s'appliquant à plusieurs individus de cette génération est qu'ils ont probablement eu très peu de temps pour jouer à des activités libres jusqu'à sept et huit ans. On les a poussés, structurés et organisés beaucoup trop, et ce, dès la petite enfance. Cela a fait des personnes qui ont une capacité d'imagination et de créativité moins grande.»

Jean-François Chicoine parle, avec une certaine inquiétude dans la voix, de la conséquence pour les enfants n'ayant pas eu une stimulation plus lente et aérée. «Les enfants ont besoin de perdre du temps, sinon ils iront en chercher plus tard. Malheureusement, ce besoin tend à s'expérimenter à l'âge adulte avec une carte de crédit, contribuant ainsi à une forme de superficialité sociale, où la responsabilité globale est souvent absente. L'adolescence, dans ce qu'elle peut générer de négatif, a tout ce qu'il faut pour traîner un bon moment.»

 

 

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