La Turquie en tête des emprisonnements de journalistes, selon les spécialistes

Écrit par Jack Phillips, Epoch Times
20.11.2012
  • Eren Keskin (C), directrice du journal turc Ozgur Gundem, s’adresse à la presse tandis que des femmes kurdes montrent des photos de journalistes emprisonnés à Istanbul, le 10 septembre, lors de l’ouverture du procès de 44 journalistes ayant des liens présumés avec les rebelles du Parti Travailliste du Kurdistan (PKK). (Bulent Kilic/AFP/GettyImages)

Selon un rapport d’un organisme de surveillance sur la liberté de la presse, la Turquie compte dorénavant la part la plus importante de journalistes en prison au monde, ce qui est susceptible de mettre un frein sur sa candidature depuis longtemps souhaitée à l’Union Européenne.

Dans un rapport paru fin octobre, le groupe de surveillance du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a indiqué que 76 journalistes ont été emprisonnés en Turquie depuis le mois d’août de cette année. Selon l’analyse du CPJ, la grande majorité d’entre eux, c’est à dire 61 personnes, sont retenues en raison de leur profession liée au journalisme. Les 15 autres sont retenus pour des raisons qui ne restent floues.

Recep Tayyip, premier ministre du Gouvernement Erdogan, «a récemment mené l’une des plus grandes répressions au monde sur la liberté de la presse», a annoncé le groupe, ajoutant que les journalistes ont été arrêtés et emprisonnés pour  terrorisme ou sur des accusations «telles que dénigrer l’identité turque ou faire pression sur les procédures judiciaires.»

De plus, le groupe déclare que Erdogan lui-même a critiqué les journalistes et a appelé les médias à licencier des membres essentiels de leur personnel ou de les punir, en déposant un certain nombre de procès pour diffamation.

«Son gouvernement a suivi une affaire de fraude fiscale contre la plus grande société de médias du pays qui était largement considérée comme impliquée politiquement, ce qui a conduit à l’affaiblissement de l’entreprise », a déclaré le CPJ dans son rapport.

La Turquie a une longue histoire de répression contre les journalistes. Le CPJ fait remarquer qu’en 1996, la Turquie a emprisonné jusqu’à 78 journalistes.

«Aujourd’hui, les emprisonnements en Turquie dépassent ceux des pays les plus répressifs, dont l’Iran, l’Érythrée et la Chine», poursuivit-il.

Cela entravera probablement les chances de la Turquie pour adhérer à l’UE, tentatives qui ont débuté depuis 1987. L’UE a annoncé à la Turquie qu’elle devait améliorer sa position vis à vis des droits de l’homme.

Environ 70% des journalistes emprisonnés sont des kurdes couvrant les événements dans la partie sud-est du pays, où le gouvernement turc a longtemps lutté contre les militants séparatistes kurdes, y compris le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui est classé comme organisation terroriste par le ministère américain des Affaires Etrangères et d’autres gouvernements occidentaux.

Depuis 1984, selon certaines estimations le conflit entre le PKK et la Turquie a fait plus de 40.000 morts. Dans les derniers affrontements fin octobre neuf personnes ont été tuées dans la province sud-est de Hakkari, selon Al-Jazira.

Le CPJ a déclaré, au sujet de la situation des journalistes dans la couverture du conflit, que  «les activités de collecte d’informations basiques, telles que recevoir des informations, mener des entrevues, transmettre des informations aux collègues, ont été présentées par les procureurs comme des actes d’entreprises terroristes.»

Le gouvernement turc conteste les affirmations faites par le CPJ. Le ministre de la Justice Sadullah Ergin a répondu à la demande de commentaires du CPJ dans une lettre datée du 10 juillet, déclarant  que le nombre de journalistes en prison était inexact. Elle annonçait également que les accréditations de nombreux journalistes ont été rejetées.

«La Turquie fait un effort pour trouver un juste équilibre entre la répression de l’éloge de la violence et de la propagande terroriste, et la nécessité d’élargir la liberté d’expression.»

Ergin déclare dans la lettre au CPJ: «Nous sommes du même avis que la liberté de pensée et d’expression est une source fondamentale de la légitimité d’un État, qui constitue le fondement des actuels systèmes démocratiques.»

Version anglaise: Turkey is Leading Jailer of Journalists, Watchdog Says