La santé dans tous ses états

Écrit par Frédérique Privat, Epoch Times
28.11.2012
  • Face à la diversité de médicaments présente sur le marché, les patients et même les médecins ont parfois des difficultés à faire leur choix. (AFP PHOTO/Charly Triballeau)

Le 13 septembre dernier, les comptes de la Sécurité Sociale étaient rendus publics, confortant un déficit prégnant de 17,4 milliards d’euros pour la branche maladie. Ce déficit qui avait connu un pic en 2010 (30 milliards d’euros), s’explique, entre autres, par une consommation importante de médicaments en France. En effet, la France était en 2008,  le deuxième pays européen le plus consommateur de médicaments (en volume) et le premier concernant les dépenses de médicaments (environ 114 euros par habitant et par an). Une position peu enviable qui placerait presque les Français dans une catégorie d’accrocs aux produits chimiques. Pourtant, nombre de ces médicaments ont, depuis quelques années, mauvaise presse avec les scandales divers sur le Mediator, le Vioxx et autres, dont le nombre de décès causé demeure encore mal connu.

Contrôler la sécurité du consommateur

Fabriqués par les industries pharmaceutiques, les médicaments sont ensuite testés puis approuvés par l’ANSM, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de la Santé, créée en mai dernier afin de remplacer l’ancienne AFSSAPS, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé.

Sur le site de l’ANSM, on peut ainsi lire que l’agence reprend «les missions, droits et obligations» de l’AFSSAPS, tout en étant dotée de «responsabilités et de missions nouvelles». Ses missions premières sont d’«offrir un accès équitable à l’innovation pour tous les patients et de garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise sur le marché.»

Ces Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) sont pratiquées par des équipes d’experts dont l’intérêt est la recherche d’amélioration de la santé de leurs concitoyens. Seulement, nombre de ces experts, souvent décisionnaires, présenteraient parallèlement des conflits d’intérêts avec certaines industries pharmaceutiques. Être consultant pour un laboratoire pharmaceutique tout en participant aux décisions de mise sur le marché des médicaments  pour lesquels soit on est en consulting, soit on est en concurrence, est inévitablement une équation où se mêlent des intérêts personnels. On comprend mieux pourquoi des voix s’élèvent contre un manque d’éthique, voire une corruption de la part de ces experts qui ne devraient s’autoriser aucune influence venant des industries pharmaceutiques. 

L’exemple des États-Unis révèle une avancée intéressante dans la lutte contre la corruption pharmaceutique: Barack Obama a fait  adopter en 2010 le Sunshine Act, une loi visant l’obligation pour un fabricant de médicament ou de matériel médical de déclarer un paiement consenti à un médecin ou à un hôpital universitaire. Ce paiement quel qu’il soit, numéraire ou en nature (cadeau, repas, etc.) doit ainsi être déclaré et sera ensuite lisible par tout un chacun sur un site internet spécialement conçu à cet effet.

En France, deux professeurs de médecine, Bernard Debré, chirurgien et député UMP, et Philippe Even, pneumologue, dénoncent cet état de fait à travers un ouvrage imposant, dont le premier objectif est de démasquer les trop nombreux médicaments inefficaces pour la santé, voire dangereux pour certains, et qui, pourtant, demeurent encore sur le marché pharmaceutique français. Ce pavé de 900 pages recense ainsi «50% de médicaments inutiles, 20% de médicaments mal tolérés et 5% de médicaments “potentiellement très dangereux”». Les auteurs préconisent ainsi le retrait immédiat de 56 médicaments. Parallèlement des avis sont données sur quelques grandes pathologies du siècle, notamment les allergies et l’asthme, le cholestérol, l’hypertension, le diabète ou encore l’ostéoporose.

Cet ouvrage, qui a fait l’effet d’une bombe pour les consommateurs, dans les médias et dans l’opinion publique, en est aussi une pour les industriels en pharmacie, de même que pour certains médecins ne partageant pas ces opinions. Dans une interview accordée au Nouvel Observateur, Philippe Even expose son point de vue sur l’industrie pharmaceutique qui est selon lui «la plus lucrative, la plus cynique, la moins éthique de toutes les industries, de tous les domaines réunis…». Lucrative, car les médicaments sont, dans la plupart des cas, «payés entre deux et dix fois plus chers que les autres pays européens», rajoute-t-il. Les principes de l’éthique, qui renvoient à la prévention de la corruption, peuvent se retrouver aussi dans la terminologie de la santé sans cesse dégradée tout au long de l’histoire.

La médecine en histoire

Pour tenter de comprendre la situation actuelle en France, il est intéressant de revenir aux principes premiers qui ont bâti les fondements de la médecine. Dans la Chine antique, la notion de santé demeurait par exemple, étroitement liée à celle du Tao (le Tao, littéralement «la Voie», est une pratique spirituelle indiquant à l’homme comment retrouver son propre chemin, sa vraie nature, grâce à des règles morales et éthiques). Ainsi, Sun Simiao, éminent médecin sous la dynastie Tang s’exprimait ainsi: «Si l’homme a une bonne moralité, sa vie sera longue et heureuse sans qu’il prenne de médicaments». On retrouve encore ces préceptes dans le Qigong aujourd’hui, enseignant l’amélioration de la moralité comme garant d’une bonne santé.

Parallèlement, en Grèce antique, la philosophie permettait de soigner l’âme tandis que la médecine agissait sur le corps, l’un restant inséparable de l’autre. Platon pensait ainsi que «l’homme en lequel la raison domine est plus sain que celui qui s’abandonne à la pente naturelle de ses désirs». C’est ensuite Hippocrate de Cos, qui au VIe siècle, a été le premier à dissocier la philosophie de la médecine. Il est considéré comme le père de la médecine actuelle, avec le fameux serment d’Hippocrate que doit connaître chaque médecin avant de commencer à pratiquer. Au Moyen-Âge, sont apparus les premiers hôpitaux gérés par l’Église catholique jusqu’au XIXe siècle où la médecine connaît des avancées significatives se détachant de l’Église pour se sectoriser en une multitude de disciplines distinctes (bactériologie, neurologie, pédiatrie, etc.)

La grande avancée suivante apparaît avec la fin de la Deuxième guerre mondiale. Des industries pharmaceutiques ont été créées pendant la guerre pour faire face à la demande de pénicilline toujours plus forte. Face à une France meurtrie et précarisée, le général de Gaulle met en place la Sécurité Sociale (ordonnance du 19 octobre 1945) et l’accès aux soins devient mutualisé pour que chaque citoyen devienne «administrativement solidaire» face à la maladie.

Le secteur de la santé actuel

Aujourd’hui, qu’en est-il de toutes ces innovations destinées à améliorer le confort médical des Français? Des industries pharmaceutiques qui tentent de dicter leurs lois au monde médical, une Assurance Maladie en perpétuel déficit, et de plus, des médicaments qui n’atteignent  pas pour certains leur but de guérir ou soulager leurs consommateurs. Le système s’est considérablement éloigné de l’objectif premier d’un accès à la santé pour chacun quelque soit son statut social.

En outre, le malaise semble gagner le milieu médical même. En témoignent les récentes grèves des médecins libéraux, chirurgiens, infirmières, personnel des hôpitaux, etc. concernant la loi des «dépassements d’honoraires», la grogne des internes qui réclament le respect de leurs temps de repos. Des patients de moins en moins bien soignés au profit de lobbies pharmaceutiques, des médecins de moins en moins reconnus, des gouvernements n’arrivant pas à restructurer et rénover le concept de la santé, sont nombre d’indices montrant que le système de santé français ne cesse de se perdre entre une terminologie complexe et opaque et le business de la maladie apprenant aux patients à rester dans une continuelle demande de médicamentation. Un peu de recul serait bien sûr nécessaire, pour tenter de mieux appréhender les raisons d’une bonne santé et l’équilibre à établir entre une médecine moderne  efficace et une médecine commerciale, inutile, voire dangereuse pour le patient.