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Florange: la désillusion

Écrit par Charles Callewaert, Epoch Times
11.12.2012
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  • Les haut-fourneaux de l’aciérie Arcelor-Mittal du site de Florange, en Moselle. (Jean-Christophe Verhaegen/AFP/Getty Images)

Les multiples rebondissements de ces dernières semaines entre Arcelor-Mittal et les membres du gouvernement français, à propos du maintien en activité de l’aciérie de Florange, laissent un goût très amer dans la bouche de nombreux Lorrains. Après l’épisode de Gondrange qui, malgré les promesses de Nicolas Sarkozy, a définitivement fermé ses portes fin 2009, celui de Florange s’apprête donc à suivre un sort similaire sous l’ère de François Hollande. 

Un «accord équilibré» qui se transforme en «marché de dupes»

Dans les jours précédant la date butoir fixée par Arcelor-Mittal pour la fermeture d’une partie des installations, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait tour à tour annoncé l’arrivée d’un repreneur, déclaré qu’il ne «voulait plus de Mittal en France», et brandi «l’arme de la nationalisation» pour tenter de faire plier le géant de la sidérurgie. Comme en écho, le maire de Londres, Boris Jonhson, qui était en déplacement en Inde, en profita pour se moquer des gesticulations françaises et déclarer aux industriels indiens: «Les sans-culottes semblent avoir confisqué le pouvoir à Paris… Venez à Londres!». Mais la crédibilité d’une nationalisation suscita un tel espoir parmi les syndicats et les 629 salariés du site que la présidente du Medef, Anne Parisot en dénonça immédiatement le caractère «scandaleux».

Aussi, lorsque le vendredi 30 novembre, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonça solennellement un accord avec Arcelor-Mittal prévoyant «180 millions d’euros d’investissement dans les cinq années à venir…, sans redémarrage des hauts-fourneaux à court terme, mais avec un engagement de Mittal à les maintenir en état dans l’attente du projet ULCOS de captage de CO2», ce fut la stupeur parmi les syndicats. Le Premier ministre eut beau marteler ensuite qu’il n’y aurait «ni nationalisation ni plan social», il devenait clair que le gouvernement avait reculé. Dès lundi, les syndicats exigeaient une publication de l’accord, mais le gouvernement refusa en arguant qu’il s’agit d’un accord industriel entre l’État français et un opérateur privé qui n’a pas à être rendu public».

Sa publication par le journal Le Monde le lendemain, confirma les doutes des syndicats qui dénonçaient un  accord de dupes»: en fait, seul un tiers des 180 millions annoncés sont des investissements stratégiques, le reste étant de la maintenance. Mais le Premier ministre, rappelant qu’il n’y aura pas de licenciements à Florange, et  que beaucoup de Français aimeraient avoir un tel résultat», réplique logiquement qu’une nationalisation, même provisoire, aurait coûté plus d’un milliard d’euros à l’État.

L’arrêt du projet ULCOS annihile tout espoir de relance du site de Florange

Cependant, jeudi 6 décembre, on apprit qu’Arcelor Mittal avait retiré son dossier de demande de subvention auprès de la Commission européenne pour le projet ULCOS, sur lequel le gouvernement fondait tous ses espoirs pour la survie de Florange. ULCOS (Ultra Low Carbon dioxide (CO2) Steelmaking) signifie Processus sidérurgique à très basses émissions de CO2. Ce procédé consiste à capter les importantes émissions de gaz carbonique induites par la fabrication de l’acier, puis de les épurer, les sécher et les injecter dans des couches géologiques stables pour un stockage sur une longue durée.

Très séduisant techniquement, il a pour avantage de fabriquer de l’acier avec une très faible pollution atmosphérique, donc de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. L’idée ne date pas d’aujourd’hui, mais les recherches et la mise au point d’un prototype industriel nécessitent de lourds investissements, dont une partie devait être financée par la Commission européenne. Le gouvernement comptait sur ce projet pour transformer le site de Florange en une vitrine française de haute technologie, exportable à l’étranger sur d’autres sites industriels alimentés par des énergies fossiles (charbon, fioul, gaz naturel). 

Il y aurait plusieurs projets ULCOS qui avaient été déposés auprès de la Commission européenne par divers pays dont la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne, mais qui auraient cependant tous été repoussés ou abandonnés pour un problème de financement. En effet, le montant total des aides prévues par l’Union européenne, qui avoisinait entre les 250-300 millions d’euros, devait être financé par les recettes issues de la vente aux enchères (sur BlueNext, la bourse européenne du carbone) des quotas d’émissions de carbone aux industriels pollueurs. Or, sous l’effet de la crise économique et des baisses de production industrielle qui s’ensuivirent dans l’Europe entière, on assista depuis plusieurs années à une chute inexorable des cours du carbone: alors que le cours avoisinait les 25-30 euros par tonne de C02 à l’origine de BlueNext en 2005, il est tombé à environ 15 euros/tonne début 2009, et avoisine actuellement les 6 euros/tonne.

En l’absence d’une réforme du marché du carbone, il devient donc très hypothétique pour la Commission européenne de financer les projets tels qu’ULCOS, et les messages rassurants du gouvernement expliquant qu’un nouveau projet ULCOS2 sera déposé «dès que les problèmes techniques auront été résolus» n’y feront certainement pas grand chose. Après la fermeture des mines de charbon, puis des chantiers navals, voici donc un nouveau secteur de l’industrie lourde française en grande difficulté. Il faut se rendre à l’évidence: produire de l’acier en Lorraine, dans une zone éloignée de la mer et assise sur des mines désaffectées, n’est plus du tout rentable actuellement ni dans un proche avenir, même en comptant sur la captation du carbone.

Le message est difficile à entendre pour des populations attachées depuis des années à un métier qu’elles ont fini par chérir. Quelque soit leur tendance, les hommes politiques s’honoreraient de dire clairement la vérité aux Français et de les aider à se reconvertir vers des secteurs d’avenir, plutôt que de les endormir avec des promesses intenables.

 

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