Le lac Vostok préservé de tout contact avec l’atmosphère depuis au moins 500.000 ans

Écrit par Héloïse Roc, The Epoch Times
18.02.2012

  • Une expédition scientifique en Antarctique.(攝影: / AFP ImageForum)

Des chercheurs russes viennent d’atteindre la surface du célèbre lac Vostok. Ils y sont parvenus, après plus de vingt ans de forage. Ce lac est un immense plan d’eau, vieux de 30 millions d’années, enfoui sous plusieurs kilomètres de glace dans l’Antarctique. L’agence RIA Novasti l’a annoncé le 6 février 2012 dans un communiqué. «Les chercheurs ont achevé un forage de 3.768 mètres, à la station Vostok en Antarctique, ils ont atteint la surface du lac subglaciaire». Ce lac, enfoui sous quatre kilomètres de glace dans l’Antarctique, a suscité de vives réactions au sein de la communauté scientifique internationale. Le glaciologue français, Jean Jouzel, fait part de ses inquiétudes, au Figaro, concernant les techniques utilisées lors de la dernière étape du forage qui risquent de contaminer le lac avec des bactéries de surface. En effet, les eaux du lac ont été préservées de tout contact avec l’atmosphère depuis au moins 500.000 ans.

Les eaux du lac pourraient contenir des formes de vie inconnues

L’étude d’échantillons provenant du lac Vostok pourrait permettre des révélations sur l’évolution de la Terre et contenir des formes de vie inconnues à ce jour, estimaient le 2 février des scientifiques. Dans la glace remontée, ont été trouvées des bactéries proches des protéobactéries et des actinomycètes peut-être âgées d’environ 500.000 ans. Selon les hypothèses, elles auraient été amenées par le vent et enfouies dans la glace ou proviendraient de l’eau du lac lui-même. Mais cette découverte a été contestée par une équipe franco-russe estimant qu’il s’agissait d’une contamination de la glace par le liquide de forage à base de kérosène.

Ainsi, Jean Jouzel, directeur de recherches au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) est très pessimiste: Je ne pense pas que cela amènera de grandes découvertes et cela risque de créer une pollution. Les Russes pensent qu’elle serait transitoire et peu importante, mais cela reste à prouver». Il explique qu’au début des années 2000, une équipe française était impliquée, mais elle s’est arrêtée à 120 mètres au-dessus du lac pour ne pas le polluer. Les Russes ont décidé de continuer, dit Jean Jouzel. C’est une question de prestige national. Cela semble plus important que l’intérêt de la communauté scientifique. Les chercheurs souhaitaient préserver le lac jusqu’à ce que l’on connaisse des techniques moins polluantes. Par ailleurs, Jean-Robert Petit du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) explique que les nations signataires du traité sur l’Antarctique ont attiré l’attention sur les risques de contamination par les opérations de forage», mais n’ont pas été écoutées.

Restons positifs

Le lac Vostok est immense, il mesure 250 kilomètres de long sur 50 kilomètres de large, dans ses dimensions les plus larges. Sa superficie est de 15.690 km2. ll est grand comme le lac Ontario mais est de trois fois son volume. Sa profondeur moyenne est de 344 mètres et son volume estimé à 5.400 km3. Il est divisé en deux bassins profonds, reliés par une sorte de col se situant environ à 200 mètres sous l’eau, alors que la profondeur est de 400 mètres dans le bassin nord et de 800 mètres dans le bassin sud.

Guerman Leïtchenkov, de l’Institut russe de Recherche scientifique, a déclaré à l’AFP: Il est possible, même si c’est peu probable, que des micro-organismes jusqu’ici inconnus de l’homme soient découverts». Ce lac est situé dans l’un des endroits les plus inaccessibles de la Terre. Des micro-organismes ont peut-être évolué et se sont accommodés à ces conditions rudes» sous la calotte glaciaire du Pôle Sud, a ajouté ce spécialiste des ressources de l’Antarctique.

Atteindre les profondeurs du lac au cours des années 2013-2014

Les scientifiques russes envisagent d’atteindre le fond du lac Vostok au cours des années 2013-2014, a indiqué Sergueï Boulat, spécialiste de l’Institut de Physique nucléaire de Saint-Pétersbourg, observant que la profondeur de l’eau en dessous du trou de forage était estimée de 600 à 700 mètres. L’eau du lac Vostok, est restée liquide grâce au réchauffement géothermique et à l’isolation par la couverture de glace.

Sergueï Lessenkov, de l’Institut russe de Recherche scientifique pour l’Arctique et l’Antarctique, déclare que «l’achèvement des travaux de forage permettra de réaliser une étude scientifique fondamentale» sur les changements climatiques. En effet, l’étude de cet immense plan d’eau devrait aider à tirer d’importantes conclusions sur l’histoire du climat de la Terre ainsi que sur l’existence de la vie sur d’autres planètes, dont la lune de Jupiter, qui possède elle aussi un océan sous-glaciaire.

L’écosystème du lac devrait être unique, du fait de l’hyper saturation en oxygène présente dans le lac: l’oxygène y est 50 fois plus présent que dans n’importe quel autre lac. Ainsi, Valery Lukin, chef de file de l’équipe de recherche, dit qu’une méthode astucieuse a été mise au point pour l’échantillonnage du lac sans le contaminer. Une fois que le lac est atteint, la pression de l’eau va être poussée vers le haut, tel un fluide, puis il congèlera de nouveau».

L’histoire et le lac Vostok, ses légendes

Alors que les chercheurs discutent des aspects scientifiques du projet, certains médias rappellent l’histoire du lac Vostok liée à une légende nazie. Cette légende raconte que les nazis allemands auraient construit une base secrète à ses alentours, lors de la Seconde Guerre mondiale. En 1943, l’amiral Karl Dönitz aurait déclaré que la marine allemande avait construit pour le Führer une forteresse inébranlable à l’autre bout du monde».

Une autre légende veut que, plusieurs mois après la victoire des alliés, un sous-marin allemand U-530 est arrivé au Pôle Nord depuis le port de Kiel, en mer Baltique. Les membres de l’équipage auraient creusé une grotte dans la glace pour y placer plusieurs conteneurs avec des reliques du Troisième Reich.

Pourquoi des lacs au cœur de l’Antarctique?

La plupart des lacs (88 %) sont enfouis sous 3 à 4 kilomètres de glacier. Un seul, situé en Terre de Mac Robertson, est à moins de 2 kilomètres de profondeur. Ils mesurent généralement moins de 10 kilomètres de long (pour 79% d’entre eux). Mis à part le gigantesque lac Vostok, les plus grands lacs semblent concentrés dans la station Concordia Dôme C, avec trois lacs de plus de 50 kilomètres de long, dont un sous le site de Concordia. Comment expliquer la présence d’autant de lacs à l’endroit le plus froid de la Terre?

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, très peu de lacs sont associés aux volcans antarctiques. Mais la présence d’eau liquide, sous les glaciers du continent austral, a bien quelque chose à faire avec la géothermie. Comme en tout point du globe, le flux de chaleur en provenance du noyau et du manteau se diffuse à travers la croûte continentale. Mais cette croûte étant couverte de glaciers, a la propriété d’isolant thermique, la glace piège le flux géothermique à l’interface entre le socle rocheux et la base du glacier. À l’intérieur du continent, la température moyenne ne dépasse jamais les -50°C et engendre un flux de froid qui se transmet à travers la glace à mesure qu’elle s’enfonce sous son propre poids.

La connaissance des eaux du lac

Trois communications ont été publiées dans l’hebdomadaire Science et rapportent un nouvel éclairage sur la biologie et les origines de la glace profonde qui recouvre le lac Vostok. Elles avancent de premières indications surprenantes: l’existence d’écosystèmes microbiens dans les eaux du lac. Ce sont dans les profondeurs du lac que se trouvent les choses les plus intéressantes», estime John Priscu, professeur environnemental à l’université de Montana. Selon les communiqués de la revue Science, le lac Vostok est une vaste étendue d’eau douce, comparable à celle du lac Ontario et vingt-cinq fois plus grande que celle du lac Léman, atteignant par endroits plus de 500 mètres de profondeur. Cette eau est située dans la partie la plus froide et la plus reculée de l’Antarctique. Les microbiologistes spéculent sur les formes de vie microscopiques qui peuvent exister dans les eaux du lac, car on a observé que dans de nombreuses régions de l’Antarctique, les micro-organismes règnent en maîtres: ils possèdent une remarquable capacité à survivre et même à se développer dans des conditions polaires extrêmes. Alors, pourquoi pas dans le lac Vostok?

Les chercheurs de Saint-Pétersbourg considèrent que ces bactéries thermophiles, découvertes dans la glace du lac d’après leur marqueur ADN, vivent non seulement dans l’eau du lac à une température de 2 ou 3°C, mais dans ses sédiments.

Les forages du lac Vostok ont débuté dans les années 1970

Les forages de la station antarctique Vostok avaient débuté dans les années 1970. À cette époque, on ignorait même l’existence de ce lac. Les forages réalisés alors avaient pour but de procéder à des études paléoclimatiques. En 1998, le forage profond du puits de glace au-dessus du lac avait été arrêté. À ce moment, la communauté scientifique polaire internationale avait recommandé de ne pas pénétrer dans la couche d’eau du lac tant que des technologies spéciales n’étaient pas au point. Il s’agissait d’exclure toute pollution des eaux, lors des forages. Ainsi, lors de la dernière campagne dans l’Antarctique une cinquantaine de mètres de carottes de glace a été prélevée, a déclaré Vladimir Lipenkov, responsable des travaux de forage de l’Institut de l’Arctique et de l’Antarctique, au retour de sa mission dans l’Antarctique, les travaux n’avaient pas atteint le lac.

Les forages ont repris il y a peu de temps et ceci grâce au nouveau système de forage qui doit permettre de prélever des échantillons sans contaminer le lac. Les scientifiques espéraient atteindre le but rapidement, apparemment c’est chose faite.