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L'Éthiopie utilise des lois antiterroristes pour museler l'opposition

Écrit par Peter Valk, La Grande Époque
07.02.2012
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  • Le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi(Stringer: TONY KARUMBA / 2012 AFP)

Un journaliste exilé écope d'une seconde peine de prison à perpétuité

La Cour supérieure éthiopienne a dernièrement octroyé de lourdes peines à cinq journalistes dissidents, dont un rédacteur exilé aux États-Unis, à la suite de vagues accusations de «terrorisme». Les détracteurs font état de fausses accusations et accusent à leur tour l'Éthiopie d'utiliser de soi-disant lois antiterroristes afin d'opprimer la population.

«Ils n'ont aucune preuve d'un quelconque acte de terrorisme. Je suis un partisan de la résistance civile pacifique pour déposer des dictateurs comme Meles Zenawi», affirme Elias Kifle, le rédacteur en chef d'Ethiopian Review qui a écopé d'une peine de prison à perpétuité par contumace.

Les accusés ont tous été reconnus coupables de crimes de nature terroriste et ont écopé de peines de prison allant de 14 ans à la perpétuité. Les preuves accumulées contre eux consisteraient essentiellement d'articles critiquant le gouvernement et de communications interceptées entre les journalistes.

«Les preuves des procureurs démontrent que la liberté d'expression a été criminalisée dans ce procès et que critiquer le gouvernement est un crime», a déclaré Claire Beston, recherchiste pour l'Éthiopie chez Amnesty International.

Plusieurs des articles incriminés rapportaient sur l'apparition fréquente du slogan Beka! (Assez!) un peu partout dans la capitale Addis-Abeba. Ce slogan visait à inciter les gens à participer à une manifestation pacifique contre le gouvernement au début de 2011 lorsque le monde arabe est entré en ébullition.

La vie en exil

Lorsque Elias Kifle, qui habite actuellement à Washington, D.C., a appris la nouvelle d'un de ses journalistes à Addis-Abeba qu'il venait d'écoper d'une peine à perpétuité par contumace, il a dit qu'il s'y attendait, ayant déjà écopé d'une telle peine en 2005 pour «trahison».

«Je n'ai pas eu d'autres réactions que de me dire de lutter plus vigoureusement que jamais pour aider à déposer cette junte tribale fasciste qui terrorise les gens en Éthiopie», explique M. Kifle.

Il y a environ 20 ans, lorsque M. Kifle était âgé de 16 ans, il est allé aux États-Unis pour étudier les sciences politiques. Il a décidé de dédier sa vie à aider à transformer la culture politique en Éthiopie qui, selon lui, «est une des plus pauvres au monde, puisque sa population est parmi les moins libres».

En tant que rédacteur de l'Ethiopian Review, un des sites de nouvelles et d'opinions les plus visités en Éthiopie – même après son interdiction par le régime actuel – l'influence de M. Kifle en Éthiopie est considérable.

Il n'y a pas de traité d'extradition entre Washington et Addis-Abeba, ainsi l'octroi d'une seconde peine de prison à perpétuité n'aura pas d'effet sur la vie de M. Kifle.

«L'objectif de cette condamnation vise à terroriser et à effrayer quiconque en Éthiopie qui collabore avec moi dans la collecte d'information au sujet des crimes du régime. Meles Zenawi veut éliminer toute opposition à son pouvoir», indique M. Kifle.

Elias Kifle connaît les autres journalistes et militants qui ont été condamnés dernièrement, puisqu'ils sont bien connus en Éthiopie et ils partagent parfois des informations. Habitant à l'étranger, M. Kifle est le seul parmi ses collègues qui puisse échapper à sa peine; les autres font face à de longues peines dans les infâmes prisons éthiopiennes.

«Tous les membres proches de ma famille ont été forcés de s'exiler. Le régime a confisqué la propriété familiale, a arrêté et détenu mon père pendant trois mois et j'ai finalement été obligé de les sortir du pays.»

Une situation qui s’aggrave

Depuis mars 2011, plus de 100 journalistes et membres de l'opposition ont été arrêtés et condamnés en Éthiopie en vertu de la soi-disant Proclamation antiterroriste no 652 qui est entrée en vigueur en 2009.

«Cette loi de 2009 utilise le mot en vogue “terrorisme” pour encourager l'Occident à continuer à considérer l'Éthiopie comme un partenaire vital dans la guerre au terrorisme, détournant l'attention du réel objectif de cette loi : éliminer toute opposition au régime du premier ministre Meles Zenawi», écrit l'ex-directrice exécutive de JURIST Legal News & Research, Abigail Salisbury, dans une chronique publiée par JURIST.

L'arrestation et la condamnation récente de deux journalistes suédois à 11 ans de prison est un autre signe que le régime éthiopien a confiance dans ses politiques répressives.

La liste d'exemples de récentes violations des droits de la personne énumérés par M. Kifle est très longue :

«La récente condamnation des journalistes à de lourdes peines d'emprisonnement; l'expulsion de 70 % de la population de Gambella afin que le régime puisse louer leurs terres aux investisseurs étrangers; la guerre génocidaire dans la région de l'Ogaden dans l'est de l'Éthiopie; l’embrouillage du signal de Voice of America, de la radio allemande et de la télévision par satellite éthiopienne; le blocage des sites de nouvelles éthiopiens, comme EthiopianReview.com; les récentes arrestations massives et les passages à tabac d'étudiants à Nekempt et Hossana; la torture des prisonniers politiques […] je peux continuer encore et encore.»

Elias Kifle affirme que l'aide fournie par l'Occident et la Chine n'aide en rien, au contraire, les choses s’aggravent.

«La machinerie de répression du régime est alimentée par les 3 milliards de dollars qu'il reçoit annuellement de l'Union européenne et des États-Unis», dénonce M. Kifle.

Il y a quelques jours, le soi-disant cadeau de la Chine à l'Afrique, le nouveau siège de 200 millions de dollars de l'Union africaine, a ouvert ses portes à Addis-Abeba.

Version originale : Ethiopia Uses Anti-Terror Laws to Terrorize Dissent

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