La crise européenne inquiète Obama

Écrit par Mark Weisbrot
07.03.2012

  • Un homme âgé lève le poing contre les nouvelles mesures d’austérité exigées par l’Union européenne, en face du Parlement grec lors d’une grève générale de 24 heures à Athènes le 7 février 2012. (LOUISA GOULIAMAKI/AFP/Getty Images)(Stringer: LOUISA GOULIAMAKI / 2012 AFP)

Le rapport sur l'emploi la semaine dernière était «l’un des meilleurs que l'on ait vu depuis le début de la récession», a noté mon collègue Dean Baker dans son analyse des chiffres. Il y a un certain nombre de signes positifs, tels 50.000 nouveaux emplois dans la production et une augmentation des heures moyennes de travail dans ce secteur, qui pourrait indiquer davantage d'embauches dans le futur. L’augmentation mensuelle de 243.000 emplois donne une croissance mensuelle moyenne de 201.000 emplois pour ces trois derniers mois, ce qui est la meilleure performance sur les neuf derniers mois.

La plus grande baisse du chômage se note chez les Afro-Américains avec une chute de 2,2%, arrivant ainsi à un taux de 13,6%. Pour les hispaniques, le taux de chômage est également tombé à son niveau le plus bas depuis deux ans, réduit à 8,3%.

Bien sûr, le chômage est encore très élevé, surtout en comptant les personnes forcées de travailler à temps partiel. En fait, la mauvaise nouvelle selon Baker, c'est qu'avec ce taux de croissance, le plein emploi ne reviendra pas avant 2020. C'est totalement inacceptable et, bien sûr, le gouvernement devrait nous amener rapidement au plein emploi avec des stimuli suffisants et d'autres politiques tout à fait réalisables.

Mais en tenant compte des choix très limités de notre système politique et électoral actuel, ce genre de rapport positif sur l'emploi, si cela se poursuit, va probablement pousser le président Obama vers une réélection. La plupart des électeurs hésitants voteront probablement sur la base de l'économie, à moins d'événements imprévisibles.

L'amélioration de l'économie sera vraisemblablement la mesure sur laquelle le président sera jugé. Le président Obama fera sa campagne là-dessus, comme il l'a fait dans son allocution aux États-Unis: «Dans les six mois passés avant que je n’arrive au pouvoir, nous avons perdu environ 4 millions d'emplois et nous avons perdu 4 autres millions avant que notre politique soit pleinement effective... Au cours des 22 derniers mois, les entreprises ont créé plus de 3 millions d'emplois.»

Cela signifie que le sort politique du président Obama va certainement se jouer en Europe. C'est une source de menace pour l'économie américaine et par là-même l'économie mondiale, qui a également ralenti de façon significative à cause de la crise financière en Europe. La zone euro est déjà en récession et les autorités européennes – la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fond Monétaire International – sont en train d'adopter des politiques qui vont très probablement la faire empirer.

Mais la plus grande menace de l'Europe n'est pas la récession elle-même, c'est plutôt la possibilité d'une fusion financière du type Lehman Brothers. C'est un risque que les autorités européennes sont en train de prendre, car elles utilisent et prolongent sans nécessité la crise, pour contraindre à certaines «réformes» les économies les plus faibles de la zone euro comme l'Italie et l'Espagne.

Ces derniers sont «trop grands pour échouer», en regard de la taille de leur dette. Puis il y a la Grèce, pour laquelle les autorités européennes, ainsi que les bailleurs privés, poussent le pays au bord d'un défaut de paiement chaotique.

Le sous-secrétaire au Trésor pour les Affaires internationales de l'administration Obama, Lael Brainard, s’est rendu 17 fois en Europe au cours des deux dernières années et le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a également fait un certain nombre de voyages. Il n'est pas difficile de se représenter quel aura été leur message, qui a d'ailleurs parfois été rendu public: ils s'inquiètent des autorités européennes qui causent une crise financière majeure.

Les dirigeants européens ont quelques raisons d'écouter l'administration Obama: ils préfèrent certainement Obama à l'alternative républicaine et ils peuvent aussi supposer qu'il sera très probablement le prochain président des États-Unis, principal allié et partenaire commercial. Cela pourrait les pousser à montrer plus de prudence dans les mois à venir dans leurs jeux de stratégie au bord du gouffre au cours des deux dernières années.

Il y a vraiment eu certains changements depuis décembre, au moment où la Banque Centrale Européenne a versé 638 milliards de dollars dans le système bancaire privé pour éviter une crise des liquidités. Une partie a été utilisée pour acheter des bons souverains et a aidé à fournir un soulagement momentané.

Mais on peut être sûr que l'équipe Obama surveille aussi attentivement l'Europe que les nouvelles économiques des États-Unis.

Mark Weisbrot est le co-directeur du Centre de Recherches économiques et politiques à Washington DC. Il est également président de Just Foreign Policy. Cet article a été publié en ligne sur Economic Intelligence (U.S. News & World Report).