La condamnation de Charles Taylor envoie un message clair

Écrit par Cindy Drukier et Jack Phillips, The Epoch Times
30.04.2012
  • Le président de l'association des amputés sierra-léonais, Alhaji Jusu Jarka (攝影: / 大紀元)

La justice rattrape l'ex-chef d'État du Liberia, une première judiciaire

Charles Taylor, le tristement célèbre ex-président du Liberia, a été reconnu coupable de 11 chefs d'accusation de complicité dans des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité survenus durant la guerre civile en Sierra Leone. Il s'agit d'une décision charnière, alors que l'ex-homme fort devient le premier chef d'État à être condamné par une cour internationale depuis que le Tribunal militaire international de Nuremberg, établi pour juger les responsables nazis, a rejeté l'immunité accordée aux chefs d'État.

Près de quatre ans ont été nécessaires pour entendre 115 témoins et examiner 1522 éléments de preuve, parfois épouvantables, détaillant les atrocités commises par les groupes rebelles commandités par Taylor, entre autres, mutiler des civils et donner des drogues à des enfants-soldats aussi jeunes que huit ans pour les désensibiliser à la violence.

La décision a été lue pendant près de deux heures le 26 avril par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone depuis La Haye, aux Pays-Bas.

La haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, Navi Pillay, a décrit le jugement comme une «étape importante dans le développement de la justice internationale».

«Un ex-président, qui autrefois jouissait d'une immense influence dans un pays voisin où des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, mutilées, violées, volées et déplacées à répétition pendant des années, a été arrêté, jugé selon un procès international équitable et minutieux et a maintenant été jugé coupable des crimes très graves», indique-t-elle dans une déclaration.

Dans un message adressé aux autres dictateurs, elle les a avertis que le temps où ils pouvaient prendre leur retraite et vivre la belle vie après une carrière de massacres était terminé.

«Il y a peu de choses qui sont plus répugnantes que de voir des gens avec autant de sang sur leurs mains, vivant avec de l'argent volé et qu’il n’y a aucun espoir pour leurs victimes de voir justice rendue», a ajouté Mme Pillay.

Quelques mois après l'émission d'un mandat d'arrêt contre Taylor en juin 2003, il a démissionné de son poste de président et s'est réfugié au Nigeria. Les accusations portées contre lui concernaient la période entre novembre 1996 et janvier 2002, durant laquelle il a supervisé une campagne de terreur contre les civils en Sierra Leone.

Les organisations de défense des droits de la personne ont salué la décision, qui envoie le bon message aux chefs d'État qu'ils ne peuvent échapper à la justice.

«Les dirigeants puissants comme Charles Taylor ont trop longtemps vécu confortablement au-dessus de la loi», a déclaré Elise Keppler, conseillère juridique internationale chez Human Rights Watch. «La condamnation de Taylor envoie un message aux dirigeants qu'ils peuvent être tenus pour responsables pour les crimes graves.»

Taylor est le premier chef d'État à être jugé coupable de crimes de guerre par une cour internationale et d'autres pourraient suivre. L'ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, est actuellement devant les tribunaux et le président soudanais, Omar al-Bashir, a été accusé mais pas encore arrêté.

Deux autres hommes forts, Slobodan Milosevic de Yougoslavie et Mouammar Kadhafi de Libye, sont tous deux décédés à différentes étapes des procès intentés contre eux. Milosevic est mort dans sa cellule, tandis que la justice de la rue a eu raison de Kadhafi.

Brima Abdulai Sherif, directeur de la branche d'Amnesty International en Sierra Leone, a déclaré que le jugement «envoie le message important aux hommes d’État de haut rang» qu'ils devront payer pour les crimes commis.

Les crimes de Charles Taylor

Le seigneur de guerre de 64 ans, éduqué aux États-Unis, a pris contrôle du Liberia en 1990 après avoir été entraîné par Kadhafi en Libye. Durant la décennie suivante, des groupes rebelles commandités par Taylor – le Revolutionary United Front (RUF) et l'Armed Forces Revolutionary Council (AFRC) – ont combattu contre le gouvernement de Sierra Leone, faisant 50 000 morts et 2,5 millions de déplacés.

Après s'être approprié le pouvoir, il a remporté la présidence en 1997 avec son slogan de campagne tristement célèbre «Il a tué ma mère, il a tué mon père, mais je vais voter pour lui quand même».

«Les enfants ont été dérobés à leurs familles, pas seulement pour combattre, mais aussi pour commettre des crimes contre leurs compatriotes sierra-léonais. Ces enfants se sont fait voler leur enfance, et les juges ont envoyé un message clair que ce ne sera jamais toléré», a déclaré la procureure Brenda Hollis.

Dans les crimes cités par la cour, il y a l'extraction de diamants pour l'exportation aux compagnies occidentales afin de se procurer des armes.

L'extraction de diamants au Liberia et en Sierra Leone était la principale source de financement des rebelles du RUF, selon la cour, et ils auraient échangé les diamants au gouvernement de Taylor pour des armes et des provisions.

Selon le jugement, Taylor a fourni un soutien «soutenu et important» au RUF durant son assaut bizarre et macabre sur la capitale sierra-léonaise, Freetown, et d'autres régions du pays. L'opération, baptisée Aucune chose vivante, a laissé sur son passage exécutions publiques, démembrements, immolations de personnes dans leurs résidences et autres atrocités.

Taylor a aussi été accusé d'avoir ordonné aux rebelles de commettre ces crimes de guerre, mais les procureurs n'ont pas été en mesure d'amasser des preuves assez solides pour déterminer qu'il était directement responsable des atrocités. Charles Taylor a clamé son innocence.

Au moment de mettre sous presse, il était impossible de dire si Taylor irait en appel. La peine sera annoncée prochainement durant une autre audience.

Version originale : Charles Taylor Conviction Sends Clear Message