Vers une pénurie de matières premières?

Écrit par Charles Callewaert, The Epoch Times
27.05.2012

  • La mine d’or dans le désert soudanais, 800 kilomètres au nord-est de la capitale Khartoum.(Stringer: ASHRAF SHAZLY / 2011 AFP)

Une pénurie de matières premières menace-t-elle l’humanité? La question a été soulevée dès les années 1970 par le Club de Rome avec la publication d’un rapport intitulé Limits to Growth (appelé aussi rapport Meadows), dans lequel il alertait le monde sur les dangers d’un gaspillage des ressources de notre planète et d’une croissance économique mal maîtrisée. Bien que très controversé à l’époque, ce rapport avait permis de prendre conscience que nous vivions dans un monde fini et joué un rôle de détonateur dans les pays occidentaux. Il inspira beaucoup de mouvements écologiques et fut à l’origine de ce que nous appelons aujourd’hui le développement durable.

Quelque 40 ans après, alors que la population mondiale a doublé pour atteindre 7 milliards d’habitants, que le mode de vie occidental s’étend progressivement à toute la planète, et que l’avidité des pays émergents (principalement Brésil, Chine, Inde) pèse de plus en plus sur le cours des matières premières, le numéro de mai du magazine Sciences & Vie dresse un panorama des réserves prouvée de 26 minerais et matières premières stratégiques pour l’économie mondiale.

Le pétrole et les autres sources d’énergie fossiles s’épuisent rapidement

Le cas du pétrole, qui reste le principal moteur de l’économie mondiale, est édifiant: alors que la demande mondiale ne cesse d’augmenter, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a récemment révélé que la production avait atteint en 2006 le «pick-oil», c’est à dire un maximum que nous ne retrouverons… jamais. En effet, le rythme des découvertes est en baisse constante depuis 1964, les grands gisements s’épuisent et les réserves prouvées ne cessent de baisser depuis 1980. Il faut à présent chercher le pétrole toujours plus profond, plus visqueux, donc avec des coûts de production croissants. Alors que la part d’énergie nécessaire à son extraction n’était que de 1% en 1950, elle atteint actuellement 18% en moyenne! Avec une fin de l’ère du pétrole se situant aux alentours de 2050, qui oserait encore parier sur une baisse à moyen terme des prix du pétrole? Quant aux autres sources d’énergie fossile, même si leurs réserves paraissent plus abondantes, elles s’épuiseront rapidement: les ressources de gaz naturel devraient s’épuiser avant la fin de ce siècle, et celles de charbon vers 2150.

26 minerais stratégiques menacés

L’analyse de 26 minéraux stratégiques faite par Science & Vie ne se révèle pas meilleure, d’autant plus que certains ne sont localisés que dans très peu d’endroits au monde. Par exemple l’industrie de l’électronique est avide des propriétés luminescentes de terres rares comme l’europium, l’yttrium et le terbium pour produire les écrans de télévisions, d’ordinateurs et les nouvelles lampes à LED, mais elle risque bien de se trouver à court d’ici 2015! De même pour l’antimoine, qui est utilisé comme retardateur de flamme dans les peintures, textiles et plastiques, et dont les réserves ne dépasseraient pas 11 ans! Tout comme le cuivre qui est utilisé dans toutes les infrastructures électriques et de communication, et n’a plus que 38 ans de réserves. Et que dire de l’uranium, qui n’a que 46 ans de réserves prouvées alors que certains s’imaginent qu’il pourrait remplacer le pétrole?

D’autres matériaux comme le rhodium et le platine, cruciaux pour la joaillerie et l’avenir de l’industrie automobile (catalyseurs, piles à hydrogène), ne se trouvent que dans une seule mine en Afrique du sud, laquelle n’a qu’environ 100 ans de réserve. De même pour le dysprosium et le néodyme, terres rares très prisés par les technologies vertes pour leurs propriétés magnétiques, mais aux réserves prouvées jusqu’en 2035 et produites à 97% en Chine.

Risques de tensions géopolitiques et initiatives tous azimuts

Sciences & Vie n’hésite pas à rappeler qu’à l’échelle du globe et dans les vingt ans à venir «il faudra pouvoir extraire plus de minerais que durant toute l’histoire de l’humanité», alors que certains sont quasiment monopolisés par certains pays. Le risque de tensions géopolitiques liées aux ressources minières s’accroit avec le risque de rupture des stocks, et «Les États-Unis, l’Europe et le Japon multiplient les rapports sur leur approvisionnement».

Les nouveaux eldorados que représentent l’Australie, le nord du Canada, la Sibérie, voire l’Arctique permettront peut-être de retarder l’échéance mais risquent bien d’être insuffisants. C’est pourquoi l’industrie commence à regarder sérieusement les ressources gisant au fond des mers, telles que les nodules métalliques, avec le démarrage en 2014 d’une première mine sous-marine au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Et ce n’est pas un hasard si au début de mai, le cofondateur de Google Larry Page et le cinéaste James Cameron se sont associés pour créer la société Planetary Resources Inc, la première entreprise destinée à exploiter des minéraux précieux sur les astéroïdes croisant au large de la terre. Parallèlement, le recyclage des métaux et minéraux s’étend, parfois jusqu’au bord des routes où la concentration en platine, selon Hazel Prichard, géologue à l’université de Cardiff, «est proche de celle des mines de Sibérie et d’Afrique du Sud».