Les relations entre grands donneurs d’ordre et sous-traitants passées à la loupe

Écrit par Charles Callewaert, Epoch Times
28.06.2012

  • Le groupe de distribution Leclerc a été condamné en 2009 à restituer 23 millions d’euros u00abde remises arrières» indues à 28 de ses fournisseurs.(Stringer: AFP / 2012 AFP)

À l’heure où un grand nombre de PME françaises sont dans une situation financière difficile et menacées de fermeture, le magazine Challenges publie cette semaine la première édition d’un classement des grands donneurs d’ordre quant à leurs pratiques d’achats et relations avec leurs sous-traitants.

Une enquête inédite sur les relations clients-fournisseurs

Cette initiative, commandée par la Médiation Interentreprises, la Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France (CDAF) et l’Assemblée des Chambres de Commerce et d’Industrie (AFCI), vient au bon moment.

C’est également une étape importante dans l’action menée depuis près de deux ans par Jean-Claude Volot, le médiateur national des relations inter-entreprises. Bousculant certaines idées reçues sur les pratiques d’achat dans les grands groupes, il n’hésite pas à pointer du doigt les secteurs de la grande distribution, du luxe et de l’automobile, qui se distinguent par de bien mauvaises pratiques dans les relations avec leurs fournisseurs.

L’enquête a été menée du 5 mars au 30 mai 2012 auprès de 120 entreprises. Le formulaire comprenait dix questions sur des sujets tels que les délais réels de paiement, les moyens de les contrôler, le mode de gestion des litiges avec les fournisseurs, la présence de clauses de médiation dans les contrats, la formation aux achats, ou encore la présence dans des dispositifs de développement régionaux ou sectoriels. L’échelle de notation des donneurs d’ordre prenait aussi en compte leur implication dans les dispositifs d’amélioration de la qualité des relations client-fournisseur, tels que le Pacte PME ou la Charte des relations inter-entreprises.

Les fournisseurs et sous-traitants des grands groupes, PME pour la plupart, souffrent généralement d’une détérioration de leurs finances à cause des pratiques d’achat de leurs donneurs d’ordre, parmi lesquelles on retrouve évidemment le non-respect des délais de paiement, des pénalités de retard abusives, des activités non rémunérées ou l’absence de clauses de révision des prix.

Mais, avec la crise actuelle et l’absence de visibilité sur les volumes de vente, les grands donneurs d’ordre ont également pris l’habitude de ne plus respecter les volumes pourtant contractuellement garantis, ou bien de modifier unilatéralement les contrats, voire à aller jusqu’à leur rupture brutale. Enfin, fait nouveau, on assiste maintenant à des détournements de propriété intellectuelle, où le fournisseur doit par exemple céder gratuitement sa création au client ou s’interdire de déposer des brevets en son nom.

Les pires pratiques sont observées dans la distribution et le luxe

Seules 88 entreprises sur 120 ont accepté de répondre, et parmi celles n’ayant pas répondu, on remarque surtout cinq groupes de distribution (Cora, Darty, Leclerc, Leroy Merlin, Lidl). Parmi les exemples à suivre, on retrouve essentiellement des entreprises publiques telles que la Poste, la SNCF ou EDF, mais également le groupe Bongrain, un industriel de l’agroalimentaire. Dans la liste suivante, celles dont le comportement est satisfaisant mais «à confirmer», figurent des industriels comme Siemens France, Danone, Thales, Sodexho ou Sanofi, ainsi que des grandes banques (Crédit Agricole, Société Générale). Vient ensuite le gros du peloton, classé par Challenge sous la rubrique «peut mieux faire» et où des champions de l’assurance (Axa, Allianz) et du luxe (PPR, Hermès, LVMH) se distinguent en queue de liste. Enfin, parmi les 15 cancres de la classe qui «doivent progresser», on retiendra Esso, Nexans, Vivendi ou encore Dassault Systèmes.

Le défenseur des PME Jean-Claude Volot, qui œuvre depuis avril 2010 à l’amélioration des relations entre les entreprises, n’hésite pas à dénoncer les groupes de distribution comme «le musée des horreurs», en particulier chez Leclerc. Ce groupe, qui a déjà été condamné en 2009 à restituer 23 millions d’euros «de remises arrières» indues à 28 de ses fournisseurs, est accusé «d’hypocrisie absolue» par le médiateur. Le secteur du luxe, qui cumule depuis longtemps une croissance et une rentabilité à deux chiffres, ne semble pas beaucoup se préoccuper de ses sous-traitants, qu’il ne paie jamais à moins de 45 jours (pour mémoire, le délai maximum légal est de 30 jours) et dont les effectifs sont en baisse constante depuis des années (10 à 15% par an selon l’Institut français de la mode). Dans l’automobile, la guerre des prix au niveau international n’est pas sans conséquence sur les fournisseurs français des grands groupes, même si certains d’entre eux commencent à se rendre compte de l’utilité et des gains à moyen terme venant de la transformation du traditionnel rapport de force en relations de confiance.

Jean-Claude Volot et le président de la CDAF Pierre Pelouzet voient dans ce classement, et surtout dans le fait de le publier, un caractère incitatif pour les mauvais élèves à s’améliorer. Confiant dans les effets positifs à dénoncer les mauvaises habitudes autant qu’à distinguer les bons élèves, ils envisagent la création prochaine d’un label d’«acheteur responsable», avec l’aide de l’Afnor, l’ISO et l’agence de notation Vigeo.

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