L’engouement pour l’agriculture urbaine

Écrit par Nathalie Dieul, Epoch Times
18.07.2012

  • Nathalie Dieul, Epoch Times

immeuble jardin

Le phénomène de l’agriculture urbaine prend de l’ampleur partout sur la planète. On estime qu’il existe un milliard de fermiers urbains répartis dans les différentes villes du monde. Cette tendance existe aussi à Montréal, une ville précurseur en la matière. Les initiatives de développement de l’agriculture urbaine abondent et se multiplient, et une consultation publique est en cours de réalisation.

Une consultation publique

En novembre 2011, une initiative citoyenne a amené le dépôt d’une pétition de plus de 29 000 signatures pour demander la tenue d’une consultation publique sur l’état de l’agriculture urbaine à Montréal. C’est la première fois que des citoyens prennent une telle initiative. Il faut un minimum de 15 000 signatures pour que la Ville soit obligée de démarrer le processus de consultation.

Après une exposition et un colloque, les habitants de Montréal ont été écoutés lors de cinq soirées de consultation dans différents quartiers de la ville, entre le 5 et le 14 juin. La population a aussi été invitée à soumettre un mémoire, en français ou en anglais, sur le site Web de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) ou en personne, le 18 juin dernier.

L’agriculture urbaine regorge d’avantages, tant du point de vue environnemental, entre autres en luttant contre les îlots de chaleur, que du point de vue alimentaire. «L’agriculture urbaine, c’est la porte à l’amélioration de l’égalité à la santé, étant donné que la santé est la conséquence d’une bonne alimentation», dit Alexandra Vincent qui est venue s’informer au colloque.

L’histoire de l’agriculture à Montréal

Des photos aériennes prouvent que l’agriculture était encore très présente dans la ville de Montréal des années 1950, alors que des champs étaient situés dans de nombreux quartiers. Ceux-ci ont graduellement disparu pour être remplacés par des bâtiments, et le jardinage est devenu un loisir pour les citadins.

La transition du jardinage vers l’agriculture urbaine a commencé en 1974 avec la création des jardins communautaires, mis sur pied par la Ville. Il s’agit de jardins partagés entre plusieurs jardiniers, chacun cultivant ce qu’il désire sur sa petite parcelle. Ce concept a connu un tel succès qu’il a servi d’exemple à de nombreuses villes ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, 12 000 jardiniers cultivent 95 jardins communautaires à Montréal, et d’autres jardiniers potentiels sont inscrits sur une liste d’attente.

Un autre concept a démarré dans les années 1990, à l’initiative de différents organismes : les jardins collectifs. Dans ce cas, chacun jardine en collectivité le jardin dans son ensemble. Ils sont souvent soutenus par la Ville et se sont beaucoup développés récemment, jusqu’à atteindre le nombre de 75 jardins.

D’autres initiatives

Les initiatives d’agriculture urbaine citées par Marie-Ève Desroches, porte-parole du Groupe de travail sur l’agriculture urbaine (GTAU), sont nombreuses. «La population est intéressée, on voit qu’il y a différents projets qui se développent un peu partout sur l’île de Montréal», dit-elle.

À Montréal, «51 % de la population fait pousser quelque chose» que ce soit sur leur balcon, dans leur jardin ou dans des bacs. Il existe aussi des potagers en entreprise, l’agriculture urbaine en milieu scolaire ou universitaire, les ruelles vertes qui permettent de dégager de l’espace pour cultiver. L’agriculture périurbaine, quant à elle, développe un partenariat avec les fermiers qui vivent à l’extérieur de la ville.

L’agriculture… sur les toits!

Une centaine de toits de Montréal sont couverts de jardins. Les toits de la ville sont tout à fait appropriés à ce type d’agriculture puisqu’ils possèdent déjà une capacité portante importante pour supporter la neige en hiver.

Certaines initiatives sont surprenantes, comme celle des fermes Lufa, première ferme commerciale au monde sur un toit. Les légumes sont cultivés dans une immense serre de 3000 m2 construite sur un bâtiment industriel, et de nombreuses autres serres sont prévues dans le but de fournir des paniers de légumes à 5000 familles. Les chantiers des prochaines serres se feront dans le cadre d’une entente avec un promoteur immobilier qui gagnera des points pour une certification LEED.

Un potager a été installé sur le toit de la Caisse populaire Desjardins du Mont-Royal. Les légumes poussent dans des bacs et sont distribués ensuite à des organismes communautaires.

Les toits du Palais des congrès sont en partie verts, ce qui permet au chef du traiteur du Palais d’inclure des produits frais et locaux dans ses préparations. Le potager de l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth est situé au 22e étage et fournit une petite partie des légumes et fines herbes de ses restaurants. Quatre ruches vont y être ajoutées cette année pour aider à la pollinisation et pour sensibiliser les clients à l’importance des abeilles.

La Ville de Montréal ne s’est pas encore dotée d’une réglementation comme celle de Toronto, qui oblige les promoteurs à verdir les toits des nouveaux édifices de plus de 2000 m2. Peut-être le fera-t-elle après la tenue de la consultation?

Les arbres fruitiers et les abeilles

«Il y a plusieurs arbres fruitiers qui produisent beaucoup plus à Montréal qu’en région puisque les îlots de chaleur sont positifs au niveau de la production de fruits», explique Marie-Ève Desroches. Il n’y a pas encore beaucoup de plantation d’arbres fruitiers sur les terrains publics, mais il est aussi possible d’en planter sur les terrains des particuliers. Des initiatives permettent de donner un tiers de la production au propriétaire du terrain, un tiers aux bénévoles qui se déplacent à vélo pour cueillir les fruits et le dernier tiers à une banque alimentaire. Le Jardin botanique vient de créer un verger.

Plusieurs ruches existent à Montréal, très bien encadrées. La production du miel est très bonne en ville, «et souvent même plus qu’en campagne puisqu’il y a très peu de pesticides en ville; les pesticides sont très néfastes pour la production de miel», ajoute la porte-parole du GTAU.

Les règlements de la Ville

Daniel Groulx, de la Direction des grands parcs et du verdissement à la Ville de Montréal, explique les différents règlements de la Ville à respecter en matière d’agriculture urbaine : «le règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité dans les logements est intéressant dans la mesure où l’encombrement des balcons et des escaliers par des jardiniers, peut-être trop enthousiastes, pourrait devenir problématique en cas d’évacuation; le règlement sur l’occupation du domaine public qui intéressera ceux et celles qui voudraient avoir un marché de légumes ou de fleurs; et le règlement sur l’utilisation des pesticides, qui n’autorise que les pesticides à faible impact à l’extérieur des bâtiments, sauf dans certains cas précis».

Il existe également des règlements particuliers dans les différents arrondissements. La modification de la réglementation est possible, par exemple le règlement sur les serres en secteur industriel qui a été modifié dans Ahuntsic-Cartierville pour le projet des fermes Lufa.

Un règlement plus strict s’applique au contrôle des chiens et autres animaux dans la ville de Montréal et ses arrondissements. Toutefois, un projet pilote dans Rosemont-La Petite-Patrie a amené une modification à ce règlement pour autoriser l’aménagement d’un poulailler sur le site d’un organisme communautaire à des fins éducatives.

S’informer, échanger et visiter des jardins

Ceux qui ont besoin de conseils horticoles peuvent s’adresser au Jardin botanique qui offre un service gratuit individualisé, en plus d’avoir de nombreuses fiches thématiques consultables sur sont site Web.

On peut aussi s’adresser aux écoquartiers et aux arrondissements pour recevoir des conseils horticoles.

Des initiatives comme Troc ton jardin, un projet pilote dans Ahuntsic-Cartierville, offrent des ateliers sur différents thèmes et proposent aux jardiniers amateurs de troquer leurs fruits et légumes.

Pour le plaisir des yeux, une promenade au jardin du gouverneur, en face de l’hôtel de ville, vous donnera une idée de l’aspect d’un potager de la noblesse montréalaise au XVIIIe siècle. L’accès y est gratuit.

Pour en savoir davantage :

Office de consultation publique de Montréal (OCPM) : http://ocpm.qc.ca/agricultureurbaine

Jardin botanique : http://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/act_educ/rens_horticoles.htm#page_haut

Fermes Lufa : https://lufa.com/

Troc ton jardin : http://troctonjardin.blogspot.ca/

Jardin du gouverneur : http://www.chateauramezay.qc.ca/fr/jardin/