Protéger un cœur innocent pendant un temps de mensonges

Écrit par Jennifer Zeng, Epoch Times
17.09.2012
  • Jennifer Zeng, prise en photo à la cérémonie de remise de prix du Festival du Film de la Liberté de Parole, en mai 2012 à Philadelphie. Le film vedette, u00abChine Libre», qui évoque l’histoire de Madame Zeng ayant souffert de persécution en Chine pour sa croyance envers le Falun Gong, a reçu les plus grands honneurs au festival. (Edward Dai/Epoch Times)

Ma fille est née à Pékin en 1992. Sa naissance a été accompagnée de complications qui ont failli me coûter la vie. Cela a bouleversé la famille, sa grand mère s’est exclamée: «Quel genre d’enfant est-elle pour venir au monde dans de tels troubles?»

Ma fille a appris à dire «non» à seulement dix-huit mois. Ce jour-là, elle s’est montrée désobéissante. J’ai alors pris un visage sévère et ai commencé à la gronder. C’était étonnant car elle n’avait pas peur et ne semblait pas du tout contrariée. Elle m’a juste regardée en fronçant les sourcils et, avec beaucoup d’effort, a dit très clairement: «Non, maman! Pas en colère!»

C’était sa première tentative claire et forte de dire «non». C’était comme si elle se souciait plus de mon bien-être que d’être réprimandée. À cet instant, j’ai compris que tout ce par quoi j’étais passée pour elle, ainsi que ce par quoi je passerai, serait précieux.

Mon étonnement envers les propos tenus par ma fille

Ma fille a commencé à se soucier de la vie à deux ans et demi. Un jour, je l’ai emmenée faire un tour dans une école primaire et nous nous sommes assises dans la cour de récréation.

Elle a regardé avec envie une salle de classe et m’a demandé: «Maman, est-ce que je peux aussi aller à l’école?» «Non, tu es trop petite», lui ai-je répondu.

Elle s’est tue un moment, puis avec un profond soupir, m’a dit: «Maman, quand est-ce que je serai ENFIN plus grande?» Elle a insisté sur le mot «enfin» comme si c’était un problème présent dans son esprit depuis une longue période.

Aucun mot n’a pu sortir de ma bouche. Je regardais ses yeux en méditant silencieusement, me demandant si elle était, en quelque sorte, une réincarnation de philosophe. Ma réponse a été très éloignée de la philosophie: «Mange plus et, petit à petit, tu grandiras».

Quand ma fille a eu trois ans et demi, elle m’a donné une leçon. Son ton était sérieux. Elle m’a dit: «Maman, pourquoi il y a des gens méchants dans le monde?»

Étonnée, je l’ai regardée et ai dit directement: «Oui, pourquoi, en effet? S’il n’y avait pas de gens méchants, seulement de bonnes personnes, le monde ne serait-il pas superbe?». Des centaines de pensées, des milliers de réponses possibles me sont venues à l’esprit, mais à la fin, je ne pouvais que répondre à sa question d’une façon compréhensible pour une enfant de son âge. Alors je lui ai dit: «Je ne sais pas».

Elle a penché la tête et a dit fièrement: «Eh bien, je sais!» Surprise, je l’ai questionnée: «Vraiment? Alors, dis-moi pourquoi il y a des gens méchants».

«Ils continuent de faire des choses méchantes, de sorte qu’ils se transforment en mauvaises personnes!». Mon Dieu, c’est cela?

Un jour, à quatre ans et demi, mon mari et moi l’avons emmenée pour un trajet en voiture. C’était sans doute un jour faste, nous avons vu beaucoup de voitures de mariage le long du chemin, chaque voiture étant plus luxueuse que la précédente. Ma fille regardait par la fenêtre avec enthousiasme.

Après un certain temps, mon mari a voulu la taquiner: «Quand tu te marieras, voudras-tu une limousine?»

Du fond de son siège, elle a répondit instantanément du ton le plus sérieux: «Nous verrons quand le moment sera venu».

Après cela, elle n’a plus regardé par la fenêtre. Une fois de plus, sa réponse m’avait beaucoup étonnée. Comment arrivait-elle, à son âge, à rester si indifférente dans ses émotions?

Apprendre à être une bonne personne

Ma fille était brillante pour son âge. À cinq ans et demi, elle était déjà à sa seconde année à l’école primaire. Alors que j’allais à une réunion parents-enseignants, j’ai vu un grand panneau près de la porte d’entrée de l’école où l’on pouvait lire «Apprendre à être. Apprendre à connaître. Apprendre à faire. Apprendre à être en bonne santé et à être fort».

En rentrant à la maison, je lui ai demandé: «Qu’est-ce que cela veut dire, apprendre à être?». Tout en me préparant au long discours que je voulais lui faire sur la question, elle m’a souri et répondu avec simplicité: «Je sais! C’est juste apprendre à être une bonne personne!» Instantanément, j’ai oublié mon long discours et je l’ai juste admirée.

À six ans, je l’ai entendue parler à sa grand-mère qui se trouvait dans la pièce voisine. «Grand-mère, s’il te plaît, pratique le Falun Gong. C’est vraiment bon pour la santé. Crois moi!»

C’est vrai. Ma fille savait que j’avais été extrêmement faible et en mauvaise santé pendant plusieurs années, mais après avoir pratiqué le Falun Gong - une pratique de méditation basée sur les principes universels d’authenticité, compassion et tolérance -, j’avais entièrement guéri de mes maladies. Alors, elle préparait un plan similaire pour sa grand-mère, voulant qu’elle guérisse elle aussi.

Grand-mère a répondu: «Je ne sais pas comment faire».

«Laisse Maman t’apprendre».

«Mais, mes yeux sont en mauvais état et je ne peux pas lire le livre».

«Je peux le faire pour toi!»

Grand-mère, ne pouvant trouver de raison pour refuser, a voulu la satisfaire et lui a répondu: «D’accord, d’accord, j’apprendrai quand j’aurai le temps».

Ma fille, cependant, ne voulait pas abandonner si facilement. Elle était submergée par l’émotion et lui a dit finalement: «Grand-mère, je ne veux pas que tu meures!»

Les dommages causés par la propagande du régime

Quand ma fille allait avoir sept ans, la télévision locale a commencé à diffuser de nombreux programmes diffamatoires et injurieux contre le Falun Gong. Les mensonges étaient tellement bizarres que je ne pouvais en croire mes oreilles et le bombardement, si intense, que je pouvais à peine penser rationnellement.

Alors que nous regardions un programme, ma fille a demandé avec ses yeux grands ouverts: «Maman, pourquoi disent-ils que les pratiquants de Falun Gong sont mauvais?»

Mon cœur s’est serré comme s’il avait été mordu par un millier de serpents.

Je savais qu’elle ne penserait jamais que les pratiquants de Falun Gong sont de «mauvaises personnes», car elle n’a jamais vu aucun d’entre eux faire de «mauvaises choses». Je lui rappelais, souvent, d’être elle-même une bonne personne.

Voyant la confusion dans ses yeux, je ne savais comment faire face à son besoin de réponse immédiate. Je ne savais pas comment répondre à sa question. J’ai eu l’amère pensée de lui dire de demander aux gens de la télévision, mais un ami a su lui répondre: «Ils déforment la vérité avec une conscience coupable, en raison de toutes leurs mauvaises actions!»

Quand ma fille avait sept ans et demi, j’ai été envoyée dans un camp de travaux forcés pour avoir pratiqué le Falun Gong. Ma fille est venue me rendre visite quelques mois plus tard. Au moment où elle m’a vue, elle a commencé à parler avec attention: «Maman, j’ai appris à jouer de la flûte. On entend souvent Petit tintement de cloche dans notre maison».

Elle a continué à m’expliquer qu’elle s’était bien amusée avec Petit tintement de cloche, même si à la fin de sa visite je ne savais pas si elle parlait d’un jouet, d’un animal ou d’une personne.

Au moins, j’étais soulagée de l’entendre parler de cette façon. Je me suis dit: «Heureusement, une jeune enfant ne connaît pas l’amertume de la douleur. Il semble qu’elle reste heureuse et paisible, même si sa mère n’est pas présente».

Plus d’un an plus tard, j’ai appris que sa grand-mère lui avait strictement interdit de mentionner aux autres ma détention dans un camp de travaux forcés, un lieu où seuls ceux qui sont censés être des criminels se rendent. Qu’elle soit juste ou non, la détention est considérée comme honteuse et rabaisse la réputation d’une famille.

Comme elle était jeune, elle n’a cependant pas pu se retenir et elle a confié son secret à son professeur. Inconsciemment, peut-être que son professeur principal était un substitut à la mère qui lui manquait à cette époque-là.

Grand-mère l’a grondée car elle souhaitait éviter toute discrimination à l’égard de sa petite-fille. Pour éviter cela, son père l’a changée d’école.

Au moment de ma libération du camp, ma fille avait huit ans et demi. J’avais la chance d’être en vie et d’avoir échappé, de justesse, à une mort certaine. Quelques jours plus tard, j’ai trouvé un mot sur la table, écrit de la main de ma fille. Elle avait écrit: «Maman, je te conseille d’arrêter de pratiquer le Falun Gong. S’il te plaît, jette un œil à ce livre».

Son instituteur lui avait donné un livre qui décrit les pratiquants de Falun Gong comme des assassins et des psychopathes. J’ai essayé de lui expliquer que j’étais une bonne personne et que le livre ne rapportait que des mensonges.

Mais elle m’a interrompue en criant désespérément: «Je sais que tu es une bonne personne! Mais la télévision dit que les pratiquants de Falun Gong sont de mauvaises personnes! Je ne sais plus qui croire!»

Ses yeux sombres et tristes étaient pleins de chagrin. Elle semblait avoir déjà tellement souffert après toutes ces épreuves.

J’ai ressenti une douleur lancinante. Je me demandais à quel point cette jeune enfant avait enduré pendant mon absence. Comment son jeune cœur blessé avait-il réagi? Qu’a-t-elle répondu lorsque ses professeurs et camarades de classes lui ont demandé où était sa mère? Quels autres tourments a-t-elle subi alors que je n’étais pas là?

Cela m’a fait mal de la voir perdue, essayant de choisir qui croire entre son professeur, les médias, ceux qui l’entourent et sa propre mère.

J’ai dû lui parler de beaucoup de choses, de sujets que je n’oserais aborder avec une enfant si jeune: la Révolution culturelle, le président du Parti, Liu Shaoqi, assassiné pendant cette période, ainsi que le massacre de la place Tiananmen en 1989. Bien que ces évènements soient très brutaux, il n’y avait pas d’autres moyens de faire face aux mensonges mais de faire en sorte qu’elle me croit et m’aime encore.

Quelques jours plus tard, elle a hoché la tête en connaissance de cause et m’a fait part de ce qu’elle avait découvert. «Il semble que quelque soit le dirigeant au pouvoir, il y a derrière quelque chose: Mao Zedong avait la Révolution culturelle; Deng Xiaoping avait le massacre de la place Tiananmen et Jiang Zemin la persécution du Falun Gong».

La séparation

Quand ma fille avait près de neuf ans, j’ai affronté le danger d’être à nouveau renvoyée dans un camp de travaux forcés. Cette fois-ci, je n’ai pas eu d’autre choix: je devais fuir mon pays laissant derrière moi ma fille et son père qui allait devoir l’élever seul. Un an plus tard, ne m’ayant toujours pas retrouvée, la police a décidé de s’en prendre à son père, l’arrêtant et le transférant vers un lieu inconnu.

Le jour du dixième anniversaire de ma fille, je lui ai téléphoné pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Elle m’a répondu: «Je ne suis pas contente du tout!»

Les larmes lui sont montées aux yeux. Je lui ai demandé: «As-tu des nouvelles de ton père?»

«C’est de ta faute! C’est de ta faute!», m’a-t-elle répondu.

J’étais sans voix. Elle m’a dit, d’un ton glacial: «As-tu autre chose à dire?»

Les larmes coulaient sur mes joues inondées. Je savais qu’elle ne voulait pas me blesser si profondément, que ce n’était pas ce qu’elle voulait dire, qu’elle rapportait ce qu’elle avait dû entendre ailleurs. Pourtant, mon cœur s’est serré.

Cela m’a rappelé une histoire que j’avais lue, il y a longtemps. Il s’agissait d’une femme, auteur de l’ancienne Union soviétique, qui avait été emprisonnée à tort. Sa fille adolescente lui avait écrit, lui demandant: «Maman, s’il vous plaît dites-moi, êtes-vous coupable ou avez-vous été emprisonnée par des coupables? Si c’est vous, je vous hais, si ce sont ceux qui vous ont emprisonnée, je les hais!»

La mère, craignant que sa fille ne se mette en danger en attaquant ceux qui sont au pouvoir, a décidé d’avaler la pilule et lui a dit qu’elle était la coupable. En conséquence, les deux ont souffert pour le reste de leur vie.

Je n’avais pas l’intention de prendre ce chemin, mais vivre dans un pays étranger rendait la communication difficile. En outre, le téléphone de notre maison en Chine était sur écoute et les lettres que j’ai écrites à ma fille ont été confisquées avant qu’elle ait pu les recevoir.

C’était très difficile pour moi de protéger ce jeune cœur innocent et de l’empêcher d’être empoisonné par les mensonges constants provenant de la machine de propagande du pays.

Vivre avec l’espoir

Récemment, ma fille a eu onze ans. Dans mes rêves, je prenais souvent l’avion et retournais la voir, inquiète de la voir perdre son innocence et son intelligence d’origine. J’avais peur qu’elle se perde elle-même. En de nombreuses autres occasions, je pensais à envoyer des lettres à ma fille extraordinaire.

Voilà ce que je voulais vraiment lui dire: «Afin de ne pas être réduite à l’esclavage par des mensonges, afin de pouvoir être un jour réunie avec toi, afin que ta future fille ainsi que la fille de ta fille puissent ne pas avoir à souffrir ce que tu as souffert, afin que des milliers et des milliers de petites filles comme toi puissent rester aux côtés de leur mère, qu’elles puissent être aimées et choyées, ta mère fait de son mieux. C’est l’obscurité avant l’aube!»

Bientôt, tu pourras assister à un phénomène étonnant: la vérité noiera tous les mensonges et toutes les diffamations. La brutalité ne peut venir à bout de la compassion et de la justice; sous le soleil, nos jours de bonheur et de joie brilleront à nouveau.

Note: Ce mémoire a été écrit juste avant que l’auteure et sa fille soient à nouveau réunies en Australie, en 2004. La fille est maintenant étudiante à l’université de Sydney et se porte bien.

Jennifer Zeng est l’auteur de L’histoire témoin: lutte d’une femme pour la liberté et le Falun Gong. Avant d’être persécutée en Chine pour sa foi, elle était chercheur et consultante dans un Centre de Développement du Conseil d’État et travaillait au Cabinet d’État. Son histoire, devenue célèbre par le film primé Chine libre, a été coproduit par New Tang Dynasty Television Productions et World2Be.

Version anglaise: Protecting an Innocent Heart During a Time of Lies