Le style de Xi: une nouvelle gouvernance coupée des réalités de la Chine

Écrit par Michael Young
22.01.2013
  • Le dirigeant du Parti communiste Xi Jinping dans le Grand Palais du Peuple à Pékin, le 27 décembre 2012. Au cours de ses premiers jours au pouvoir, Xi a parlé de réformes, mais pas de réforme politique. (Wang Zhao/Getty Images)

Le nouveau patron est maintenant en charge de la Chine et le peuple attend que la nouvelle gouvernance de Xi Jinping apporte des changements. Après tout, contrairement à ses prédécesseurs Hu Jintao et Jiang Zemin, Xi débute sa période au pouvoir en tant que chef suprême incontesté de la Chine: il est en même temps chef de l’Etat, du Parti et de l’armée.

Xi Jinping veut devenir un grand chef et se mesurer aux plus importants personnages du Parti communiste chinois (PCC). Toutefois, les premiers changements de Xi consistent en de nouvelles règles sur la façon de parler et de se comporter.

«Parler comme une personne»

C’est seulement en Chine communiste qu’il est nécessaire de dire aux fonctionnaires de «parler comme une personne», comme l’a demandé Xi à ses cadres. À partir de maintenant, les fonctionnaires du Parti doivent renoncer à la lecture de longs scripts ou à des discours répétitifs qui se réfèrent à la doctrine du Parti et sont remplis du lourd jargon du Parti. À la place, les fonctionnaires sont censés parler dans un chinois relativement simple, d’une manière plus personnelle et plus brève.

Ces changements de Xi ont été bien apppréciés. C’est normal. Les gens ne veulent plus écouter les cadres qui parlent sans fin et d’une façon incompréhensible.

Xi a également établi huit nouvelles règles pour le Politburo – les vingt-cinq plus hauts dirigeants du Parti – qui semblent être destinées à ramener sur terre ce groupe volant dans des sphères très élevées.

Voici un exemple des nouvelles directives de Xi.

On demande à tous les membres du Politburo de faire un voyage sur le terrain pour connaître la véritable situation dans le pays. Au cours de leur voyage, ils ne doivent pas être reçus avec le tapis rouge, une cérémonie de bienvenue ou un banquet extravagant.

Les conférences nationales et les événements importants seront strictement contrôlés et réduits. Les membres du Politburo ne devront pas participer aux cérémonies auxquelles ils ont été invités, sans autorisation. Pendant ces événements, les réunions devront être raccourcies et ne pas inclure de discours dénués de sens.

Des dossiers et des rapports sans consistance ne doivent pas être produits ni propagés.

Lorsque les membres du Politburo visitent des pays étrangers, le nombre de délégués doit être strictement contrôlé. À l’aéroport, il est interdit de former un comité d’accueil par le biais de la mobilisation des étudiants chinois, des boursiers à l’étranger et des résidents chinois.

La sécurité ne doit pas interrompre la circulation, ni bloquer les routes ou arrêter le fonctionnement des services communs.

Des informations concernant les activités des membres du Politburo pourront être couvertes par les médias et cela de la manière la plus brève possible et seulement si c’est nécessaire.

Sans arrangements supervisés par le Parti, les membres ne doivent pas publier de livres ou de discours et ne doivent pas non plus envoyer de lettres de félicitations, donner des autographes ou des citations à des fins publicitaires.

Les membres doivent suivre strictement les règles concernant le logement, le transport et la façon de vivre.

Les critiques estiment que ces règles n’auront que très peu d’impact. Elles sont vagues et très peu de gens ou d’organisations disposent de moyen pour contrôler les vingt-cinq personnes les plus puissantes du pays.

Sous le système politique actuel, les appels à l’auto-examen et à la discipline se sont avérés inutiles pour obtenir les résultats espérés – un appel à la moralité ne peut pas garantir que les nouvelles règles seront respectées. De plus, la solution n’est pas dans l’application de nouvelles règles mais dans l’établissement d’un nouveau système. Si la Chine avait une presse libre, des élections libres et un système judiciaire indépendant, ces règles ne seraient pas nécessaires.

Dans le passé, chaque fois que des règles telles que celles publiées par Xi étaient annoncées dans des documents et des discours officiels, la situation restait en dehors de tout contrôle.

Rêveur de jour

Xi veut que chacun contribue à ce qu’il appelle le rêve chinois, la renaissance de la grande Chine.

La première apparition publique de Xi après son arrivée au pouvoir s’est faite sous forme de visite avec les membres du Comité permanent du Politburo – les sept hommes qui dirigent le PCC- à l’exposition intitulée La grande voie de la renaissance chinoise.

Cette exposition montre comment les précédents dirigeants du PCC ont contribué à la renaissance de la grande Chine. Au cours de la visite, Xi a rendu un hommage particulier à Mao Zedong en récitant son poème. Il l’a fait plusieurs fois à d’autres occasions importantes pour montrer à quel point il était fier des idées et de l’esprit de Mao.

Bien sûr, l’exposition ne fait aucune mention des catastrophes et des massacres que Mao et Deng ont fait subir au peuple chinois au nom de la réalisation des rêves de ces dirigeants.

Le rêve de Xi a suscité une réponse. Le journal le plus respectable de Chine, le Southern Weekend de la province du Guangdong, dans son éditorial pour la nouvelle année a appelé à l’application de la constitution comme étant le rêve de la Chine. L’éditorial a soulevé le point fondamental caractérisant le régime chinois: le pouvoir du PCC est supérieur à celui de la constitution; l’Etat de droit est donc impossible.

Le chef de la propagande du Parti à Guangdong a réécrit l’éditorial. Lorsque la journal a protesté contre la censure officielle sur son microblog, le journal a perdu le contrôle de ce dernier. Cela a suscité davantage de protestations, une grève du personnel du Southern Weekend et la sympathie des médias dans tout le pays.

Ces réactions ont permis de mettre à l’épreuve le vrai sens des paroles de Xi Jinping. Le rêve de Xi, comme celui de Mao et de Deng avant lui, n’est pas forcement le rêve que partage la plupart des Chinois.

Un réformateur prétentieux

Alors que Xi vénère clairement Mao en tant que dirigeant de la Chine, il a fait son premier voyage en suivant les traces de Deng Xiaoping dans sa célèbre tournée méridionale à Shenzhen dans la province du Guangdong. Cette tournée a été la réaffirmation par Deng de sa politique économique après le massacre de la Place Tiananmen.

Xi Jinping a visité le mémorial de Deng et a fortement loué la contribution de Deng aux réformes économiques de la Chine. Lors de sa visite, Xi a suivi ses propres règles. Il était accompagné de sa fille et de sa femme mais avec peu de fonctionnaires à ses côtés, par ailleurs, il a gardé un profil bas tout au long de sa visite qui a bénéficié d’un minimum de couverture médiatique.

Fait intéressant, Xi a déclaré pendant et après sa visite que l’aphorisme de Deng précisant de «traverser la rivière en touchant les pierres» est toujours la formule du succès pour les réformes en Chine. Ce dicton signifie qu’il n’y a pas de règles existantes à suivre. Le dirigeant choisit ce qui convient à son propre privilège et à celui du Parti.

Au nom de la création d’une société communiste, pendant près de trente ans de son règne Mao a pris la richesse et le pouvoir au peuple chinois et les a donné au PCC.

L’ère de Deng a réussi à préserver le contrôle du pouvoir par le Parti, mais a distribué la majorité de la richesse aux familles bien placées et à leurs amis. Bien sûr, les gens qui travaillent pour ceux qui contrôlent la richesse en profitent aussi au nom de la construction d’une société socialiste avec des caractéristiques chinoises.

Xi a décroché le nom de «réformateur», mais en parlant de réformes, il parle de punir les fonctionnaires corrompus et de créer des réformes administratives. Il ne dit rien au sujet de réforme politique.

Cependant, en l’absence d’une presse libre et d’un système judiciaire indépendant, la lutte contre la corruption est un combat perdu d’avance. Au lieu d’une réforme politique, les Chinois font face à un contrôle encore plus stricte de l’Internet et à la censure de la presse.

Combiner les opposés

Mao et Deng avaient deux approches opposées. Mao a formé des communautés agricoles, Deng les a éliminés en laissant aux fermiers leurs propres parcelles. Mao a ordonné la création de petits fourneaux d’acier dans les cours arrières; Deng a ouvert la Chine aux investissements étrangers et aux grands projets économiques.

Xi semble avoir trouvé la voie pour réconcilier les différentes «renaissances» que Mao et Deng ont introduites dans le Parti. En parlant devant les 300 plus hauts dirigeants de Chine, Xi Jinping a déclaré que les trente premières années de Mao et les trentes années suivantes de Deng constituent les efforts continus des Chinois sur la voie du socialisme avec les caractéristiques chinoises.

Xi a également affirmé que les premières et les secondes trente années du règne communiste ne se contredisent pas. Evidemment, ni Mao ni Deng ne seraient d’accord avec lui s’ils étaient encore vivants.

La division du règne du régime chinois en deux ères permet de ne pas mentionner les périodes dirigées par les prédécesseurs immédiats de Xi – Jiang Zeming et Hu Jintao. Ils sont considérés comme des extensions de l’ère de Deng. Xi apparaît comme le maître de sa propre ère.

L’autonomie de Xi dans son histoire du PCC lui permet de déterminer sa propre position par rapport aux deux géants – Mao et Deng. Xi peut décider d’utiliser les pensées de Mao et les théories de Deng à sa convenance.

Apparemment, Xi pense à utiliser Mao pour combattre toute personne qui conteste le pouvoir du régime communiste ou appelle à des réformes politiques, tout en utilisant Deng pour faire avancer les réformes économiques et administratives.

Xi sait qu’il n’est rien et il se rend compte qu’il a besoin de Mao et de Deng pour faire face à la crise dans laquelle est plongé son régime.

Michael Young, un écrivain sino-américain basé à Washington, écrit sur la Chine et les relations entre la Chine et les Etats-Unis.

Version anglaise: Xi’s Style: China’s New Schizophrenic Leadership

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