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Notre-Dame-des-Landes, un nouveau Larzac?

Écrit par David Vives, Epoch Times
30.01.2013
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  • Plusieurs milliers de personnes, opposées au projet d’aéroport u00abGrand Ouest» de Notre-Dame-des-Landes au nord de Nantes, manifestent le 12 novembre 2011 à Paris. (Fred Dufour/AFP)

«Nous choisissons le Larzac, c’est un pays déshérité». C’est avec ces mots qu’en 1971, Michel Debré, ministre de la Défense, justifiait son choix pour la construction d’un camp militaire, avec la suite que l’on connaît au projet: manifestations de milliers de personnes, occupations des terres. Finalement, sous la présidence de François Mitterrand, le gouvernement, une dizaine d’années plus tard, tranchera: le Larzac ne sera pas un terrain vague pour l’entraînement des militaires, mais une région fière de son patrimoine, transformant le «pays déshérité» en symbole d’espoir face à l’hégémonie du pouvoir.

C’est peut-être le dénouement qu’attendent les opposants à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le bras de fer commencé entre les occupants de la Zone d’Aménagement différée – renommée «Zone à Défendre» pour l’occasion, et le gouvernement, prend une tournure qui semble dépasser le simple enjeu économique, si l’on en croit les commentaires des défenseurs du projet. Certains CRS s’indignent, les fermiers aident les manifestants à se loger, des associations se créent ou témoignent leur soutien, et une partie de la classe politique s’indigne.

Au Larzac, la manifestation des paysans avait permis l’émergence de mouvements et collectifs en tout genre: la cause antinucléaire, la cause sur la libération sexuelle, etc. En France, le thème de «désobéissance civile» a pris peu à peu forme à cette époque, surfant sur la fin de la vague de 1968. Dans ce contexte, la comparaison de ces manifestants à des «Robin des Bois» des temps modernes peut prêter à sourire.

Les opposants, refusant pour l’instant toute affiliation politique, s’organisent en comptant sur le soutien populaire. Pour beaucoup, la défense de Notre-Dame-des-Landes, c’est aussi, par extension, la lutte contre une société impersonnelle, génératrice d’inégalité et de précarité – ou que l’on veut bien leur prêter. Aujourd’hui, à Notre-Dame-des-Landes, comme au Larzac il y a 40 ans, on rêve d’un autre monde.

Un climat tendu entre CRS et ZADistes

Les températures baissent – jusqu’à -4 °C la nuit – mais la vigilance demeure dans les sous-bois. Le jeu du chat et de la souris ne semble pas prêt de s’arrêter. La résistance, côté opposants, ne montre aucun signe de faiblesse. Cabanes improvisées, camping-cars rustiques, voitures, tels sont les abris de ces Robins des Bois des temps modernes. Venant des quatre coins de la France et parfois de l’étranger, ils connaissent le voisinage, ils connaissent le terrain, ils connaissent les lois. Pour les CRS qui arrivent à peine à les compter, ils sont difficiles à déloger. Un gendarme gradé commente: «C’est impossible, la tâche est titanesque. Ici, on est dans la verte avec tous ces hectares de bocage, et ils sont déterminés, sitôt qu’on démonte, ils remontent». Les fermiers, à grand renfort de tracteurs, ceinturent la Zone à Défendre.

À la préfecture, la distance est de mise. La proposition émise concernant le «gel des constructions illégales contre l’arrêt des interventions des gendarmes sur le site», n’a pas été acceptée par les opposants, qui refusent toute idée de «dialogue sous conditions». De même, la préfecture avait interdit un rassemblement musical sous prétexte que les conditions de sécurité n’étaient pas respectées. Les opposants, de leur côté, affirment avoir prévenu la préfecture et dénoncent l’attitude contradictoire de cette dernière. L’évènement a quand même eu lieu. Les opposants organisent régulièrement des manifestations pacifistes, dans le but de sensibiliser la population locale.

Sur le terrain, les contrôles d’identité se poursuivent et le face-à-face s’installe entre les CRS et ZADistes. Des hélicoptères survolent régulièrement La Chataîgneraie, un présage pour certains, qui attendent la prochaine confrontation. Parfois, le purin et des œufs remplis de peinture volent en direction des CRS: la «trêve», voulue par Jean-Marc Ayrault, ne tient qu’à un fil.

Maintenir les positions, assurer l’effectif des «troupes», gagner le soutien populaire, voilà les enjeux stratégiques pour les opposant à l’«Ayrault port». Sachant qu’avec le réchauffement des températures, l’afflux sera conséquent, l’optimisme ne faiblit pas, et pour cause: plus la «lutte» se prolonge et gagne en notoriété, plus la chance sera susceptible de tourner. Fin novembre, le gouvernement avait annoncé un report de six mois pour les opérations de défrichage, les bûcherons n’interviendront pas avant juillet-août. «Ce sera l’été, il y aura plein de gens qui pourront être libres pour venir nous soutenir», escompte la porte-parole de l’Acipa, principale association des opposants.

Une commission pour «calmer le jeu»

André Franton, secrétaire d’État à la Défense en 1971, défendait la logique du projet de construction de base militaire sur le Larzac, affirmant: «La contrepartie, c’est le fait qu’il y a quand même quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyenâgeusement, et qu’il est nécessaire d’exproprier». De nos jours, difficile d’imaginer nos dirigeants s’exprimer ainsi au peuple. La leçon a été tirée, semble-t-il, et le gouvernement préfère sans doute éviter une confrontation directe avec l’opinion publique.

Jean-Pierre Fougerat, député socialiste de Loire-Atlantique, déclarait récemment: «Le gouvernement ne lâchera pas […] La commission, c’est pour calmer le jeu. Mais le résultat est clair, net et précis: le nouvel aéroport sera construit. Sinon les populations et les élus ne comprendraient pas». Donc, au gouvernement, on ne l’entend pas de cette oreille. Malgré l’inquiétude de certains députés PS, le gouvernement de Monsieur Ayrault, après avoir reculé sur plusieurs dossiers et avoir essuyé les échecs qu’on lui connaît depuis l’automne, s’épargnerait volontiers un nouveau désaveu avec l’arrêt du projet.

Pour les opposants, la méthode de concertation choisie pour la commission de dialogue laisse soupçonner que les jeux sont déjà faits. «Nous sommes surpris de voir que cette commission s’est réunie la semaine dernière à Matignon. On aimerait que Jean-Marc Ayrault soit un peu plus Premier ministre, et un peu moins maire de Nantes. Ce n’est pas ce que j’appelle un dialogue», déclare un député du parti Europe Écologie Les Verts.

L’UDI a également exprimé son scepticisme quant à l’utilité réelle du déménagement de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique. La réduction «des engagements financiers du Schéma National d’Infrastructures et de Transports (SNIT), évalué à 245 milliards sur 25 ans» remet en cause, d’après Laurent Gérault, l’ensemble du projet et l’aménagement du territoire. Jean-Louis Borloo a demandé un moratoire sur le projet.

Isabelle Autissier, présidente de WWF France, ainsi que les députés européens Corinne Lepage et Daniel Cohn-Bendit ont réclamé l’organisation d’un référendum régional, s’inquiétant de voir un projet qui «échappe de plus en plus au débat argumenté» et craignent que ce «désaccord réel puisse basculer à tout moment dans l’irréparable». La commission poursuivra ses auditions jusqu’en fin mars.

Pendant ce temps, à Notre-Dame-des-Landes, des ateliers et réunions mettant en avant la réflexion sur l’autonomie et le «vivre-ensemble» vont bon train. Pour sensibiliser sur la défense de la biodiversité de cette région – protégée, les occupants ont promis de cultiver et de fleurir la ZAD au printemps. Les «saboteurs», à cette occasion, se transformeront en «sabotiers».

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