Le Samalas, le plus grand mystère de l’éruption volcanique de 1257 révélé

Écrit par Héloïse Roc, Epoch Times
24.11.2013
  • La caldeira se serait formée par l’effondrement en 1257 du Samalas, un ancien volcan culminant à environ 4.200 mètres d’altitude et de 8 à 9 kilomètres de diamètre. (Segara Anak/Wikipédia)

Une équipe internationale pense avoir mis en évidence la plus grande éruption volcanique de ces 7.000 dernières années, celle du volcan Samalas. L’étude a été publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) des États-Unis. En effet, les scientifiques qui analysent la calotte polaire du Groenland et de l’Antarctique avaient déjà découvert les signes d’une colossale éruption volcanique qui s’était produite autour de 1258-1259 et dans l’analyse des éléments prélevés, ces datations revenaient régulièrement. On avait aussi remarqué que l’éruption avait influencé le climat du monde et notamment de l’Europe pendant ces années-là. Les volcanologues ont alors cherché partout dans le monde l’origine de ce volcan, depuis la Nouvelle-Zélande jusqu’au Mexique. L’explosion volcanique était estimée huit fois plus puissante que celle du Krakatau en 1883 et deux fois plus que celle du Tambora en 1815. Jusque-là, les volcanologues considéraient l’éruption du Tambora comme la plus importante de ces 3 700 dernières années, mais selon les études, celle de 1257 fut encore plus phénoménale.

Diverses éruptions volcaniques célèbres

Des éruptions volcaniques célèbres, telles que celle du Vésuve (79 ap. J.-C.) situé en Italie, du Huaynaputina (en 1600) au Pérou, du Tambora (en 1815) sur l’île de Sumbawa en Indonésie et du Krakatau (en 1883) sur le détroit de la Sonde en Indonésie, ont été identifiées après l’analyse des carottes glaciaires. D’autres éruptions ont aussi été identifiées dans les archives glaciaires sans que leur source ne soit associée à un volcan particulier. La plus extraordinaire de ces éruptions, inconnues jusqu’à ce jour, a eu lieu autour de 1258 ap. J.-C. Le sulfate associé à cette éruption a conduit les chercheurs à la considérer comme la plus importante de ces 7.000 dernières années et à la voir comme l’un des plus grands événements de l’Holocène et de l’Histoire. L’éruption du volcan Santorin en Grèce, il y a plus de 3.600 ans, est devenue par conséquent un phénomène mineur, bien qu’ayant entraîné l’apparition d’une île de Grèce située en mer Égée.

Ce volcan impérieux est celui de Samalas, complexe volcanique Rinjani d’Indonésie. Il est situé sur l’île de Lombok, l’une des îles de la Sonde à l’est de Bali. Lors de l’explosion du volcan de 4 200 mètres, des millions de tonnes de cendres ont été projetées dans l’atmosphère et Pamatan, la capitale du royaume présent sur l’île, a été effacée de la carte.

  • Image satellite infrarouge de l’île de Lombok avec le mont Rinjani identifiable par son lac de cratère. (Rinjani/Wikipédia)

La résolution du mystère

Pour résoudre ce mystère, une équipe internationale et multidisciplinaire a comparé des données connues avec les nouveaux résultats fournis par la datation au carbone 14, l’analyse chimique, géochimique, stratigraphique de volcanologie physique des éjectas, des anneaux d’arbres et autres éléments, ainsi que par les écrits historiques et par des chroniques médiévales.

Tous ces éléments croisés ont déterminé la source de cette éruption: le volcan Samalas, situé dans le complexe volcanique du Mont Rinjani, sur l’île Lombock, en Indonésie. Ces résultats résolvent une énigme de plus de 30 ans des glaciologues, des volcanologues et des climatologues. L’identification de ce volcan permet aussi de supposer un Pompéi oublié de l’Extrême-Orient...

Près du volcan formellement reconnu, l’éruption a amoncelé des matériaux et formé des dépôts que l’équipe a échantillonnés sur plus de 130 sites afin de produire une image stratigraphique et sédimentologique montrant le déroulement de l’éruption. Par ailleurs, les données fournies par le radiocarbone sont compatibles avec la date de l’éruption et ne révèlent aucun échantillon plus récent que 1257. Ainsi, les autres volcans sont maintenant exclus du palmarès, comme par exemple, le volcan El Chichon au Mexique.

Les écrits et chroniques médiévales

Dans les chroniques médiévales européennes, on a retrouvé des traces de cette éruption et les conséquences sur le climat. En 1258, il n’y a ainsi pas eu d’été à cause de la présence de poussière volcanique dans le ciel. Le frère Richer, un moine qui vivait dans les Vosges, a écrit: «Que dirai-je des fruits de cette année, vu que l’indisposition du temps était si grande qu’à peine l’ardeur du soleil pouvait rayonner sur la terre. Car au long de cet été les nues et brouillards pluvieux furent si fréquents qu’on l’eût plutôt estimé être un automne qu’un été. En premier lieu, le foin ne put être séché à cause des pluies incessamment tombées de l’air; la moisson semblablement fut si abattue de pluies et d’humidité qu’elle fut retardée jusques en septembre. En sorte que dans les épis, les grains germaient et pire encore, ils furent mis aux greniers et tout se putréfia.» (Traduit du vieux français par Pierre Barthélémy, journaliste scientifique au Monde). La même année, une famine aurait touché Londres où un tiers de la population serait décédée.

  • Le volcan Sarytchev, sur l’île Matoua, en éruption. (Wikipédia Satellite)

Le Samalas avait connu deux éruptions explosives

Franck Lavigne, professeur de géographie physique à l’université de Paris-1 et spécialiste de l’Indonésie, s’est rendu dans le pays pour trouver une réponse: «Le Samalas avait déjà connu au moins deux éruptions explosives violentes par le passé mais il s’était reconstruit.» Aussi, selon Jean-Christophe Komorowski, professeur de volcanologie à l’institut de physique du Globe de Paris-CNRS, «on avait là, culminant à 4.200 mètres d’altitude, un énorme volcan de 8 à 9 kilomètres de diamètre, avec le Rinjani sur le côté. Dessous, 40 km3 de magma très riche en gaz s’étaient accumulés dans la chambre magmatique. Cette chambre aurait fini par exploser formant alors la caldeira que l’on retrouve aujourd’hui sur l’île.»

Jean-Christophe Komorowski ajoute également: «Le panache est monté jusqu’à 43 km d’altitude. On a eu là des avalanches incandescentes de pierre ponce et de gaz, un peu comme la mousse qui déborde d’une casserole de lait bouilli, des nuées ardentes qui se sont répandues sur 25 km, sauf au sud où elles ont été bloquées par d’anciens reliefs volcaniques, ce qui explique que des gens aient survécu. Mais sinon, l’île a été dévastée. Cela a dû être le noir complet pendant des jours, des semaines voire des mois». Pratiquement, c’est la plus grosse éruption, appelée éruption ultra-plinienne. Un Pompéi en Asie!

Récemment, les archéologues ont apposé la date de 1258 sur les squelettes des milliers de personnes qui ont été enterrées en fosse commune à Londres. «Nous ne pouvons pas dire avec certitude que ces deux événements sont liés mais les populations ont certainement souffert de cette éruption», a souligné Franck Lavigne aux nouvelles de la BBC.

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