London Cru, premier établissement vinicole dans la capitale anglaise

Écrit par Helen Massy-Beresford
01.12.2013
  • Gavin Monery, vigneron au premier établissement vinicole de Londres, London Cru (Ian Stirling)

Un entrepôt chaulé est rempli de réservoirs en métal brillant. Un vigneron, les mains tachées de violet, contrôle les raisins tandis qu'ils passent dans un pressoir qui émet un doux sifflement. Si vous avez déjà visité un établissement vinicole, cette scène vous semblera familière. La différence est que celui-ci se trouve à Londres.

Adam Green et ses collègues de London Cru, première cave commerciale de la capitale britannique, veulent que leur nouveau projet inspire un intérêt pour le vin qui fait parfois défaut chez les consommateurs britanniques, trop souvent contents du vin ordinaire de supermarché. Ils craignent qu'on les prenne pour des snobs s'ils expriment une préférence qui va au-delà de rouge ou blanc.

Green et ses collègues – y compris l'expérimenté vigneron australien Gavin Monery – utilisent des raisins de cépage Syrah, Chardonnay, Cabernet Sauvignon et Barbera soigneusement transportés par camion depuis la France et l'Italie. Ils ont l'intention de produire environ 20 000 bouteilles de vin qui pourront être bues l'année prochaine.

«Le vin n'est pas familier pour beaucoup de gens au Royaume-Uni. Nous voulons apporter l'expérience et la compréhension de la façon dont le vin est fabriqué en ville», a expliqué Green, montrant sept énormes barriques pleines de Syrah.

Boire moins, mais mieux

«L'intérêt pour le gin, les brasseries et la bière artisanale a connu un grand essor, mais environ 70 % à 80 % du vin au Royaume-Uni est acheté en supermarché – les gens ne sont pas encouragés à boire moins, mais mieux», a précisé Green.

London Cru espère changer cela. «Il y a bon nombre de gens qui s'intéressent à la nourriture et peut-être pas suffisamment au vin pour partir en vacances dans des établissements vinicoles, mais ils viendront si c'est à côté de chez eux», a ajouté Green.

London Cru espère vendre ses vins à moins de 18 euros la bouteille, ou au maximum à 24 euros, mais l'équipe est vraiment consciente que c'est toujours à peu près trois fois le prix de la bouteille moyenne en Grande-Bretagne, alors s'assurer que la qualité du vin justifie le prix est d'une importance primordiale.

«Nous voulons produire des vins qui résistent très bien. Nous ne voulons pas que les gens pensent qu'ils paient plus cher, car le vin est fabriqué à Londres», a affirmé Green.

London Cru se procure les raisins de vignobles soigneusement sélectionnés – les relations établies par son bailleur, Roberson Wines, lui ont été utiles. L'équipe a choisi de ne pas utiliser de raisins britanniques, préférant travailler avec des producteurs connus, mais cela pourrait changer lors des futures récoltes.

Les raisins sur la route

Au début, le grand point d'interrogation concernait avant tout la logistique : les raisins pourraient-ils subsister pendant leur transport jusqu'à Londres?

Le premier lot est arrivé «avec la même apparence que dans le vignoble», a assuré Green. Mais début octobre, le projet a essuyé un sérieux revers en perdant sept tonnes de raisins Merlot et Sauvignon blanc, qu'elle devait recevoir de la France et dont le niveau de pourriture – à cause d'un été pluvieux – signifiait qu'ils n'étaient pas en assez bon état pour subsister au voyage. L'équipe a décidé de ne pas prendre le risque d'utiliser ces raisins pour ne pas se retrouver avec un vin de qualité inférieure.

Certains des raisins manquants ont été remplacés par des raisins Barbera du nord de l'Italie. Une fois sur place, les raisins sont triés, pressés et vinifiés séparément, puis stockés dans des fûts avant que l'équipe ne décide de la façon de les mélanger.

Déplacer les raisins en dehors de leur région d'origine signifie que le vigneron perd le droit à un statut d'«appellation» – la certification qui garantit un vin d'une région en particulier – mais il s'ouvre la possibilité de nouveaux mélanges intéressants et Green se réjouit déjà d'étudier la possibilité d'importer des raisins d'Espagne, d'Allemagne ou d'ailleurs en Europe.

«Nous ne voulons pas faire un mélange de Languedoc et de Bordeaux juste pour créer l’événement», a déclaré Green. «La première année, nous devons nous en tenir à des vins qui sont familiers aux gens, mais si tout va bien alors, à l'avenir, nous pourrons prendre plus de risques.»

Tandis que certains producteurs se méfient du projet, d'autres ont approché London Cru, souhaitant y participer l'année prochaine.

Découvrir la vinification

Green, cofondateur du projet, qui par une coïncidence historique, est basé dans une ancienne distillerie de gin, à Earl's Court, à l'ouest de Londres, espère amener la vinification dans la capitale britannique et permettre aux clients d'être spectateurs du processus qui va du raisin jusqu'à la bouteille de vin. Il espère également que cela suscitera un intérêt comparable à la montée en popularité des bières artisanales brassées localement et du gin.

L'équipe veut rendre le vin plus accessible à travers les médias sociaux, les clubs de dîners avec des vins d'accompagnement – finalement London Cru en vedette – les dégustations et un «laboratoire» à vin où les clients peuvent apprendre le processus de fabrication du vin et créer leur mélange parfait.

«Nous voulons que les gens soient capables de s'ouvrir, de poser des questions et d'exprimer leurs opinions sans crainte du ridicule», a confié Green. Les clients de l'année prochaine pourront acheter un baril et avoir le mélange exact qu'il souhaite. Ceux qui en ont vraiment envie pourront aller dans les vignobles et aider à la récolte.

Version originale : London Cru Brings Winemaking to The Capital