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Alcool russe, le cauchemar de Poutine?

Écrit par Dr. César Chelala
24.12.2013
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  • Dans le Centre scientifique de soins psychiatriques et sociaux de l’État de Serbsky, un patient regarde à travers une fenêtre. Le centre traite les dépendances à l’alcool et aux drogues. Moscou, le 10 octobre 2011. (Natalia Kolesnikova/AFP/Getty Images)

L’amour des Russes pour la vodka ne date pas d’hier. La légende raconte que c’est au 14ème siècle que des marchands génois l’ont introduite au prince Dmitri Ivanovitch, à Moscou. Elle raconte aussi que le moine Isidore, du monastère de Chudov, à l’intérieur du Kremlin avait conçu une recette de vodka russe vers 1430. Il n’a probablement pas anticipé l’effet dévastateur que la dépendance à l’alcool, surtout à la vodka, allait avoir sur la santé et la qualité de vie des russes, ainsi que sur l’économie et le tissu social du pays.

Comment expliquer cette dépendance des Russes vis à vis de l’alcool, et particulièrement de la vodka? À plusieurs reprises divers gouvernements ont encouragé la consommation d’alcool afin d’augmenter les recettes provenant des taxes sur l’alcool. Si pour les historiens marxistes, la consommation d’alcool a été utilisée comme une arme efficace contre les dissidences, d’autres observateurs affirment que l’alcool est en réalité pour beaucoup, la seule échappatoire à la grisaille de la vie quotidienne.

À son arrivée au pouvoir, le Parti bolchevique et ses dirigeants ont essayé – sans grand succès – de réduire la consommation d’alcool dans l'Union soviétique. Plus tard cependant, Joseph Staline a rétablit le monopole de l’État afin de générer des revenus. En 1985, Mikhaïl Gorbatchev, a resserré les contrôles sur la consommation d’alcool et a imposé une interdiction partielle à travers une vaste campagne anti-alcool.

Cette campagne a connu un certain succès. Si elle sanctionnait sévèrement l’ivresse publique et la consommation d’alcool, elle appliquait également des restrictions sur la vente d'alcool. On enregistrait alors une baisse de la consommation par habitant et une amélioration de la qualité de vie traduite par une meilleure espérance de vie et une réduction du nombre des admissions à l’hôpital. Toutefois la population était contre cette politique musclée, qui a fini par être abandonné. Peu de temps après, les conséquences de cet abandon devenaient manifestes.

De temps en temps, la une des journaux relate les cas d’un grand nombre de personnes qui meurent à la suite de consommation de fausse vodka et d’autres substituts d'alcool. On estime à plus de 40.000, le nombre de Russes qui meurent chaque année après avoir bu ces liquides toxiques, contenant parfois des désinfectants médicaux, des lotions après-rasage, et d'autres substances dangereuses.

Aujourd’hui, un russe boit en moyenne 18 litres d'alcool pur par an, essentiellement de la vodka et d’autres breuvages du marché noir appelé samogon. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cette consommation qui est la plus élevée au monde dépasse les normes jugées sans danger.

  • En 2011, la Russie a rayé la bière des denrées alimentaires et l’a reclassée en boisson alcoolisée. Les ventes sont restreintes afin de réduire l'abus d'alcool. Une photo prise dans un bar de Moscou le 14 septembre 2011. (Alexander Nemenov/AFP/Getty Images)

Aujourd’hui, la Russie possède le taux le plus élevé des maladies liées à la consommation d’alcool qui provoque à long terme des pathologies neurologiques, cardio-vasculaires, psychiatriques, et des problèmes de foie entre autre. À court terme, et généralement à la suite de beuveries, l’alcool provoque plusieurs types de blessures: des violences, des comportements sexuels à risque (dont des rapports sexuels non protégés), des intoxication à l’alcool ainsi que des fausses couches chez les femmes enceintes.

Le lien étroit qui existe entre la consommation excessive d'alcool et la violence interpersonnelle ne peut pas être surestimée. Toutefois, en raison de la tolérance sociale de comportements violents et des informations incomplètes ou inexactes, les statistiques officielles n’enregistrent qu’un faible pourcentage des violences engendrées. Certaines, cependant, sont inquiétantes. Chez les hommes auteurs d’homicides entre conjoints, 60 à 75% des délinquants avaient consommé beaucoup d’alcool avant de passer à l’acte.

Auprès des jeunes hommes, le risque de suicide est cinq fois plus élevé pour les gros buveurs, et neuf fois plus élevé pour les alcooliques. Bien que les hommes boivent plus que les femmes, la consommation excessive d’alcool au cours de la grossesse peut entraîner chez l'enfant le développement du syndrome d’alcoolisme fœtal et ses risques, qui sont associés à un comportement délinquant et violent plus tard dans la vie.

La mauvaise santé des Russes se traduit par une espérance de vie courte. Les statistiques du département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), révèlent que l’espérance de vie des hommes est de 61 ans et celle des femmes, de 74 ans. Ces chiffres sont de 17 ans inférieurs à ceux du reste de la population de l’Europe occidentale. Au Japon en revanche, l’espérance de vie est respectivement de 79 et 86 ans.

En Juin 2009, la Chambre publique russe estimait à plus d’un demi-million le nombre de morts liées à l'alcool chaque année. Ce chiffre met en lumière une situation catastrophique, notamment lorsque l’on considère que le pays traverse une grave crise démographique – sa population devrait chuter de 20% d’ici 2050.

Même en l’absence de tout chiffre précis, les coûts directs et indirects de l’abus d’alcool en Russie sont considérables. S’il ne prend pas rapidement des mesures drastiques, les rêves de Vladimir Poutine d’une plus grande Russie s’évaporeront. Dans son livre The Last Man in Russia, Olivier Bullough décrit avec justesse la situation «l’alcoolisme d’un homme est une tragédie pour cet homme. L’alcoolisme de tout un peuple est aussi une tragédie, mais c’est surtout le symptôme d’un plus grand problème, celui d'une panne collective».

Le Dr. César Chelala est un consultant international en santé publique et un co-lauréat du prix de l’Overseas Press Club of America.

Version en anglais: Why Alcohol Can Doom Putin’s Dreams

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