Montréal souterrain

Dans le ventre de la Ville… sans y être

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
05.12.2013
  • L’inspection d’un égout montréalais (Ville de Montréal)

«Quand j’étais jeune, mon rêve était de conduire un camion […]», raconte candidement l’entrepreneur d’Action R-Vac, Ronald Robichaud, alors que l’on pouvait s’attendre à ce qu’il décrive son attrait pour la noirceur, les lieux à la fois béants et clos et les aventures sous terre. «[…] C’est le camion que j’ai trouvé», lance en riant l’homme ayant 30 ans de métier dans le corps. Un détour pour le moins improbable pour le propriétaire d’une compagnie en entretien, en inspection et en nettoyage sanitaire et pluvial du réseau public d’aqueduc et d’égouts. Arrivé à ses fins, il continue donc de veiller à la qualité des infrastructures et systèmes dissimulés sous la Ville, tout en opérant de la surface.

«Il y a eu un temps où on faisait nos inspections à même les égouts, mais c’était avant l’ère de la caméra qui permet de faire notre boulot sans y descendre. On mettait des combinaisons, des bottes, des gants, on avait un bâton et de la lumière. On était deux», décrit l’entrepreneur à la Ville de Montréal. «Au début, je trouvais ça un peu repoussant, mais tu finis par comprendre toute la logique souterraine, que c’est plus gros qu’on pense : il y a le gaz, l’électricité, les réseaux de télécommunication, les égouts, l’aqueduc, ça fait beaucoup de gens à consulter avant de creuser. […] Aujourd’hui, à l’aide d’une caméra, on peut voir un bris de conduite et, à l’aide d’un localisateur, on peut donner les détails permettant la réparation. On a beau tout robotiser, mais il y aura toujours une intervention humaine. Il y en a encore quelques égoutiers [métier qui consiste à descendre dans les égouts pour accomplir différentes tâches]», poursuit M. Robichaud.

Accès difficile au monde d’en dessous

«C’est la Ville qui fournit ses propres égoutiers, nous, on a les caméras. […] Disons qu’on passe la caméra et qu’on voit par exemple qu’il y a deux ou trois briques qui sont tombées, la Ville va envoyer un égoutier pour faire une réparation de l’intérieur. Même encore aujourd’hui, la CSST [Commission de la santé et de la sécurité du travail] n’approuve pas toujours les descentes, ça dépend du bris qu’il y a. Si c’est trop dangereux, on va excaver de l’extérieur pour faire une réparation sur la conduite. Si on descend, ça nous prend des détecteurs de gaz. Si notre détecteur sonne, il faut remonter et ventiler», élabore l’entrepreneur. Selon Ronald Robichaud, la mort de deux personnes dans une fosse septique qui se trouvait dans un camping de Saint-Jean-Baptiste, près du mont Saint-Hilaire en 2005, aurait amené la CSST à augmenter radicalement ses critères de sécurité souterraine.  

  • Les détails de ce qui se terre sous nos rues (Ville de Montréal)

Même ayant accès de moins en moins au sous-sol de la Ville, M. Robichaud continue d’être curieux et de se passionner pour les différents types d’égouts et d’aqueduc dans le monde. Il peut faire cela sans prendre de risques, dans le confort de son foyer en naviguant sur Internet. «C’est mon domaine, je suis plus porté à regarder ça», justifie l’entrepreneur.

Pas besoin d’aller aussi bas

M. Robichaud n’a pas reçu de convocation pour se rendre à la commission Charbonneau, alors que bien des entrepreneurs spécialisés en égout et aqueduc en ont reçu récemment. Il n’a pas eu à s’abaisser au point de changer de nom pour se cacher, ce que plusieurs autres ont fait selon lui. «C’est sûr que ça va nous donner plus d’ouvrage. Nous n’avons pas changé de nom, on est là depuis 20 ans», affirme Ronald Robichaud. Ce dernier travaille avec des taux horaires. «On m’appelle pour une urgence, je me présente à l’endroit où je dois travailler et je fais ma journée de six heures du matin à 16 heures. Je ne signe pas de contrat ou d’entente particulière dans un petit bureau fermé. C’est moins propice à ce qu’il y ait de la magouille», précise l’entrepreneur. Il lui arrive de faire des contrats en répondant aux annonces du Journal de Montréal ou d’être invité à faire un appel d’offres à la Ville. «Se faire inviter est une appréciation de notre travail», croit M. Robichaud.