Un député veut établir des règles permettant l'éviction des chefs de parti

Néanmoins, le conservateur Michael Chong dit avoir confiance en Harper

Écrit par Matthew Little, Epoch Times
09.12.2013
  • Le député Michael Chong s'adresse aux journalistes au sujet de son projet de loi le 4 décembre 2013 à Ottawa. (Matthew Little/Époque Times)

OTTAWA – Le député conservateur Michael Chong n'est pas un rebelle, malheureusement pour le NPD qui aimerait bien voir la zizanie dans les rangs du parti au pouvoir. Il s'est toutefois donné pour mission de réformer le Parlement, quoique le moment choisi soulève des questions.

M. Chong a choisi de se pencher sur la manière dont les chefs de parti contrôlent les députés au moment où la crédibilité du premier ministre, Stephen Harper, est remise en question avec le scandale des dépenses des sénateurs.

M. Chong a présenté, le 3 décembre, son projet de Loi instituant des réformes. S’il est adopté, la loi limiterait le pouvoir des chefs de parti sur qui peut représenter le parti dans une circonscription et introduirait des règles permettant à aussi peu que 15 députés de démarrer le processus pour évincer leur chef.

C'est ce dernier point qui pourrait être particulièrement difficile à avaler pour le premier ministre assiégé. Alors qu'on spécule que M. Harper pourrait délaisser son poste avant la prochaine élection, il a annoncé qu'il briguerait un autre mandat. Dans ce contexte, la présentation d'un projet de loi par un député conservateur qui pourrait être utilisé pour évincer M. Harper a donné des munitions à l'Opposition officielle du NPD.

Le projet de loi est d'autant plus notable parce que M. Chong est un député très respecté, un homme travaillant dur qui ne recherche pas les projecteurs et qui reste fidèle à ses principes. Alors que les projets de loi émanant de députés sont rarement adoptés, il est possible que celui-ci puisse recueillir assez d'appuis chez les conservateurs et passer si l'opposition embarque.

À ce jour, ça semble être le cas. Le NPD va permettre un vote libre et le critique du parti en matière de réforme de la démocratie, Craig Scott, soutient le projet de loi. Il en va de même pour le chef libéral, Justin Trudeau.

«Très perspicace»

Michael Chong a amputé sa carrière politique sous Harper en 2006 lorsqu'il a quitté le cabinet après que le premier ministre a présenté une résolution pour reconnaître la nation québécoise. M. Chong jugeait qu'il s'agissait de nationalisme ethnique. Vincent Marissal a écrit dans La Presse que M. Harper n'avait pas avisé M. Chong de son projet, même si ce dernier était ministre des Affaires intergouvernementales. Ce fut donc un facteur important menant à sa décision de claquer la porte.

À l'époque, M. Chong occupait deux autres postes, soit ministre du Sport et président du Conseil privé. S'il avait joué selon les règles non écrites, il serait probablement aujourd'hui un personnage important du Parti conservateur.

Mais pour M. Chong, ce sont ces règles non écrites qui sont problématiques.

Alors que beaucoup de ses collègues députés hésitent à démontrer leur appui à la Loi sur les réformes, ils n'hésitent pas à reconnaître les qualités de son auteur.

Rick Dykstra, secrétaire parlementaire à la ministre du Patrimoine Shelly Glover, affirme qu'il se tourne vers M. Chong lorsque des lois sont débattues en Chambre.

  • (De gauche à droite) Le député conservateur Larry Miller, la députée conservatrice Stella Ambler, la chef du Parti vert Elizabeth May, le sénateur Hugh Segal et le député indépendant Bruce Hyer soutiennent le projet de loi de Michael Chong. (Matthew Little/Époque Times)

«Il est très perspicace», indique M. Dykstra. «Il n'y a pas beaucoup de projets de loi importants que nous adoptons sans que j'en discute avec lui. Et chaque fois qu'il présente une loi, elle est toujours extrêmement bien réfléchie.»

John Weston, un autre député conservateur, affirme que M. Chong est intelligent, articulé et fidèle à ses principes.

«Son projet de loi démontre la loyauté envers le chef, l'appui envers le gouvernement et un désir d'améliorer le Parlement et ce sont tous des principes auxquels je souscris.»

Daryl Kramp, qui préside le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, affirme que M. Chong semble être sur la bonne voie.

«Je crois que son idée est excellente, je crois qu'il travaille bien dessus», estime M. Kramp, tout en soulignant qu'il pourrait y avoir des conséquences inattendues sur lesquelles il désire se pencher plus attentivement.

Gerald Keddy, secrétaire parlementaire à la ministre du Revenu national Kerry-Lynne Findlay, mentionne ne pas avoir lu le projet de loi, mais il se range derrière M. Chong également.

«Michael est un député très sage, très astucieux, il réfléchit beaucoup à ce qu'il fait, alors je vais le lire attentivement», affirme M. Keddy.

Alors que le NPD aimerait dépeindre le projet de loi de M. Chong comme une preuve que des conservateurs ont perdu foi dans leur chef, M. Chong s'efforce de dire que ce n'est pas le cas. Il affirme que les problèmes qu'il veut résoudre existent depuis des décennies. Il affirme avoir pleinement confiance en Stephen Harper.

M. Kramp rejette aussi la suggestion que M. Chong est un député d'arrière-plan en révolte, puisqu'il travaillait sur la réforme parlementaire avant même de devenir député. Michael Chong a cofondé le Dominion Institute, qui est devenu Historica Canada, une organisation vouée à la promotion de l’histoire, de l’identité et de la citoyenneté au Canada.

«Il est en croisade depuis qu'il est arrivé ici et ce n'est seulement que la suite de cela», estime M. Kramp.

Le projet de loi de M. Chong a reçu l'appui de conservateurs importants et trois d'entre eux, James Rajotte, Larry Miller et Stella Ambler, l'ont accompagné en conférence de presse le 3 décembre. Les trois président des comités.

M. Chong a besoin du vote de cinq autres conservateurs pour que son projet soit adopté s'il reçoit l'appui de tous les députés de l'opposition.

Les députés conservateurs sortant d'une rencontre du caucus le 4 décembre ont indiqué que le projet de loi faisait l'objet de sentiments mitigés, mais qu'il jouissait quand même d'un soutien considérable.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, qualifie le projet de loi d'un des plus importants à avoir été présenté en Chambre, une opinion partagée par le député indépendant Bruce Hyer.

Plus de pouvoir pour les députés

M. Chong explique la nécessité de la Loi sur les réformes avec quelques simples faits. Premièrement, les Canadiens n'ont qu'une occasion de voter pour leur représentant à Ottawa. Ils ne choisissent pas directement le premier ministre et ne peuvent élire les sénateurs. Cela signifie qu'ils doivent se fier à leur député pour faire valoir leurs points de vue.

Deuxièmement, les chefs de parti sont devenus de plus en plus puissants au cours des 20 à 30 dernières années, ce qui rend les simples députés de moins en moins efficaces. Dans ce contexte, les Canadiens souffrent d'un déficit de démocratie et ont besoin de députés plus puissants pour que leur voix au Parlement vaille quelque chose.

Selon M. Chong, il y a une corrélation entre le rôle secondaire que jouent les députés et le désintérêt envers la démocratie et le bas taux de participation aux élections.

«La tendance à la baisse de l'intérêt des électeurs nous indique qu'il y a un grave fossé entre les Canadiens et leurs élus au Parlement», estime-t-il. «J'ai espoir que ces réformes vont réparer les liens entre les Canadiens et leur Parlement en renforçant le rôle de leur député local.»

Le sénateur conservateur Hugh Segal a déclaré qu'il allait militer auprès des députés pour qu'ils appuient les réformes proposées par M. Chong. «Je vais faire tout mon possible pour encourager les gens à appuyer ce projet de loi», a-t-il déclaré.

Si adopté, le projet de loi entrera en vigueur après la prochaine élection.

Version originale :  MP Wants Rules to Oust Party Leaders