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Un salaire convenable pour les élus

Le salaire des élus municipaux devrait-il être revu?

Une foule de détails à prendre en considération

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
09.12.2013
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  • Danielle Pilette, professeure associée au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM (Gracieuseté de Danielle Pilette)

Les cas de corruption, de pots-de-vin et d’enveloppes brunes éclatent au grand jour à Montréal depuis déjà plusieurs mois. Plusieurs élus municipaux se sont «fait graisser la patte» aux dépens de la population. Serait-ce que les élus municipaux ne sont pas assez payés?

À la fin de novembre dernier, un comité recommandait la hausse du salaire des députés à l’Assemblée nationale. Pourrait-on envisager le même scénario pour les élus de la Ville de Montréal? Comme les structures du gouvernement provincial et fédéral sont fort différentes de celles du palier municipal, il n’est pas possible d’apporter une seule réponse absolue à cette question. Il importe d’apprivoiser davantage les rouages de la politique municipale pour voir ce qui pourrait être mis sur la table.

Danielle Pilette, professeure associée au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM, experte de la gestion municipale et métropolitaine, des finances et de la fiscalité a les compétences pour permettre d’organiser cette réflexion. Elle est aussi membre du comité-conseil (externe) de développement durable du ministère des Affaires municipales depuis 2010.

Un intérêt relatif à la paie

Le salaire des conseillers municipaux n’est pas effarant au point qu’il soit l’unique motivateur pour tous. D’autres intérêts comptent pour ceux qui posent leur candidature. «Il y avait beaucoup de retraités parmi les candidats et les élus, à commencer par le président du comité exécutif lui-même, Pierre Desrochers. C’est un retraité de l’industrie pétrolière et des communications. Je pense que, souvent, ils sont très compétents mais, pour eux, la rémunération n’est pas aussi déterminante que la valorisation. L’exemple de Lorraine Pagé [conseillère de ville dans l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville] en est un autre. Ils ont déjà une rémunération par leur retraite, une certaine sécurité financière. Ils tiennent à redistribuer leur expérience», explique Danielle Pilette qui mentionne aussi Marcel Côté, chef de Coalition Montréal et conseiller du président du comité exécutif, qui sera rémunéré la somme symbolique de 1 $ par année.

«Il y a aussi plusieurs candidats qui ont une très bonne formation générale, beaucoup de motivation, mais très peu d’expérience. Pour ces gens, la rémunération n’est pas déterminante. Elle va être suffisante pour commencer une carrière. C’est aussi plus pour acquérir une expérience valorisante, qui peut être tenue en considération ailleurs par la suite. Je vois dans cette description des élus comme Émilie Thuillier [conseillère de la ville Ahuntsic-Cartierville], Elsie Lefebvre [conseillère de la ville, arrondissement Villeray], François Croteau [maire de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie]. On a beaucoup vu de jeunes émerger depuis le RCM [Rassemblement des citoyens de Montréal, parti politique actif à Montréal de 1974 à 2001]. Depuis, ça continue», constate Mme Pilette.

Différents types d’élus

Loin d’avoir une uniformité dans les salaires, chaque élu, selon son titre et ses responsabilités, a l’occasion ou non de faire fluctuer son revenu. «Les conseillers d’arrondissement ont une rémunération qui est seulement de 29 309 $. Alors, ça ne m’apparaît pas beaucoup, mais suffisant. Ça veut dire que, normalement, un conseiller d’arrondissement devrait faire ce travail à temps partiel. Ce serait tout à fait normal. Il y a des conseillers d’arrondissement qui ont un peu plus s’ils sont membres du comité consultatif d’urbanisme de leur arrondissement mais, encore là, ce n’est pas beaucoup, c’est quelques milliers de dollars ajoutés au salaire», dépeint la professeure associée de l’UQAM.

Le comité consultatif d’urbanisme éclaire le conseil d'arrondissement sur des questions touchant le patrimoine, le zonage, le lotissement et l'intégration architecturale.

«Les conseillers de ville gagnent 50 728 $, ce qui m’apparaît tout à fait acceptable aussi. Les enjeux sont quand même plus gros au niveau de la ville qu’au niveau des arrondissements. Il n’est pas sûr non plus qu’on fasse ça à plein temps, mais comme on a beaucoup de jeunes, il y en a qui procéderont comme ça. Comme ils n’ont pas beaucoup d’expérience, ça apparaît une rémunération correcte. Il y en a qui ont des fonctions supplémentaires, soit qu’ils font partie de commissions du conseil municipal, soit à la communauté métropolitaine, etc. Ça va changer de beaucoup leur rémunération. Pour avoir ces autres titres et responsabilités, c’est l’équipe qui est au pouvoir qui va aller chercher beaucoup plus dans ces ajouts donc, les membres du comité exécutif», relate Danielle Pilette.

Un conseiller d’arrondissement ou de ville fixe lui-même ses heures de travail, tout en étant naturellement dans l’obligation d’assister aux rencontres prévues dans le cadre de son mandat.

«La différence entre un conseiller de ville et celui d’arrondissement est que les deux siègent au sein de leur conseil d’arrondissement, ils interviennent tous les deux localement, sauf que le conseiller de ville va au conseil municipal où on s’occupe des affaires de gouvernance de la ville-centre», précise Pierre G. Laporte, responsable des communications en matière d'élections à Montréal.

La communauté métropolitaine est un organisme de planification, de coordination et de financement qui regroupe 82 municipalités.

«Les membres du comité exécutif gagnent 40 020 $ de plus que la rémunération d’un conseiller. Alors, si on est dans une commission ou autre, on ajoute 11 000 $. On peut monter jusqu’à 100 000 $ et plus. Et puis, il va y avoir finalement le maire qui a un salaire de 156 000 $», énonce la spécialiste en gestion municipale et métropolitaine.

«Dans l’opposition, le salaire des élus peut tourner autour de 88 000 $ à 90 000 $. Si je regarde le maire Croteau, par exemple, il cumule quelques tâches en plus d’être maire de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, ce qui lui donne un total de 84 000 $. Mme Louise Harel était à 91 000 $. Elle était conseillère de ville, mairesse suppléante d’arrondissement, en plus d’être chef de l’opposition. Alors, ça  lui  donnait  un  total de 91 539 $. Réal Ménard [maire de l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve] était à 86 080 $», énumère Mme Pilette.

«Prenons l’exemple de Richard Ryan [conseiller de ville, district Mile-End – arrondissement Plateau-Mont-Royal]. Il a été conseiller d’arrondissement, c’est 29 000 $. Il est membre de deux commissions et est maire suppléant d’arrondissement. Alors  ça  lui fait  au total 44 000 $. C’est sûr que lui n’est pas dans les bonnes grâces du parti au pouvoir. C’est une rémunération modeste ou une rémunération convenable pour un retraité ou pour quelqu’un qui veut redonner à la communauté ou pour un jeune qui commence, ce qui n’est pas le cas pour Richard Ryan», remarque Danielle Pilette.

«Josée Duplessis [ancienne numéro deux de l’administration de coalition à l’Hôtel de Ville de Montréal] par exemple, qui s’est retirée, gagnait 56 000 $ quand elle était conseillère de ville et membre d’une commission du conseil. Luc Ferrandez, le maire de l’arrondissement le Plateau Mont-Royal, gagnait 75 528 $ au total. Comme il est maire de l’arrondissement, ça, c’est 24 000 $, puis  il  est  membre  du  conseil de  ville  de Montréal, alors on ajoute 50 000 $. Ça lui fait environ 74 000 $», ajoute Mme Pilette.

  • Denis Coderre lors de son discours d’assermentation, le 14 novembre dernier, à la salle du bal du Marché Bonsecours à Montréal(Ville de Montréal)

«Déjà, M. Coderre, maire de Montréal, part avec 156 000 $. Là-dedans, il y a environ   10 000 $ parce qu’il est maire de l’arrondissement Ville-Marie. Pour le reste, il faut dire qu’il est automatiquement le président de la communauté métropolitaine. Sinon, la fonction de maire de Montréal en tant que tel n’est pas énormément rémunérée. Par exemple, le maire Tremblay faisait uniquement de la figuration à la communauté métropolitaine. Dans le fond, ça dépend de la vision qu’on a du poste. On peut faire seulement de la représentation [présentéisme] ou on peut décider d’être opérateur, de faire changer les choses. La question opérationnelle peut être attribuée au président du comité exécutif», précise Danielle Pilette.

Présentéisme

«Il existe bel et bien du présentéisme [être présent simplement pour justifier son salaire] à la Ville de Montréal, mais l’antidote, c’est la mobilisation. Et la mobilisation, dans le cas des élus, c’est la pression de la société civile qui l’entraîne. Alors, à quel point la société civile va se mobiliser pour imposer un agenda à son élu et lui exiger des comptes? C’est là la question. Si l’élu a l’impression qu’il n’y a pas de mobilisation dans le territoire qu’il représente, il n’y a pas de comité de citoyens, il n’y a pas de comité de préservation des parcs, de développement des loisirs, de ci et de ça, c’est sûr qu’il va être redevable uniquement au chef de son parti et attendre qu’il lui confie des fonctions», indique la professeure associée de l’UQAM.

«Si les citoyens sont extrêmement mobilisés, qu’ils vont sur la place publique, qu’ils utilisent les médias, dont les médias locaux, là l’élu il n’aura pas le choix que de se mobiliser. Dans certains cas, on voit même des élus qui changent de parti, entre autres, à cause de la mobilisation. Je vous dirais, le maire Croteau, c’est un peu ça qui est arrivé. Au début, il a été élu sous Vision Montréal. Évidemment, ça n’allait pas bien à Vision Montréal, mais il y avait aussi sur son territoire Québec Solidaire qui travaillait et toute la société civile derrière. Ça le rapprochait davantage de Projet Montréal», relate la membre du comité-conseil (externe) de développement durable du ministère des Affaires municipales.

«Là, on traite de la question de l’agriculture urbaine, de celle de la cuisine de rue, des parcs, des arbres urbains, la nature en ville, il y a pleins d’enjeux nouveaux en plus. Il faut garder une pression pour mobiliser les élus pendant quatre ans. Il ne faut pas que ce soit conjoncturel au moment de l’élection», suggère Danielle Pilette.

Allocations de dépenses

Un montant accordé aux élus, souvent obscur et suscitant bien des doutes à tous les paliers de gouvernements, est celui venant des allocations de dépenses. «Évidemment, pour certains postes, elles peuvent apparaître élevées parce qu’elles sont toujours autour de 15 000 $ par année, quel que soit le poste. Je trouve que c’est élevé. Cela inclut, par exemple, les déplacements à l’extérieur, la chambre d’hôtel lors de sorties, certains repas, etc.», précise Mme Pilette.

Une façon de mieux octroyer les allocations de dépenses, ce serait une révision de salaire selon l’arrondissement. «Je serais tout à fait d’accord avec cette proposition. Évidemment, il y a des arrondissements qui sont au-dessus de 100 000 personnes. Pour les petits arrondissements, il y a deux choses qui sont anormales. Premièrement, c’est que l’allocation de dépense est à peu près la même pour tous les élus, même s’ils sont seulement conseillers d’arrondissement. S’ils sont conseillers d’arrondissement, entre vous et moi, ils ne vont pas très loin, ils pourraient se transporter en transport en commun ou à pied. Quand ils sont juste conseillers d’arrondissement, c’est vraiment dans la proximité que ça se passe, alors ça paraît un peu anormal», relève la professeure associée. 

«Une autre suggestion : que les rémunérations de conseiller d’arrondissement soient généralement les mêmes, avec certaines exceptions, à moins qu’ils participent à des commissions. La taille des arrondissements est souvent très différente d’un arrondissement à l’autre. On peut comprendre que tous les arrondissements qui dépassent 100 000 de population, ils sont pas mal sur le même pied, mais il y a des arrondissements à 30 000 personnes aussi. Le salaire devrait être proportionnel au nombre de Montréalais par arrondissement», en déduit Danielle Pilette.

«Mettons qu’il pourrait y avoir trois catégories de taille d’arrondissement à la Ville de Montréal. Ça serait faisable. Première catégorie : 100 000 habitants et moins. En dessous de ça, on pourrait avoir deux autres catégories. On pourrait aussi considérer le facteur des groupes de la société civile qui interagissent avec les élus. Là encore, il pourrait y avoir deux catégories selon le travail que cela demande. C’est beaucoup d’efforts de la part d’un élu d’entretenir de bons liens avec la société civile et vice-versa», termine Mme Pilette.

Pour certaines informations en ce qui concerne les salaires, Mme Pilette s’appuie sur le document Rémunération des élus de la Ville de Montréal, données à jour le 17 septembre 2012.

 

 

 

   

 

     

 

       

 

         

 

           

 

             

 

               

 

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