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Des rythmes scolaires réellement adaptés?

Écrit par Frédérique Privat, Epoch Times
11.02.2013
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  • Avec la fin du mercredi libéré pour les élèves, prendre des cours de musique, de danse ou autre activité artistique pourrait relever du casse-tête pour certains parents. (Christopher Furlong/Getty Images)

Branle-bas de combat dans les mairies et les écoles. La réforme sur les rythmes scolaires vient d’être prononcée et implique des changements importants au sein de l’enseignement mais aussi auprès de tous les partenaires de l’école. Cheval de bataille de Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, les rythmes scolaires ont pourtant déjà connu de nombreux changements au cours de ces dernières décennies.

Rythmes scolaires: un peu d’histoire

En 1882, à l’école de Jules Ferry, gratuite et obligatoire, les jeunes Français demeuraient en moyenne 30 heures et 5 jours (du lundi au samedi, le jeudi libéré) sur les bancs de l’école par semaine et ne disposaient que d’un mois de vacances en été, vacances tout à fait suppressibles dans le cas des classes maternelles. Ces dispositions dureront  quelques dizaines d’années jusqu’en 1922.

En effet, au lendemain de la Première guerre mondiale, les besoins en main-d’œuvre étant importants, les enfants constituaient alors des bras supplémentaires qu’il fallait donc «libérer» grâce à des vacances rallongées de 15 jours.

Puis en 1936, l’arrivée des congés payés prolongera alors les vacances de la mi-juillet jusqu’à la fin octobre. Trois mois et demi de vacances qui se poursuivront jusqu’à la prise de conscience, après les années 50, qu’une telle durée était néfaste à la reprise de l’attention chez les enfants.

En 1961, ère d’abondance pour le niveau de vie des Français, il est important de leur faciliter les départs en vacances et même en week-end! C’est dans cette optique qu’est créé le zonage du calendrier des vacances afin de fluidifier la circulation sur les grands axes routiers. Parallèlement, les cours du samedi sont supprimés et le jeudi libéré est avancé au mercredi, afin de libérer la fin de semaine pour une virée à la campagne, à la mer ou dans la résidence secondaire!

En 1980, un rapport du Conseil Économique et Social souligne la concentration des jours d’écoles dans l’année ainsi que des vacances, entraînant en cours d’année scolaire une fatigue importante des élèves, notamment  vers les mois de novembre et mars. Il en résulte un début de morcelage des vacances, avec l’apparition des petites vacances de la Toussaint et d’Hiver, suivi en 1985, de l’instauration d’une alternance de sept semaines d’écoles et de deux semaines de vacances.

En 1998, la création du contrat éducatif local permet la mise en place d’activités sportives et culturelles au sein des écoles, hors temps scolaire, le tout financé par les collectivités locales.

La bataille faisant rage entre chronobiologistes et politiques à propos des rythmes scolaires les plus adaptés aux rythmes de l’enfant, Xavier Darcos, alors ministre de l’Éducation nationale, instaure en 2008, une semaine de quatre jours qui concentre les enseignements quotidiens et libère un jour entier supplémentaire en fin de semaine.

La réforme

En janvier 2013, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, décide de revenir à la semaine de quatre jours et demi. Le mercredi sera à nouveau travaillé le matin par les élèves. En effet, les jeunes élèves français sont les seuls de l’OCDE à avoir une journée de classe aussi longue qui concentre les apprentissages sur 144 jours dans l’année, alors que la moyenne est de 187. Rajouter une demi-journée permettrait à la fois d’étaler les heures hebdomadaires et d’allonger le nombre de jours annuels à 180. Les horaires hebdomadaires ne changeant pas (24 heures), les 4 journées de classe devraient, en théorie, s’alléger d’une heure, et donc les heures de classe seraient alors relayées par davantage d’activités sportives et culturelles.

Cependant, la réalité se profile différemment. Les mairies sont peu ou pas du tout préparées en moyens humains et financiers à faire face à des charges scolaires alourdies.  On ne demande guère l’avis des enseignants sur la question, alors qu’ils sont les acteurs principaux de l’école. De leur côté, les parents, en apparence d’accord selon les sondages, sont un peu abasourdis, se posant aussi des questions sur la faisabilité et les conséquences réelles de cette réforme.

Ce que pensent les acteurs de l’école

Quels sont les changements attendus pour chacun des acteurs de l’éducation? Concernant les enfants d’abord, puisqu’ils sont censés être les premiers bénéficiaires de cette réforme: ils perdront une heure de cours par semaine, soit 24 heures passées en grand groupe, additionnées d’une heure supplémentaire pour les élèves en difficultés. Ceux-ci seront sélectionnés par les enseignants dans le cadre des Aides Pédagogiques Complémentaires (APC).

Cependant, leur temps de présence au sein de l’école devrait demeurer sensiblement le même. En effet, les enfants dont les parents travaillent tard ou sont pris dans les trajets, seraient, de toutes façons, pris en charge par les municipalités. Il revient aux municipalités de décider d’une organisation concertée avec les personnels d’éducation et les associations intervenant dans le temps du périscolaire.

Pour Claire Gizard, première adjointe à la mairie du Raincy (Seine-Saint-Denis), la priorité est de choisir le moment le plus propice au changement de ces rythmes: reporter l’application de la réforme à la rentrée 2014 ou débuter dès la rentrée 2013, avec en prime une incitation financière forte, puisqu’une subvention de 50 euros par élève sera versée à toutes les municipalités qui se lanceront dès septembre 2013. En outre, les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) cible ou de la dotation de solidarité rurale (DSR), se verront allouer 40 euros supplémentaires par élève, soit 90 euros par élève au total pour l’année scolaire 2013-2014. Elles bénéficieront, à nouveau, du fonds l’année suivante, à hauteur de 45 euros par élève.

Pour la mairie du Raincy, madame Gizard précise qu’ayant environ 1.400 élèves inscrits, ils disposeront donc de 70.000 euros alloués à la commune: «Comme toutes les villes, nous ne sommes pas insensibles à cet argument, mais sachant qu’une fois cette «petite carotte» devant nous, cette enveloppe ne sera pas renouvelable. La problématique est de savoir si l’on se précipite sur la prochaine rentrée du fait de cette incitation financière, mais sans pour autant bien maîtriser les contours et sans bien être assuré de réussir? La réponse, nous l’attendons des élus, mais aussi des parents, des enseignants, des associations, de tous les acteurs concernés par cette réforme. Le cœur de cible de ce changement est bien l’enfant, donc, au-delà de toutes contingences financières, ce qui nous importe c’est que ces nouveaux rythmes scolaires se traduisent par une plus value en terme de confort et en terme éducatif pour l’enfant.»

À ce choix viennent s’ajouter les réorganisations des temps de garderies et d’activités périscolaires des quatre jours de la semaine, ainsi que l’organisation de cette nouvelle demi-journée du mercredi.

Pour cela, plusieurs schémas prévisionnels sont proposés avec deux choix d’insertion de l’heure supplémentaire pour les municipalités: l’une concernerait la pause méridienne qui serait allongée de 45 minutes dans les faits et qui se verrait atteindre un temps de 2h45 voire 3h. L’autre possibilité serait d’introduire ces 45 minutes supplémentaires en fin de journée d’enseignement, qui pourrait alors se terminer plus tôt: 15h30 ou 16h, suivie alors de ces 45 minutes de temps périscolaire, Vincent Peillon s’étant engagé à ce «qu’aucun enfant ne soit laissé sans solution de prise en charge avant 16h30.»

Des propositions d’emploi du temps qui partagent aussi les enseignants, car ceux-ci, mieux que les autres, et en dépit des arguments avancés par les chronobiologistes (le pic d’attention se situant vers 15 heures, reprendre la classe plus tard serait favorable à l’enfant), ont conscience des effets négatifs que pourraient avoir une pause méridienne rallongée: excitation, ennui, bagarres, et en fin de compte des élèves peu enclins à reprendre des apprentissages.

Sylvie Gilbert, directrice d’école élémentaire au Raincy, présente ainsi une autre version de l’emploi du temps qui semble trouver davantage l’adhésion du corps enseignant: «L’école devrait s’arrêter vers 15h30, la pause méridienne raccourcie à une durée d’1h30, que les enfants reprennent à l’heure, qu’ils fassent leurs heures scolaires et qu’après, ils soient pris en charge dans les activités périscolaires par du personnel compétent. Parce que si on refait de la garderie le soir, il n’y a pas d’intérêt, et il est à craindre que ce soit le cas, car dans les communes, cela coûte très cher d’engager du personnel compétent».

Elle précise que le rallongement de la pause méridienne pourrait constituer une solution intéressante, seulement dans le cas d’une prise en charge des élèves par du personnel spécialisé dans des domaines artistiques ou culturels et qui remettraient vraiment l’enfant dans un environnement d’apprentissage et d’attention.

L’ajout du mercredi matin implique de nombreuses réorganisations: chez les enseignants qui devront en tant que parents, payer des heures supplémentaires de garderie pour leurs enfants en bas âge, augmenter leurs dépenses hebdomadaires de transport; chez les associations et services municipaux chargés de l’enseignement artistique et culturel, conservatoires de musiques et de danse qui vont devoir revoir leur  copie afin de pouvoir encore proposer des créneaux horaires convenables  aux enfants, et pour qui cette réforme pourrait transformer leur emploi du temps hebdomadaire en véritable casse-tête  en termes de temps, de déplacement et surtout d’énergie dépensée.

Sur le site du ministère de l’Éducation nationale, on peut lire qu’un des objectifs majeurs de cette réforme est de permettre aux enfants «d’accéder à des activités sportives, culturelles, artistiques qui contribueront à développer leur curiosité intellectuelle et à renforcer le plaisir d’apprendre et d’être à l’école». Il appartiendrait donc à chacun de prendre acte de cet objectif à atteindre tout en pesant la réalité des moyens mis à disposition.

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