Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Pour vaincre le gaspillage alimentaire

La médiatisation de récentes études quant au gaspillage alimentaire ébranle, mais qu’en est-il des solutions?

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
19.02.2013
| A-/A+

  • Plusieurs organismes et initiatives, comme les AmiEs de la Terre de Québec, visent à réduire le gaspillage alimentaire. (Photos.com)

Peu nombreuses, mais révélatrices, les études sur le gaspillage alimentaire ont su ébranler les certitudes quant aux habitudes de consommation de ces dernières années. On n’a qu’à penser aux constats de 2010  : 27 milliards de dollars de nourriture jetée par année, montant plus élevé que les importations de l’agroalimentaire canadien et le PIB des 32 pays les plus pauvres du monde (Food waste in Canada,Value Chain Management Center). En 2011 et en 2012, on apprenait que le tiers, presque la moitié, des 4 milliards de tonnes d’aliments est gaspillé, autant tout au long de la ligne de production (Global food losses and food waste,  extent, causes and prevention, Food and Agriculture Organization, 2011 et Global food - Waste not, want not, Institution of Mechanical Engineers, 2012). Les solutions pragmatiques à cette problématique endémique ont pourtant rarement occupé la tribune.

Marketing du gaspillage alimentaire

Comprendre les stratagèmes de vente de l’industrie agroalimentaire et du traitement média du gaspillage alimentaire est déjà un grand pas pour arriver à faire obstacle à cette problématique planétaire.

Le gaspillage alimentaire prend sa source dans la dévalorisation des aliments encouragée par l’alimentation à rabais et les promotions à outrance, selon certains. «Est-ce bien grave de gaspiller une carotte si, en tant que consommateur, je suis capable de m’en procurer cinq livres pour seulement 1,25  $? Les répercussions sont peut-être faibles à courte échéance, mais qu’en est-il de plusieurs dizaines d’aliments? De plusieurs milliers de foyers de consommation?», peut-on lire sur le site sauvetabouffe.org.

Sauvetabouffe.org se situe entre un site de partage et un blogue et propose des trucs et astuces antigaspillage selon chaque aliment.

Requestionner ses habitudes de manger «congelé» et «tout-préparé» a également un rôle à voir dans la rééducation du gaspillage alimentaire. Étant loin de la nourriture à l’état brut, une certaine désensibilisation s’installe et peut, par exemple, faire oublier ce qu’on a déjà.

«Acheter des choses déjà toutes faites nous coupe de la réalité de ce qu’est un aliment. Quand on apprête un plat, quand on prend une heure pour le faire, quand on prépare un repas dont on est fier, dans lequel on a mis de l’énergie, on a envie de le consommer et de le partager. Quand on achète du congelé, c’est comme si la nourriture devenait strictement utilitaire à notre vie. On pourrait comparer cette façon de s’alimenter à s’allumer une cigarette. On a perdu le sens du rituel avec la nourriture et cela a des conséquences», affirme Estelle Richard de Sauvetabouffe.org.

«Quand on a accès à autant de quantité, que ce soit chez Costco ou n’importe quelle grande surface, il faut avoir un doute devant tout le choix qui se présente à nous. On gaspille par cette occasion de l’essence, mais surtout la valeur de nos aliments est amoindrie. Ils deviennent des articles comme les autres. Même en région, le phénomène est le même, c’est ancré dans notre vie de consommateur nord-américain», souligne-t-elle. 


Le gaspillage serait même souhaité par certains. «Ça m’a été confirmé par un épicier. Je l’ai approché pour le conscientiser et il m’a carrément dit qu’il était à l’opposé des propos que je lui présentais  : il était progaspillage  : “Si les gens gaspillent, ils reviennent acheter plus rapidement.”», s’étonne encore Mme Richard, chargée du dossier Zéro Déchet aux AmiEs de la Terre de Québec.

Les AmiEs de la Terre de Québec (ATQ) est un mouvement citoyen actif qui attire l’attention sur l’importance de l’écologie environnementale, politique et sociale.

Mariangiola, l’une des quatre initiatrices de CORÉAL, le Collectif de Récupération alimentaire basé à Montréal, juge que l’heure a sonné pour que les services alimentaires fassent eux-mêmes leur part directement auprès de leurs clients. «L’industrie, les épiceries et les restaurants devraient non seulement mettre la pédale douce sur le surachat, mais ils pourraient aussi montrer leur bonne volonté en conscientisant sa clientèle au gaspillage alimentaire en lui proposant des actions concrètes, des idées pour y arriver et pourquoi pas des exemples vécus!», partage-t-elle.

Projet créé à l’automne 2011 par quatre écostagiaires Katimavik (programme fédéral pour les jeunes aidant dans divers projets communautaires), le CORÉAL consiste à mettre sur pied des partenariats entre des commerces et un organisme opérant dans le même quartier afin de réduire le gaspillage de nourriture à Montréal. 


À l’échelle municipale

Les prises de conscience, aussi percutantes soient-elles, ne sont pas aussi efficaces que la réalité qui explose au visage à l’échelle locale. «Entendre parler de millions, de milliards de dollars ou de tonnes de nourriture à l’échelle du pays ou du monde peut arriver à remuer monsieur et madame Tout-le-monde, mais pas autant qu’un bilan qui viendrait du gouvernement provincial ou, mieux, de sa municipalité. Malheureusement, ça n’existe pas encore. Ça reste à faire», fait valoir Estelle Richard de Sauvetabouffe.org.

La conscientisation sur les pertes de nourriture est déjà l’affaire de différents pays, mais cela est encore une idée qui germe lentement chez les dirigeants de Montréal. Élise Desaulniers, auteure de Je mange avec ma tête – Les conséquences de nos choix alimentaires, explique que les villes de Londres et de Paris ont entrepris des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens et se sont fixé des objectifs concrets de réduction du gaspillage. «La Conférence régionale des élus de Montréal s’est penchée sur la question en 2011, mais on attend encore des actions concrètes», partage la conférencière et consultante en marketing.

Responsable des communications aux AmiEs de la Terre de Québec, Estelle Richard croit profondément pour sa part que l’investissement des gouvernements pour soutenir des organismes visant à donner une seconde vie à des tonnes de denrées alimentaires, par exemple Moisson Montréal, pourrait faire une différence considérable dans notre rapport au gaspillage alimentaire.

Mme Richard apprécie notamment le travail de la Tablée des chefs à Montréal qui met en relation des organismes à but non lucratif qui font de la distribution alimentaire et des hôtels et des grands restaurants qui ont des surplus alimentaires. L’organisme assure la logistique de récupération et de redistribution de la nourriture. Ce genre d’initiative pourrait être plus fortement encouragé par les divers paliers de gouvernement.

Le citoyen gaspilleur

Être véritablement honnête avec soi-même est une autre des solutions à portée de main pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Le site web Sauvetabouffe.org a de quoi secouer les puces sur la question de l’auto-évaluation du consommateur comme gaspilleur  : «Une récente étude belge a démontré que les consommateurs évaluent leur propre gaspillage alimentaire à environ 5 % de leurs aliments. Or, le gaspillage réel observé est de trois à cinq fois supérieur à ce qui est estimé par la personne.»

Le site Sauvetabouffe.org avance aussi que le gaspillage alimentaire peut être tendance pour certains. Cette séduction particulière peut se résorber sous l’effet de l’esprit critique. «Pouvoir gaspiller peut représenter l’opulence, être un signe d’abondance et d’aisance financière. Si l’argument économique n’est pas une préoccupation, il est de bon ton pour certains de ne pas manger les restants de la veille, de se payer le luxe de la variété, de la fraîcheur renouvelée, pour une consommation de “qualité”.»

  • Pouvoir gaspiller peut sembler être un signe d’abondance et d’aisance financière, mais pose un problème de responsabilité sociale. (Photos.com)

Pour plusieurs, prendre la décision de «manger santé» est un tournant majeur dans leur vie. Ce changement de mentalité compte plusieurs bénéfices pour soi-même, pour les autres, pour l’environnement et bien plus. Ce qu’il faut saisir, c’est que cette résolution ne peut remplacer complètement notre façon de consommer. «Il faut voir le tout globalement, en commençant à remettre en doute notre consommation avant notre alimentation. Manger cru, être végétalien ou végétarien sont devenus, pour bien des personnes, des styles de vie permettant d’être responsable envers la planète et pour nous donner bonne conscience. Le problème, c’est qu’un végétarien n’est pas à l’abri de gaspiller ses fruits et légumes», insiste Estelle Richard.


Les grands centres

Revoir et modifier son rythme de vie dans les grandes villes peut permettre de recentrer son attention sur tout ce que son réfrigérateur contient. Parlez-en à Mme Richard  : «Je connais des gens, des Montréalais, qui vont acheter beaucoup de fruits et de légumes, qui font des courses de quantité assez importante. Il y a beaucoup, beaucoup de choses à faire, finalement, les gens ne passent pas le temps qu’ils avaient prévu chez eux. On a un repas planifié avec un ami, il y a tel spectacle le même soir, on est happé par un tourbillon. Au bout du compte, ils ne prennent pas le temps de transformer leurs aliments et tout se perd. Il faut bien comprendre que le gaspillage alimentaire n’est pas dû à un manque de temps, mais plutôt à une mauvaise planification des repas, à une mauvaise gestion du temps et à un “bourrage” du frigo. En plus, on ne fait pas l’inventaire de ce qu’il contient.»

Lorsqu’il est temps de manger à l’extérieur, les choix qui sont faits ont aussi leur part d’influence. L’éthique en alimentation ne s’arrête pas à ce qu’il y a dans son assiette, mais aussi à ce qui ne reste rien dedans en fin de repas. Mariangiola préfère, quant à elle, les restaurants qui ont une volonté de réduire le gaspillage (achats responsables, importance des produits frais et locaux) et ceux dont la cuisine est visible. De son côté, Élise Desaulniers constate de manière générale qu’«il n’y a pas encore assez d’efforts faits pour que le client puisse rapporter ses restes, par exemple en proposant des contenants compostables à base d’amidon de maïs à ses clients. Je dirais également que les portions sont encore trop grosses à bien des endroits», remarque-t-elle.

 

 

 

   

 

     

 

       

 

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.