Harel: corruption et élection

Rencontre avec Louise Harel

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
20.02.2013
  • Louise Harel à l'hôtel de ville de Montréal (Mathieu Côté-Desjardins/Époque Times archives)

Derrière la très accueillante Louise Harel, chef de l’Opposition officielle et chef de Vision Montréal, se cache une guerrière pacifique, si à l'aise aux joutes politiques qu'elle n'en laisse rien paraître. Sa bataille contre la corruption et la collusion à la Ville ne date pas de la commission Charbonneau, mais bien avant. Sa détermination à faire briller la métropole n'est pas non plus une passade qui s'éteindra à la première occasion. Nous l'avons rencontrée à ses bureaux de l'hôtel de ville.

Époque Times (ÉT) : Comment vivez-vous quotidiennement la question de la corruption et de la collusion? Vous arrivez au bureau, vous y êtes plongée. Vous rentrez chez vous, vous écoutez les médias et vous y voilà à nouveau.

Louise Harel (LH) : Je vis cela avec un soupir de soulagement. Les conditions sont réunies pour que le grand ménage ait lieu. Chaque mois avant la commission Charbonneau, comme chef de l'Opposition officielle, j'ai présenté des motions [propositions] à la séance régulière du Conseil de Ville pour demander la tenue d'une commission d'enquête publique dans le domaine de la construction. Cela date après l'élection de novembre 2009, soit en décembre.

La majorité [des élus] avait voté en faveur, mais du bout des lèvres. Par la suite, ils [les élus] ont cessé de voter en faveur. Ils étaient fâchés. Ils trouvaient que c'était du harcèlement. «C'était inutile. Ça avait déjà été voté. Ce n'était pas nécessaire d'y revenir.» 

Je me dis souvent que l'opinion publique doit se saisir du fait qu'elle a gagné la tenue de cette commission d'enquête. C'était toujours 75 % à 80 % de la population qui tenait à ce qu'elle voie le jour. Dans tous les sondages, depuis deux ans, on a pu sentir la nécessité d'une telle commission. C'est une victoire citoyenne de la démocratie.

ÉT : Concrètement, est-ce qu'on a déjà une idée de «quand» nous allons pouvoir voir les solutions à la suite de cette commission?

LH : La guérison va être longue, c'est bien sûr. Nous allons avoir l'escouade EPIM [Escouade de protection de l'intégrité municipale ayant le pouvoir d'enquêter sur l'administration de long en large]. Nous exigeons de connaître le mandat et la mise en œuvre, de même que les mesures pour recouvrer les sommes qui ont été volées aux Montréalais [à la suite des révélations troublantes à la commission Charbonneau]. Il y a un comité-conseil qui a été mis en place, avec M. Léonard [le président Jacques Léonard du comité-conseil sur l'octroi des contrats municipaux qui veillera au respect des règles d’attribution et de gestion des contrats en plus de faire des recommandations en matière éthique] qui le préside et qui devrait remettre son rapport en juin.

Nous-mêmes, nous allons faire des représentations sur la question des appels d'offres, des propositions, et on pense qu'il faut revoir tout le système du plus bas soumissionnaire avec la dérive qui s'est produite avec l'ajout «d'extras». Est-ce qu'il faut retenir le système européen, qui se veut ni le plus haut ni le plus bas soumissionnaire, mais le prix médian? Il y a des changements comme ceux-là qui vont se produire.

Bien sûr que ce que l'Opposition officielle et moi réclamons, c'est la nomination d'un commissaire à l'éthique comme à Toronto. Toronto a mis en place un bureau de registrariat pour le lobbying; les élus qui rencontrent des promoteurs sont dans l'obligation d'être enregistrés et d'enregistrer le mandat pour lequel ils le rencontrent. On va rencontrer sous peu le commissaire au lobbying du Québec pour savoir si Montréal peut se doter de son propre commissaire comme c'est le cas à Ottawa également.

ÉT : Y a-t-il une résistance à ces mesures?

LH : Il y a eu une très forte résistance jusqu'à ce qu'il y ait l'administration de coalition [comité exécutif comptant des élus de toutes les formations politiques]. Il y a une fenêtre d'opportunité qui s'est ouverte.

Au dernier conseil, nous avons fait deux motions importantes, on veut absolument qu'il y ait un examen de tout ce qui est des contrats informatiques. Depuis septembre dernier, on a voté pour 107 millions de contrats informatiques à la pièce, sans vision d'ensemble, sans présentation du plan.

La commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction a un mandat très restreint. Nous voudrions qu'elle ait un mandat beaucoup plus élargi et que, dorénavant, on la considère comme une commission à l'éthique et à l'intégrité. Ça aussi ça a été refusé. Mais on va revenir à la charge, il ne faut pas s'inquiéter [dit-elle dans un éclat de rire].

ÉT : Quel est l'état de santé du lien de confiance des Montréalais par rapport aux élus?

LH : Je dirais que les Montréalais sont très découragés de voir étalé ce qu'il y avait dans l'administration municipale. Ils ne voient pas encore la lumière au bout du tunnel. Jusqu’à présent, ce que l’on peut voir dans les médias c’est davantage l'exposition du problème que celle des solutions.

Le balai que j'ai brandi en 2009 en politique municipale, je m'en suis d'abord servi à Vision Montréal. Le ménage a commencé par être fait à Vision Montréal. Et là, je suis prête à le faire à la Ville. Quand je suis arrivée en 2009, j'ai tout de suite annoncé que nous ne prendrions aucun don anonyme. C'était encore permis par la loi. Jusqu'à 20 % du total. Le parti du maire Tremblay, Union Montréal, chaque mois déclarait dans ses états financiers, 7 000 $ à 8 000 $ de dons anonymes… 12 mois par année, durant les quatre années du précédent mandat. C'était vraiment invraisemblable!

ÉT : Qu'avez-vous à dire par rapport aux allégations de Richard Bergeron [chef de Projet Montréal] à propos de votre présence au cocktail de financement organisé par Michel Petit [ex-conseiller politique de Benoit Labonté] le 25 août 2009?  

LH : Pour le cocktail de financement de Michel Petit [révélation-choc du témoignage de l’ingénieur Michel Lalonde devant la commission Charbonneau], j'y étais comme oratrice. Je n'étais pas l'organisateur de ce cocktail.

ÉT : Comment vous sentez-vous pour la prochaine campagne?

LH : Ça commence à se préparer! Nous en sommes définitivement en précampagne. Dimanche [le 10 février], il y aura un brunch sur le Plateau Mont-Royal, des gens qui veulent initier un appui à Vision Montréal, le dimanche qui suit [17 février] dans Hochelaga-Maisonneuve. Ceci dit, on a trois grands thèmes : gouverner, développer et rêver Montréal.

ÉT : Quel est votre bilan de Vision Montréal jusqu'à maintenant?

LH : Ça fait déjà 12 ans que Vision Montréal est dans l'Opposition. C'est très rare qu'un parti puisse survivre dans l'opposition municipale pendant trois élections. Vision Montréal est pauvre mais honnête. J'ai hérité des dettes de Vision Montréal. Je n'ai pas hérité des surplus. Notre projet est d'avoir une ville propre à tout point de vue. Propre dans les rues, mais propre dans nos budgets.